Au jardin d’Eden : la transgression

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Une amande sur le sexe, une prune à hauteur du pubis. Un ventre couleur abricot. Fruit du jardin d’Eden, l’hymne à la femme se déploie sur nos murs grâce à la pub « décalée » de Naturalia. Don’t let your period stop you! Enfin, la femme est libérée au profond d’elle-même des pesticides. Le poème d’Apollinaire, Zone, disait la modernité de la ville, avec ses affiches « qui chantent tout haut ». Les affiches colorées furent une révolution. Nos images, à présent, tirent des langues râpeuses, exhibent des ventres dénudés jusqu’au pubis. Modernité rime avec vulgarité. Avec transgression.

Il y a belle lurette qu’au cinéma et au théâtre, nudité et copulation ont cessé d’être taboues. Malgré quelques images, un homme sur le trône ne pouvait qu’être roi. Restaient les règles : pas celles du théâtre classique, les autres. Une pub récente sur Internet montre des visages et des mains ensanglantées. Une autre invente « des règles pour les hommes ». La légende est explicite : « Toi aussi, tu es devenu un homme, mon fils. » Un nouveau You too est lancé.

En 1958, Roland Barthes, avec Mythologies, écrivait un bréviaire, en 53 images, de la modernité. Depuis la vaisselle Omo jusqu’à la déesse présidentielle (DS) et aux jouets, tout y passait des mythes et supports de l’idéologie petite-bourgeoise des années 50. Le même Barthes qui fit, une année durant, en 1977, un cours sur le genre neutre au Collège de France. On connaît les refrains : la langue est fasciste, le neutre n’est pas neutre mais revendicatif. On en voit les fruits : relookés via l’Amérique, le non-binaire, l’ultrasexe, le transgenre, l’agenre, le sexe virtuel prennent corps sous nos yeux. Si la langue était fasciste, le message idéologique, le mythe restait parole et poésie. Notre message, à nous, « métacontemporains », est cash. La pub est une arme de destruction massive. En Irlande, à l’université, il faut prendre garde, selon les semaines, à ne pas appeler Madame une femme qui désire se faire appeler Monsieur.

La vie des idées relève du temps long. Le temps est venu de la transgression. Le Grand Marché du sexe, avec ses règles et ses droits reproductifs, règne en maître partout. Peu ou prou, nous en sommes les useful idiots. Et, comme dans la pièce Rhinocéros, de Ionesco, on s’apercevra trop tard qu’on est prisonnier des bêtes monstrueuses qui nous entourent. Ne dit-on pas que 63 % des Français sont pour la PMA pour toutes et 80 % contre les enfants privés de père ! La pensée est schizophrénique.

Tragique, comique, aucun registre ne vient à bout de cette transgression. Tout étant fluide, tout passe par la force. On devient vite prophète de malheur. Dans Le Monde d’hier, Stefan Zweig écrivait : « Ancrés dans nos conceptions du droit, nous croyions en l’existence d’une conscience… européenne, universelle… et nous étions persuadés qu’il y avait un certain degré d’inhumanité qui s’éliminait de lui-même et une fois pour toutes, devant l’humanité. » La barbarie à visage inhumain grimace sous les yeux aveugles de nos contemporains.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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