Au football comme en Europe : à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent !
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Tout arrive : l’Europe a enfin une tête ! Même deux pour le prix d’une ; c’est dire le bonheur du moment. Et, comme on dit au football, après le suspense des tirs au but, c’est généralement l’Allemagne qui gagne.
Ainsi, Ursula von der Leyen et Christine Lagarde ont-elles été finalement élues, l’une à la tête de la Commission européenne et l’autre à celle de la Banque centrale européenne.
La première est l’ancien ministre de la Défense d’outre-Rhin. C’est une femme bien, propre à rassurer l’opinion de la droite locale : mère de sept enfants, mais toujours prompte à défendre les avancées sociétales. On voit le genre : une Nathalie Loiseau en mieux dégourdie. La seconde, on ne la présente plus, puisque jadis patronne de Bercy, sous le règne de Nicolas Sarkozy, avant de diriger le FMI, succédant ainsi à celui de Dominique Strauss-Kahn, empêché pour les raisons pas tout à fait politiques qu’on sait.
À l’instar de son glorieux prédécesseur, elle est donnée pour être une économiste de renom. Nonobstant, il suffit d’aller faire un petit tour sur ces modestes sites que sont la FNAC ou Amazon pour prendre le pouls de sa production intellectuelle en la matière. C’est vite fait. Les journalistes ont beaucoup écrit sur l’un et l’autre. Mais eux ? Rien...
Plus sérieusement, ces nominations ayant pris un sacré retard, pour ne pas évoquer un retard certain, révèlent le profond malaise agitant ce qui peut encore demeurer de la construction européenne. Emmanuel Macron - la sagesse peut arriver à tout âge - se montre des plus critiques quant à la survie du « fameux » couple franco-allemand. Berlin en a assez d’être le banquier de l’Europe, tandis qu’Angela Merkel est plombée par sa politique en matière d’immigration. Et Paris, non sans raison, peut aussi se montrer fatigué de cette union désormais devenue sans passion. L’usure du couple est un classique indémodable.
Pis : des voix commencent ici à s’élever. Ainsi, Jean Quatremer, qui a beau être journaliste à Libération, mais n’en demeure pas moins l’un des plus fins connaisseurs des arcanes bruxelloises, note-t-il : « L’Allemagne semble avoir fait de la nomination d’un Allemand à la tête de l’exécutif communautaire une question d’honneur national, en totale contradiction avec l’esprit européen qui veut que, certes, l’on respecte les équilibres nationaux, mais que la question du drapeau ne soit pas la raison déterminante d’une nomination. »
Plus intéressant encore, et toujours selon les mêmes sources, cette interrogation existentielle de Daniel Cohn-Bendit : « À quoi jouent les Allemands ? […] Ce nationalisme allemand est nouveau. […] Angela Merkel en est responsable. Très affaiblie sur le plan intérieur, elle veut montrer qu’elle peut encore s’imposer sur le plan européen. Elle flatte donc le nationalisme allemand qui la sert, mais cette baston franco-allemande est complètement dingue. »
Dans le même registre, le très Vert et européiste Yannick Jadot constate : « Les partenaires de Berlin en ont ras le bol de l’omniprésence des Allemands dans les institutions. […] Les Allemands sont victimes d’un retournement des Européens qui en ont assez de cette Europe allemande. »
Voilà qui, au-delà des promotions, par défaut, de ces deux femmes, emblématiques de la diversité en vogue, démontre assez bien que ces grands antagonismes ancestraux que certains croyaient dissous dans la modernité ont encore d’assez beaux et vieux jours devant eux.
Lire du Charles Maurras sous la plume de Jean Quatremer dans Libération ? Voilà qui prouve peut-être que tout n’est pas perdu.
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