Attention, danger : instrumentaliser l’Histoire peut se retourner contre vous !

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En instrumentalisant l’Histoire, nos contemporains prennent le risque de se tirer une balle dans le pied. Pour que cesse l’engrenage de la repentance, il faut rappeler que l’Histoire est violente et que chaque peuple a son passé trouble.

"Est-ce que George Washington était un propriétaire d’esclaves ?", demandait malicieusement Donald Trump aux journalistes qui réclamaient le démontage d’une statue du général Lee le 15 août dernier à Charlottesville.

Le général Robert Edward Lee a dirigé les troupes confédérées durant la guerre de Sécession. Un choix patriotique pour ce natif de la Virginie, dans un conflit dont l’enjeu dépasse largement celui de l’esclavage. Mais ces derniers mois, de multiples protestations secouent l’Amérique : doit-on considérer le général Lee comme un salaud ou comme un héros ? Membre de l’aristocratie sudiste, propriétaire d’esclaves, le général Lee était un homme de son époque. Ce fut aussi un brillant stratège qui permit aux populations sudistes vaincues et humiliées de retrouver une certaine fierté, mais la gauche américaine s’empêtre dans l’anachronisme, jugeant l’œuvre du général avec ses valeurs contemporaines. Elle se mobilise pour déboulonner les statues du général qui fleurissent dans le Sud, suscitant par ricochet la colère de la droite américaine radicale.

Mais juger l’Histoire avec des lunettes du présent est absurde : sur les dix-huit premiers présidents américains, treize furent patrons d’esclaves. George Washington, le plus vénéré des pères fondateurs, est concerné. Faut-il déboulonner les statues de Georges Washington ?

"L’Histoire est tragique", disait Raymond Aron, et il est toujours périlleux de faire juger par le tribunal de la morale contemporaine les faits historiques ou les personnages du passé. Une logique sans fin et dangereuse. Prenons un autre exemple : celui de la Corée du Sud. 

Durant la guerre du Viêtnam, ses soldats accompagnent les armées américaines. Sur place, les troupes de Séoul réduisent en esclavage sexuel plusieurs milliers de jeunes filles. Les descendants de ces viols, appelés "Lai Đại Hàn", sont encore aujourd’hui rejetés par la société vietnamienne. 

Un passé peu glorieux qui n’empêche pas les associations et les autorités coréennes de continuer de se plaindre auprès de Tokyo pour les violences commises par les troupes nippones dans la péninsule pendant la Seconde Guerre mondiale. Les dédommagements financiers accordés par les Japonais ne calment pas ces apprentis sorciers de l’Histoire. 

Idem pour l’esclavage, où la repentance occidentale masque la responsabilité de certains peuples noirs dans le commerce triangulaire : après tout, les Européens « achetaient » en Afrique des esclaves capturés et vendus par d’autres peuples du continent.

À chaque demande de repentance, prévenez votre interlocuteur qu’il s’apprête à lancer un engrenage infini et absurde. Cela devrait le ramener à la raison.

Stéphane Couca
Stéphane Couca
Professeur d'Histoire-Géo

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