[AU TRIBUNAL] En présence de M. Le Pen, l’avocat du RN balaie les accusations

©Alain JOCARD / AFP
©Alain JOCARD / AFP

Salle 201, au tribunal de Paris, ce lundi 18 novembre. Les avocats de la défense entament la longue série de plaidoiries en faveur des parlementaires du Rassemblement national mis en cause dans l’affaire des emplois présumés fictifs des assistants parlementaires. Deux semaines durant, ces plaidoiries vont s’enchaîner. Celle de Marine Le Pen, chef de file du parti, fermera la danse le 27 novembre. L’ex-présidente du RN risque gros : les procureurs ont requis à son encontre une peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate assortis de cinq ans de prison et 300.000 euros d’amende. Cette peine, si elle était confirmée, pourrait signer la mort politique de l’héritière de Jean-Marie Le Pen.

Devant la salle d’audience, quelques caméras sur pied sont en place, braquées vers les portes de sortie. Une dizaine de journalistes attend la suspension de la séance. Dans la salle, les bancs réservés à la presse sont pleins. Les yeux sur leur écrans pour retranscrire les mots de maître Wagner, les journalistes présents se tournent néanmoins vers le fond de la pièce pour surprendre une réaction de Marine Le Pen, présente à l’audience.

L'avocat de la défense dénonce une « véritable offensive politique »

Pour cette première journée de plaidoirie, trois prévenues sont présentes : Dominique Bilde, 71 ans, Marie-Christine Arnautu, 72 ans, et Mylène Troszczynski, 52 ans. Toutes trois ont été eurodéputées sous la bannière du Front national. C’est de leur défense qu'il est question. Pendant plus d’une heure, maître Wagner répond à la quarantaine de questions posées par le procureur. Il qualifie ce procès d'« offensive politique » lancée dès le mois de mars 2015, alors que François Hollande, prévoyant les élections, tentait d’affaiblir son hypothétique adversaire Marine Le Pen.

S’appuyant sur le règlement du Parlement européen, l’avocat balaye l’accusation selon laquelle certains eurodéputés FN employaient des collaborateurs qui avaient également un rôle au sein du Front national, assurant que les assistants parlementaires n’ont pas « d’interdiction d’avoir des liens avec un parti politique national », « dans la mesure où ceux ci n’entravent pas leur fonction [au Parlement] et ne créent pas de conflit d’intérêts ». Autrement dit, dans la mesure où leur travail était bien fait à Bruxelles et Strasbourg, il n'y a selon lui aucune raison de leur reprocher leur implication à Montretout.

S’ensuit, pour maître Wagner, l’effondrement de l’accusation de détournement de fonds publics. En effet, les députées mises en cause « n’ont pas volé l’indemnité reçue [pour rémunérer leurs assistants] » puisque, grâce au travail fourni par leurs collaborateurs, « elles ont rempli leur tâche parlementaire ». Il insiste : au vu du nombre de votes et d’amendements déposés pendant leur législature, elles ont fait « cent fois mieux que d’autres parlementaires », assure maître Wagner, qui cite certains amis sociaux-démocrates de l'ancien président du Parlement Martin Schulz. Il ajoute d’une voix forte, à l’adresse du procureur : « Il n’y a eu aucun enrichissement personnel d’aucune des prévenues qui sont ici devant vous. » Il en conclut que « cette accusation [d’emploi fictif et de détournement de fonds publics] est infamante ».

« Quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort aussitôt »

En guise de conclusion, maître Wagner déplore le poids des condamnations requises : « Quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort aussitôt », attaque-t-il. L’avocat s’adresse alors à la présidente : « Si je vous ai convaincue, vous prononcerez une relaxe [des trois clientes], sinon, écartez les sanctions sévères », car les accusations sont trop lourdes et exagérées, montre l'avocat. La séance est levée. La salle se vide rapidement, mais la présidente du RN ne sort pas. Marine Le Pen s’approche du banc des accusées, les embrasse chaleureusement et échange quelques mots avec elles. Puis elle sort. Les journalistes qui l’attendaient depuis plus d’une heure la pressent de questions. Une sort du lot : « Que pensez-vous des propos de Bruno Retailleau à votre égard ? » Elle ne prononcera pas le moindre mot.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 20/11/2024 à 21:27.

Picture of Raphaelle Claisse
Raphaelle Claisse
Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Je pense, que pour éviter de se ridiculiser, les juges
    ne vont pas suivre les réquisitoires. Ils rendront
    des décisions apaisées, non susceptible d’avoir des incidences politiques directes.

    • Ce n’est pas impossible. Mais paraît peu probable : L’existence d’un Ministre de la Justice appartenant au gouvernement en place, l’extrême proximité institutionnelle et relationnelle de deux catégories de « Magistrats » qui n’ont en réalité pas du tout les mêmes missions : les Parquetiers « agents du gouvernement » (c’est dans le texte) et les Juges qui ne devraient pas l’être, ne va pas dans cette direction. Dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres. Une réforme statutaire s’impose : Supprimer le Ministère de la Justice, Séparer les deux fonctions de Procureur et de Juge.

