Au programme : rouvrir les bistrots et fermer les kebabs

Au nom de la lutte contre le tabagisme, on a vidé la moitié des bistrots ; au nom de la lutte contre l’alcoolisme, on a vidé l’autre moitié ; au nom du consumérisme, on a ouvert des milliers de centres commerciaux ; au nom de l’écologie, on a tué les centres-villes en y interdisant les voitures ; au nom de l’IA chère à notre président et de la dématérialisation des emplettes, on a maintenant vidé les centres commerciaux. Au nom des réseaux sociaux, il n’y a désormais plus rien pour « faire société », autre slogan cher aux petits hommes gris. Alors, la France déprime et meurt d’ennui.
L’homme est un animal social, il a besoin d’échanges, de contacts. Pas des like virtuels, non, de vrais contacts, d’humain à humain. Or « un paquet de communes rurales n'ont pas de café à la française, pas de lieu de socialisation. Pour ouvrir un bar, c'est complexe, bureaucratique » dit le député Guillaume Kasbarian. C’est donc pour tenter d’enrayer cette dégringolade mortifère qu’il vient de déposer une proposition de loi afin de faciliter la réouverture des bars dans les campagnes, cela en simplifiant la tracasserie administrative par l’obtention d’une licence 4 (celle qui permet la vente d’alcool) sur simple déclaration. Seraient concernées par cette mesure les communes de moins de 3.500 habitants.
Hygiénisme, que de ravages on commet en ton nom !
Autoriser cela serait en quelque sorte une mesure de santé publique, quoi qu’en dise à FranceInfo Madame Sarah Coscas, addictologue à l'hôpital Paul Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Ne voyant à l’évidence dans cette opération que la porte ouverte aux pochetrons, elle déplore : « On répond à une problématique de manque de commerces par l'introduction d'un accès illimité à l'alcool ». On rigole… Comme si l’alcool n’était pas ailleurs en vente libre, comme si les gens n’allaient au troquet que pour s’alcooliser à outrance, comme si, enfin, il était préférable de les abrutir d’antidépresseurs pour soigner la solitude et le désespoir qu’elle entraîne !
Les chiffres sont là : en 1960, 200 000 cafés et bars étaient présents en zone rurale, contre 38 800 en 2023. Dans les métropoles ils ont été remplacés par les MacDo, Starbucks et autres marchands de gobelets en carton, américanisation oblige. Le Français, lui, est attaché au zinc, que ce soit pour le café du matin ou autrefois le « blanc limé » et le saucisson-beurre du midi. On a commencé par retirer du bar les œufs durs (la salmonelle rôdait), puis les cacahuètes (les mains sales), puis les clopes, puis le zinc… Pour finir, on a fermé la porte du bistrot qui, souvent, faisait aussi épicerie et bureau de poste. Adieu Raymond, adieu Maurice, ciao Paulette… C’est pour cela qu’en 2016, France Boissons et l’Association des maires ruraux de France ont demandé l’inscription du Café français au patrimoine de l’Unesco. Une reconnaissance en partie obtenue en octobre dernier, « les pratiques sociales et culturelles dans les bistrots et cafés en France » étant désormais classés au patrimoine culturel immatériel français.
Le camion boulangerie-épicerie et bar…
Remède à l’isolement et à la désertification des campagnes, on voit depuis quelques années le retour du camion épicerie et de la fourgonnette du boulanger. Même s’ils ont changé de nom pour s’appeler food-trucks, ils s’annoncent toujours à coups de klaxon. Ils ont quelquefois un voisin sur la place du village : le camion bar.
En 2018, deux Tourangeaux ont fondé le réseau Bière Truck qui regroupe aujourd’hui 11 bars à bières artisanales itinérants, sillonnant la France. Fonctionnant sur un système de franchise, leurs combis Volkswagen remis en état proposent toutes sortes de boissons locales (bières, cidres, vin et boissons sans alcool). En 2020, en réaction aux folies du Village bons réflexes, ils ont lancé « le Bar de village » : quelques tables et quelques chaises « autour du Bière Truck, un moment de convivialité qui rassemble les habitants, en y associant des partenaires ».
Avec 80 brasseries partenaires, « chaque Bière Truck s’approvisionne sans aucun intermédiaire, dans un rayon max de 150 km afin de promouvoir le savoir-faire local et favoriser les circuits courts », disent les fondateurs. L’initiative fait école et les services à domicile se multiplient, du marchand de meubles au marchand de lunettes en passant par le réparateur de voitures.
Hélas, il est à craindre que ces quelques initiatives ne suffisent pas à restaurer ce qu’on s’est appliqué à détruire depuis des décennies. Le mois dernier, une étude sur le taux de vacance des baux commerciaux donnait des chiffres toujours plus alarmants : 10.64 % en 2024, les centres commerciaux aux allées désespérément vides grimpant même à une moyenne de 16.07 %.
Pendant ce temps, fleurissent les kebabs, barbers et laveries, dont chacun sait – c’est le ministère de l’Intérieur qui le dit – qu’ils servent plus souvent à blanchir l’argent de la drogue qu’à peigner le mammouth.

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3 commentaires
Les Bière Truck ne remplaceront jamais les véritables café dans les villages , ces établissements sont des lieux de vie, de convivialité ; font travailler des milliers de personnes que ce soit les propriétaires, le personnel des bars, mais également toute la chaine d’approvisionnement , en premier lieu les livreurs qui tout les jours roulent de bar en bar, de café en café sur des kilomètres par tout les temps afin d’amené la bonne humeur autour d’un bière de bière (a consommé avec modération).
Un ancien livreur de Bière a la retraite.
Un bistrot a rouvert dans un village à proximité de chez moi, il a tenu 3 ans et a mis la clé sous la porte. Le concept du bistro doit se réinventer s’il veut faire un retour en force. Accessoirement il faudrait que le consommation d’alcool ou de café ne soit pas plus élevée que dans les grandes surfaces. Et plutôt que les anciennes tavernes où les hommes venaient seuls, pourquoi ne pas miser sur l’idée de se rendre en famille au troquet ? Voire de servir d’agence matrimoniale.
J’habite un petit village du Lot et dans la ville voisine où je fais mes courses, je vois deux ou trois troquets avec TOUJOURS plusieurs consommateurs attablés en terrasse — même l’hiver ! — et en grande discussion. C’est vraiment un lien social et on n’y boit pas forcément de l’alcool !