Audimat™ : Les Choristes devant Star Wars, un fait politique ?

Les choristes

On aurait tort de voir de la politique partout - mais on aurait tort de ne la voir nulle part quand elle se montre à nous. Tenez, prenez les audiences télé, par exemple. Le dimanche soir est souvent le moment où la télévision rediffuse des films emblématiques, parfois même un peu surannés. C'est aussi le soir des « blockbusters » américains, avec effets spéciaux et cascades.

Ce dimanche 26 décembre n'a pas fait exception à la règle. Sur France 2, on pouvait voir Les Choristes (2004) avec Gérard Jugnot, tandis que TF1 proposait un épisode de la saga Star Wars, intitulé Rogue One Deux façons d'envisager un dimanche en famille.

Star Wars, longue saga « culte » de la culture populaire, est une série fascinante (jusqu'à son rachat par Disney) et, surtout, une énième dérivation du livre fondateur de Joseph Campbell, Le Héros aux mille et un visages, livre de chevet des scénaristes d'Hollywood (paraît-il), qui dégage les invariants des grands récits initiatiques dans le monde.

Plus modestement, Les Choristes est une adaptation de La Cage aux rossignols (1945), un de ces films de la « qualité française » que moquera la Nouvelle Vague. L'histoire, inspirée des méthodes révolutionnaires du centre de redressement de Ker Goat, en Bretagne, est simple et émouvante. Elle parle de confiance dans les enfants, de la beauté du chant choral, des figures de ratés sociaux qui laissent finalement une empreinte durable et positive (Clément Mathieu, incarné par Jugnot), de la France provinciale de l'après-guerre... pas très vendeur dans un monde qui, assez bêtement, privilégie la rapidité et le succès matériel.

Le croirez-vous ? Ce sont Les Choristes qui ont remporté la bataille de l'Audimat™ devant le film américain. Décidément, la nostalgie a bonne presse. Les pensionnats des années 50 et les chants d'enfants sont peut-être un petit peu tarte, vus de la ville. Les enfants ne s'appellent pas Enzo ou Myrtille, leurs parents ne les déposent pas en trottinette avec un panier-repas bio, on ne les incite pas à interroger l'imaginaire des représentations coloniales... mais ça ne semble pas fonctionner si mal, après tout.

Cette iconographie très « zone libre » de la France « des territoires », avec de petits clochers, des bois et des prés, des châteaux à taille humaine, des enfants en pull tricoté, des mamans en rouge à lèvres rouge, des papas cravatés, des voitures voluptueuses et des cars qui, loin là-bas, desservent la grande ville, a peut-être été pour quelque chose dans le succès de ce film. Cette poignante et tranquille nostalgie, une fois de plus, c'est aussi celle d'un autre film, Les Enfants du marais, ou bien de la douce chanson de Nino Ferrer, « La Maison près de la fontaine ». C'est celle d'un monde qui se voit disparaître et ne sait pas dire stop. Zemmouriens, lepénistes, droitards, nauséabonds, Les Choristes ? On attend les commentaires haineux sur la France moisie.

Il y aurait des choses à dire sur Star Wars, bien sûr. Par exemple, je pense pour ma part que c'est une saga réactionnaire et royaliste (il s'agit de sauver une monarchie ancienne et renverser un imposteur malfaisant), qui exalte la chevalerie héréditaire (les Jedis), défend la singularité organique des combattants rebelles (alliance du peuple, des pirates inclassables et de l'aristocratie) contre les stormtroopers interchangeables de l'État (et leurs technocrates), encourage à reconnaître le surnaturel dans le quotidien et met en garde contre les songes funestes des républicains de tous les pays. Mais ce n'est pas mon propos. Plus simplement, formons le vœu que ces vacances, ou ce qu'il en reste, nous permettent de redécouvrir le monde des Choristes, sans technologie ni laideur, avec famille et musique...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/09/2024 à 16:03.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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