[AU TRIBUNAL] Samuel Paty, seul face à la « violence » islamiste

Ce 4 novembre s'ouvrait le procès de l'attentat d'Eragny-sur-Oise à Paris. © Bvoltaire
Ce 4 novembre s'ouvrait le procès de l'attentat d'Eragny-sur-Oise à Paris. © Bvoltaire

« Il a été découvert sur le ventre, la tête désolidarisée du reste du corps ». Ce lundi 4 novembre, alors que s’ouvre devant la Cour d’assise, spécialement composée, le procès de l’attentat d’Eragny-sur-Oise (plus connu sous le nom d’attentat de Conflans-Sainte-Honorine), la descente aux enfers de Samuel Paty, jusqu’à son assassinat et sa décapitation, est aujourd’hui étudiée par les magistrats. Quatre ans après ce terrible drame, huit accusés - sept hommes et une femme- sont jugés et devront répondre de complicité d’assassinat terroriste ou d'association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Certains ont accompagné le terroriste acheter des armes, l'ont déposé sur le lieu de l'attentat, ont échangé avec lui à propos de Samuel Paty, ont réagi à ses messages annonçant l'attentat. D'autres ont diffamé l'enseignant et relayé publiquement le nom de son collège et son nom. Deux d’entre eux encourent la perpétuité. Les autres risquent jusqu'à trente ans de réclusion. Grand absent du procès, le terroriste Abdoullakh Anzorov, abattu par les forces de l’ordre, sera néanmoins au cœur des débats. Il s’agira de déterminer l’implication de chacun des accusés aux côtés du terroriste dans la préparation de son entreprise criminelle et de faire la lumière sur les agissements des uns et des autres au cours des onze jours qui ont précédé la mort du professeur d’histoire-géographie. A l’aune du rapport d’instruction, lu ce 4 novembre par le président de la cour, il apparait déjà que Samuel Paty, un professeur désigné par beaucoup comme « très gentil » et « brillant » a fait face à un déchainement de violence inouïe. Un professeur « laïc apaisé » face à un islamiste féroce.

Son fils a subi un grave traumatisme

Au premier rang de la salle des grands procès, la famille Paty se serre sur les bancs. D’un côté, Gaëlle, la sœur cadette de Samuel Paty, entourée de ses enfants, regarde avec détermination le box des accusés. Elle entend leur faire « face » chaque jour afin de « tout entendre, tout savoir et dire [elle]-même des choses ». De l’autre, Mickaëlle Paty, la benjamine à l’allure combative, suit de la tête les échanges. Elle a enquêté de longs mois sur l’engrenage islamiste qui a mené à l’assassinat de son frère : elle prendra la parole pour lui rendre hommage. Leurs parents sont malheureusement absents en cette première journée d’audience. Jean Paty, le père de Samuel Paty, récemment hospitalisé, ne pourra sûrement pas assister à ce procès historique. Son épouse, Bernadette, sera quant à elle bien présente, assure son avocate, ce vendredi, pour évoquer à la barre la mémoire de son fils ainé.

Mais, avant que ne soit évoqué plus en détails le profil du professeur d’histoire-géographie, le rapport d’instruction donne un aperçu de sa personnalité. Aux dires de ses collègues, interrogés dans le cadre de l’enquête, Samuel Paty serait un « excellent professeur », « très sympathique ». « Un peu solitaire », il faisait preuve d’une « grande culture » et « était toujours prêt à aider les autres », rapportent les uns et les autres. Sa sœur Gaëlle confirme son caractère « solitaire ». Au cours des interrogatoires, elle ajoute qu’il était « très curieux ». « Il était brillant et ouvert, animé par sa vision de transmettre », abonde Mickaëlle Paty. Père d’un petit garçon de cinq ans et demi au moment des faits, il entretenait des « relations cordiales » avec son ancienne compagne, complète le président de la cour, qui mentionne au passage que « ce drame a entrainé un grave traumatisme chez son jeune fils ». Pourtant, malgré ses innombrables qualités, Samuel Paty semble avoir été laissé très seul, comme le rappelait déjà Mickaëlle Paty dans son récent livre Le cours de Monsieur Paty, face à la violence islamiste (Albin Michel).

La violence d’Anzorov 

Face à ce professeur appliqué et impliqué, Abdoullakh Anzorov, aux antipodes, apparait comme l’incarnation du mal. Âgé de seulement 18 ans au moment des faits, il était ainsi déjà connu pour des faits de violences en réunion et avait fait l’objet de mains courantes pour dégradations et bagarres. A l’école, son comportement « perturbateur » avait conduit à plusieurs mesures d'exclusion.

Auprès des enquêteurs, son frère le décrit comme un jeune homme « très violent ». Ses amis confirment. Yusuf C., l’un de ses amis placé en détention provisoire et qui comparait aujourd'hui arborant une longue barbe, rapporte ainsi : « Quand quelqu’un le cherchait, il ne le lâchait pas. Il étranglait la personne sans s’arrêter ». A cette extrême violence, pour laquelle il écopera au mieux d’un stage de citoyenneté, s’ajoute une radicalisation progressive au cours de l’année 2020. Prière sur le lieu de travail, consultation de la propagande djihadiste, achat d’armes, conversations rigoristes avec ses amis… Anzorov coche toutes les cases du jeune radicalisé. A compter de l’été 2020, ne pouvant se rendre en Syrie pour accomplir son djihad, il se mettra alors en quête d’une cible à abattre sur le sol français. Après plusieurs tentatives avortées, il découvrira sur les réseaux sociaux l’existence de Samuel Paty et déchainera sa violence, comme les rapports d’enquête le démontrent, contre ce professeur démuni et apeuré. Poignardé à dix-sept reprises, Samuel Paty décèdera « rapidement » des suites d’une « hémorragie interne ». Le terroriste ira jusqu'à le décapiter totalement et à publier la photo du massacre sur les réseaux sociaux. « A Macron, le dirigeant des infidèles, j'ai exécuté un des tes chiens de l’enfer », se félicite-t-il sur Twitter quelques minutes avant d'être abattu.

Dans le box des accusés, si aucun n’a usé d’une telle violence physique contre Samuel Paty, certains, dont Abdelhakim Sefrioui, défendu notamment par un avocat d'élus insoumis, et Brahim China l’ont publiquement traité de « voyou », un terme loin d’être neutre dans l’islam, comme le rappelle le président. Ces deux hommes, tout comme Priscilla M., jeune radicalisée qui comparait voilée à l’audience, ont ainsi présumément participé à mettre une cible dans le dos du professeur. Seront-ils condamnés ? La peine infligée à ces accusés, s’ils sont reconnus coupables, sera-t-elle cette fois-ci «à la hauteur » ?

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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