Au Brésil, un juge censure X : des sénateurs veulent le destituer !

capture d'écran twitter
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Au cours de la réunion du Sénat brésilien du 3 septembre 2024, le sénateur Cleitinho a annoncé qu'une procédure de destitution à l'encontre du juge de la Cour suprême fédérale Alexandre de Moraes serait présentée le 7 septembre prochain. Moraes fait parler de lui depuis quelques mois pour la bataille qu'il mène contre Elon Musk et sa plate-forme X, qu'il accuse de permettre la diffusion de fausses informations et autres discours de haine. Ce conflit a récemment pris une tournure pour le moins autoritaire puisque le réseau social est désormais interdit au Brésil et que les contrevenants s'exposent à une amende de près de 8.000 euros par jour d'utilisation… La procédure de destitution a peu de chances d'aboutir, cependant. En effet, il faut d'abord qu'elle reçoive l'approbation du président du Sénat, puis qu'elle soit votée par la majorité qualifiée des deux tiers, soit 54 des 81 sénateurs que compte le pays. Or, il se fait que le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, est membre du Parti social démocratique, membre de la coalition gouvernementale. Le gouvernement brésilien a, jusqu'ici, soutenu les actions entreprises par Moraes contre X. De plus, l'opposition et les indépendants au Sénat ne représentent que 39 sièges. Il faudrait donc un concours de circonstances exceptionnel pour que M. Moraes soit destitué...

Musk passe à l'offensive

Les motifs de destitution s'accumulent, pourtant. Musk a créé un compte X « Alexandre Files » dans lequel sont répertoriés tous les actes illégaux que le juge aurait commis ou qu'il aurait demandé à X de commettre. Depuis la fin de la dictature militaire et avec la Constitution de 1988, le Brésil se veut une démocratie occidentale exemplaire. À ce titre, la liberté d'expression est l'un des droits les plus fondamentaux et sacrés des Brésiliens. Or, selon les informations révélées par X, le juge Moraes aurait demandé aux différents réseaux sociaux présents dans le pays de supprimer les comptes de plusieurs personnalités médiatiques et politiques, et ce, de façon parfaitement arbitraire. Ne pas donner la moindre justification à ces demandes signifie contrevenir à l'article 19 de la loi sur Internet de 2014 selon laquelle une ordonnance judiciaire requérant la suppression de certains contenus « doit, à peine de nullité, contenir une identification claire et précise du contenu identifié comme contrefaisant, qui permet la localisation sans équivoque du matériel ». En d'autres termes, pour obtenir la suppression de certains comptes, Moraes aurait dû justifier sa décision.

Plus grave encore, sa décision contrevient directement à plusieurs articles de la Constitution fédérale du Brésil. Trop nombreux pour être tous listés ici. Citons-en, néanmoins, quelques-uns. L'article 5, par exemple, dispose que « l’expression de la pensée est libre, l'anonymat est interdit ». Plus grave encore, l'article 53 mentionne que « les députés et sénateurs sont inviolables, civilement et pénalement, pour toutes leurs opinions, paroles et votes ». Or, parmi les comptes qu’a voulu censurer Moraes figurent ceux du député Nikolas Ferreira et du sénateur Alan Rick Miranda... Enfin, Moraes aurait donc aussi bafoué l'article 220 de la Constitution fédérale selon lequel « toute censure à caractère politique, idéologique ou artistique est interdite ».

La situation brésilienne est alarmante, d’autant plus qu’elle n’est pas isolée, dans le monde occidental. On pense, notamment, à l’arrestation de Pavel Durov, patron de Telegram, en France, et le commissaire européen Thierry Breton s'est engagé dans une bataille similaire contre Elon Musk depuis plusieurs mois, et les démocrates américains semblent également se mobiliser en faveur d’une plus grande régulation des réseaux sociaux, chose bien difficile au pays du premier amendement… et, surtout, du second.

Louis de Torcy
Louis de Torcy
Etudiant en école de journalisme

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Je soutiens sans réserve la démarche des parlementaires, qui veulent virer le Juge qui instruit un dossier conte X et contre Elon Musk ! J’aime son esprit Libre et son désir de lutter contre les censeurs ! Je suis contre l’Occident et le Monde Unie Polaire ! Je soutient totalement les Brixs et un Monde Multi Polaire ! Hervé de Néoules !

  2. Le système a compris que les peuples n’acceptent plus leur mensonge. Nous allons vivre la fin d’une époque de corruption généralisée aussi tout est bon pour retarder ce moment. X a déjà réussi à ouvrir les yeux, bravo à monsieur Elon Musk.

  3. La liberté d’expression sans limites ? ces réseaux servent à tous les trafics humains et drogue , armes etc.. et à diffuser la haine à tout va !! et vous appelez cela la liberté d’expression ? Bientôt ces gens comme Musk dirigeront le monde !! Il voulait en plus devenir président des EU, on voit déjà à une petite échelle , ce que fait notre Roi !!

  4. Je vis au Brésil, et je peux vous assurer que pour l’instant du moins, X y fonctionne parfaitement. Et sans avoir recours à un VPN, dont l’usage en la circonstance aurait dû être passible d’une amende de 50.000 Reais (environ 8.000 Euros). On peut penser que le pouvoir politique, à qui Moraes doit sa fonction, lui a demandé de se calmer, d’autant que l’inimitié personnelle qu’entretient ce juge avec Bolsonaro, lui-même ami de Musk, est connue de tous. Bref, Moraes en ferait une affaire privée. Ce qui serait dommageable pour le Supreme Tribunal Federal (STF), dont Moraes fait partie, est qui est terriblement discrédité.

    • Bravo et merci pour cet éclairage. Donc une fois encore « On nous aurait menti ». Musk a déjà montré qu’il a des épaules autrement plus solides que tous ces gens qui l’attaquent, certains uniquement pour faire valoir leur ego, qui au final va en prendre un « sacré coup ». Cependant personne ne peut se flatter d’être totalement blanc.

      • Nous vivons une époque où les pouvoirs en place ne violent pas leur constitution. Ils préfèrent l’interpréter, la modifier, l’amender ou s’autoriser des délais d’application. Et, ça tombe bien, il se trouvent des conseils constitutionnels qui n’y voient pas de défauts de conformité. Quelle chance !

    • Rectification: Après moult atermoiements et péripéties -certaines régions ont été épargnées, puis levée totale du blocus- ça y est: depuis hier, X est bloqué dans tout le pays.
      Dans cette affaire, le pouvoir politique marche sur des oeufs: On se rappelle que Lula, condamné par le tribunal de Curitiba (Parana) a été libéré par le STF pour simple vice de forme (incompétence territoriale) et en fait, jamais jugé. Il s’en est donc merveilleusement bien sorti.
      Mais comme dans l’autre sens la quasi totalité des membres du STF y ont été nommés par Lula lui-même ou son héritière Dilma, ils se tiennent mutuellement.
      Sinon, même les medias brésiliens proches du pouvoir, comme le géant TV Globo, affichent clairement leur malaise.

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