Augmenter le budget de la Justice n’est pas la solution
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L’Assemblée nationale a voté une augmentation du budget de la Justice de 8 %, le portant à 9 milliards par an. Le chiffre ne signifie rien. Le satisfecit du ministre non plus. En réalité, cette hausse budgétaire ne changera rien aux problèmes d’une institution trop malade pour subir ce genre de traitement inutile.
La première fonction du souverain est d’assurer la paix civile, par la justice - l’institution régalienne par excellence, qui rend à chacun ce qui lui est dû et sanctionne autant les atteintes à la sûreté publique qu’aux intérêts privés. L’État ne peut jamais se défaire de cette puissance judiciaire ni la privatiser. Il n’a pas pour autant le droit d’en faire un instrument de domination politique ou sociale, tentation dont tous les gouvernements du monde ont ressenti les attraits.
Le budget d’une telle institution recouvre des réalités diverses : traitement des juges et des fonctionnaires, construction et entretien des bâtiments judiciaires, formation initiale et continue, frais de fonctionnement courant, protection judiciaire de la jeunesse, prisons et bien d’autres. Cette institution tentaculaire est un gouffre financier qui souffre d’un mal paradoxal : dépourvue de moyens élémentaires, elle absorbe chaque année un contentieux en constante progression qui ne s’explique pas seulement par l’augmentation de la délinquance ou l’accroissement démographique.
À l’heure où les avocats doivent à la fois déposer leurs conclusions sur un portail dématérialisé au fonctionnement aléatoire et les imprimer parce que les greffes n’ont pas le papier nécessaire, les attributions judiciaires ne cessent de croître. Cette croissance n’est pas le fruit du hasard : dans toute société libérale, les conflits sont régulés par le droit. Le droit s’immisce donc partout, réglemente tout, se mêle de tout, devient illisible et source d’innombrables chicaneries dont Racine et ses Plaideurs n’auraient pas eu l’idée.
Ainsi les juges tranchent des conflits minuscules, des affaires de « cornecul » introduites par des consommateurs mécontents du matelas acheté chez Conforama, des conflits de voisinage causés par l’incapacité de supporter la contrainte, des révisions de pensions alimentaires qu’une simple échelle mobile suffirait à régler, des poursuites mesquines pour un minuscule excès de vitesse, et brassent de la misère humaine à longueur d’année. Lorsqu’ils en sont requis, ils poursuivent les opposants politiques, servent de bras armé aux associations de tout poil, font appliquer le politiquement correct et s’épuisent à juger de vrais criminels et délinquants dont le mépris à leur encontre n’a d’égale que leur quasi-impunité.
Certes, le budget de la Justice française est bien moindre que celui de certains de ses voisins. Mais comparaison n’est pas raison : les systèmes sont différents, les attributions aussi. Augmenter sans cesse la manne financière ne sert à rien sans une profonde réforme. Celle-ci passera par trois axes majeurs : décharger, former, sanctionner.
Décharger le juge des affaires qui ne méritent pas son intervention en supprimant certaines incriminations pénales inutiles et en dissuadant si nécessaire certains plaideurs civils - et leurs avocats ! - d’abuser du système.
Former les personnels de façon à en faire des professionnels d’excellence : juges, greffiers et avocats méritent mieux que le niveau affligeant auquel on les recrute aujourd’hui, sans parler de l’idéologie mortifère dans laquelle, inconscients, ils se complaisent.
Sanctionner, enfin, en libérant des places de prison, en rénovant et construisant des établissements et en durcissant la loi pénale pour les infractions graves. Il ne sert à rien de payer des juges qui, au terme d’audiences épuisantes de longueur, appliquent des sanctions de pur principe qui ne sont pas mises à exécution.
Il faudra, pour cela, beaucoup plus qu’une poignée de députés godillots qui ne comprennent pas les textes qu’ils votent.
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