  2. Pourquoi c’est la justice française qui se charge de ce procès, alors que c’est l’Europe qui se plaint ? N’y avait-il pas une possibilité pour la France de renvoyer cette plainte à son plaignant ? J’ai peut-être raté un épisode, ou alors ça pue l’accusation politique.

    • Bonne question ! Et question subsidiaire : si condamnation à des amendes il y a, qui encaissera l’argent : la France, ou l’Europe ???

    • Il est en effet curieux de constater que la France sous la coupe de Brussels se paie un procès franco-français alors que l’accusation vient de l’UE où on trouve une cour européenne de justice, le délit concernant l’UE, des prévenus de niveau européen etc.

  3. Bruno Retailleau devrait se méfier. Il oublie qu’il est membre d’un parti qui a n’à fait que 4% aux présidentielles et n’a plus qu’une quarantaine de députés pour le représenter à l’Assemblée. Il n’est ministre que par raccro. S’il fait naître un semblant d’espoir, c’est par ses déclarations fermes qui rejoignent celle du RN qui, lui, a fait 40% aux présidentielles et rassemble plus de 30% des Français. Il devrait faires attention à ce qu’il dit sur MLP, car l’acharnement dont elle est victime font pencher encore plus fort la balance en sa faveur… Et vouloir donner des gages à là gauche pourrait lui coûter cher.

  4. En dictature, on envoie les brigades de la mort pour occire les contestataires. En « démocratie française, on se sert des juges lobotomisés par l’ideologie de gauche, pour les rendre muets!!! Quelle est la différence, en France, entre la dictature et la pseudo démocratie ? En dictature, on élimine ceux qui contestent la politique du tyran et en démocratie, on la simule, on fait croire au peuple qu’il est libre et on met à la poubelle leurs bulletin de vote.

  5. ce qu’il y a d’étrange, c’est que l’UE qui prône en permanence la mondialisation tous azimuts, mais il semblerait que la France ne fasse pas partie du monde (ou de ce monde-là!) Et n’oubliez pas que Bayrou vient d’être acquitté pour les mêmes faits, mais qu’il n’y a aucune enquête sur les partis de gauche, et on a déjà vu en France que le PS n’avait pas l’honnêteté chevillée au corps!

    • Presse et médias officiels qui détournent les fonds publics qui sont alloués pour assurer l’information mais qui servent à la propagande woke, la désinformation, le déni d’information etc…tout cela impunément !

  6. Il y a quelques mois , la presse relatait l’histoire rocambolesque d’une élue socialiste au Parlement européen et de ses valises pleines de billets découvertes chez elle suite à un perquisition , et plus de nouvelle de cette affaire , que fait la presse ?

  7. Les juges tordent le droit comme ils savent très bien le faire , pour satisfaire leur idéologie politique qu’ils dissimulent habilement d’ordinaire , mais là avec l’outrance des réquisitions et surtout avec la déclaration de la procureure , ils sont sortis du bois .

  8. Parodie de d’injustice rien de plus qu’un complot politique pour faire barrage au RN sûr d’accéder au pouvoir en cas d’élections présidentielles anticipées suite aux rumeurs de la démission calculée de Macron. Rien n’est le fruit du hasard. C’est oublier 12 millions et voire beaucoup plus d’électeurs français de leur droit de vote. La France politique est pourrie.

  9. Bien malin qui peut prédire ce que les juges décideront !
    L’ensemble de nos lois, bien trop nombreuses, semble devenu une caisse à outils dans laquelle le procureur peut piocher pour requérir selon ses convictions personnelles. De la même manière, les juges trouveront peut-être dans la même caisse de quoi juger selon leurs convictions.
    Les députés font, que ce soit au parlement de l’UE ou à l’Assemblée, un travail politique. Et leurs assistants font aussi un travail politique pour aider leur patron quel que soit le parti qu’il représente. Si on interdit aux assistants de faire de la politique, que leur reste-t-il ? Aller faire des photocopies et apporter des cafés…
    Tous les assistants de tous les partis font de la politique, donc tous ces partis pourraient être accusés de la même manière ! Mais selon le niveau de menace que représente tel ou tel parti pour le pouvoir en place, on peut ou non l’accuser puis le condamner. Aujourd’hui, cette menace s’appelle Le Pen / RN. Les juges décideront seuls (et sur ordres sans doute) de l’écarter ou non de la politique et, par là, d’ignorer le vote de 11 millions d’électeurs. Comme ils ont écarté François Fillon en 2017. Démocratie ?

    • Les assistants politiques et aussi les autres, je pense aux médicaux qui, s’ils ne font pas de la médecine, s’occuperont aussi de la machine à café et c’est idem aussi pour les assistants de direction, par exemple.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

ZFE : quand les écolos font la guerre aux pauvres

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois