[Au fil de l’eau] Il y a urgence à redonner du sens au travail
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La France démarre 2023 avec un goût amer dans la gorge, mélange de résignation et d’exaspération. Mais cette amertume n’est pas nouvelle, elle n’est que renforcée par la perspective de l’appauvrissement qui ne manquera pas de frapper bientôt nombre d’entreprises et de foyers, rattrapés par la pénurie, l’inflation, la crise de l’énergie, ou les trois à la fois.
C’est dans ce contexte malheureusement inédit que se profile pour notre pays un matraquage social sans précédent. Il démarrera par la diminution de 25 % du montant de l’indemnisation des demandeurs d’emploi à compter du 1er février. Le ministre du Travail déclarait qu’il en attendait une accélération du retour à l’emploi d’environ 150.000 personnes.
Il continuera par la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière et la mise en place des quotas de travailleurs immigrés pour fournir les filières professionnelles qui peinent à trouver de la main-d’œuvre, avec les conséquences que l’on devine sur le maintien des salaires à bas niveau. Il s’achèvera par la réforme des retraites, dont la seule certitude est qu’elle aboutira à retarder l’âge de départ à la retraite - en attendant pire. Ces réformes sont emblématiques du macronisme.
D’abord, elles sont décalées par rapport aux urgences du pays et aux difficultés que traversent les Français. Aucune ne revêt un caractère d’urgence. Aucune de ces réformes ne transformera le pays au point d’améliorer sensiblement le quotidien de nos contemporains. Aucune ne modifiera en profondeur ce qu’elle prétend réformer. Le seul vrai impact de ces dispositions à venir est double : nous n’en serons que davantage convaincus de la déconnexion des pouvoirs publics par rapport au quotidien du pays et notre colère n’en sera que plus vive.
Ensuite, ces « réformes » ne sont qu’économiques. La première ignore la détresse dans laquelle plongeront les centaines de milliers de foyers de demandeurs d’emploi qui verront leur revenu diminuer de manière insupportable sans que s’accroisse la facilité, pour eux, de retrouver une activité. La deuxième ne considère dans la personne des travailleurs immigrés que leur force brute de travail, l’énergie qu’ils peuvent dépenser contre salaire, sans aucun respect pour leur culture ni le déracinement qu’ils subissent – aucun respect pour leur humanité, au fond. La troisième considère que l’homme est fait pour le travail et non le travail pour l’homme : quelle obligation y a-t-il à travailler le plus longtemps possible, particulièrement lorsque le déficit éventuel des régimes de retraites n’est dû qu’à un manque structurel d’emplois et à l’incapacité de l’État à se réformer (et baisser les impôts des entreprises) pour rendre moins cher le coût du travail ?
Et puis elles sont emblématiques de l’incapacité du macronisme à réformer quoi que ce soit. C’est une curieuse idée de vouloir « fluidifier » le marché du travail, non pas en le rendant plus attractif, mais au contraire en rendant moins confortables les périodes pendant lesquelles on ne travaille pas ! Pourquoi ne pas travailler à l’augmentation des salaires plutôt que se limiter à la réduction des allocations ? Pourquoi ne pas travailler à favoriser la mobilité des salariés, géographique comme professionnelle ? Pourquoi avoir abandonné en route la réforme des branches professionnelles, qui aurait pourtant aidé à une meilleure évolution des carrières ? Pourquoi ne pas avoir sollicité les partenaires sociaux pour fournir des idées, proposer des champs d’innovation, négocier de nouvelles pratiques, plutôt que faire semblant de les consulter sur des questions tranchées d’avance ? Pourquoi les pouvoirs publics ne se saisissent-ils pas de cet immense problème qu’est la défiance générale à l’égard des institutions en général, et à l’égard du monde du travail en particulier ?
Enfin, elles relèvent de cette fausse idée selon laquelle, au fond, la seule attractivité du travail résiderait dans sa rémunération. Notre conviction est qu’il en faudra bien davantage pour convaincre en particulier les jeunes générations, qui cherchent désormais dans leur activité professionnelle ce que le marché ne peut pas fournir : du sens, du bien à faire, une motivation éthique, pour dire les choses en un mot. Là réside la plus grande défaite de nos dirigeants : leur impuissance à identifier les sujets authentiquement politiques, et à les traiter, qui ne se manifeste pas que dans les questions d’ordre social et qui place aujourd’hui notre pays dans un état de faillite généralisée. Le principal vœu que nous formulons pour 2023 est qu’une grande majorité de Français s’en rendent compte, enfin.
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21 commentaires
La meilleure retraite c’est de 20 à 65 ans et travailler après SI on en a encore la force.