Aurélien Pradié : « Ce gouvernement a un rapport dangereux au pouvoir, un rapport de privilèges et de copinage »
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Aurélien Pradié, député LR du Lot, revient au micro de Boulevard Voltaire sur le bras de fer entre l'opposition et la majorité pour obtenir une commission d'enquête lors du scandale Benalla.
Il analyse également le refus de la présidence de la commission des lois de rendre un rapport sur l'affaire.
La commission des lois a refusé de rendre le rapport qui devait résumer l’affaire Benalla et les auditions à l’Assemblée nationale. Pourquoi ce rapport n’a-t-il pas été rendu public ?
L’évidence est très claire depuis le début. La majorité LREM au sein de l’Assemblée nationale en est réduite à être les marionnettes du gouvernement et du président de la République.
Deux choses, à mon avis, sont graves.
La présidente de la commission des lois et la majorité siégeant au sein de la commission se ridiculisent totalement. C’est tout à fait inouï d’avoir passé des dizaines d’heures à auditionner les uns et les autres et d’être incapable de fournir un compte rendu. C’est un aveu d’incompétence tout à fait net.
Il y a, ensuite, une forfaiture. En refusant de déposer un rapport, les membres de la commission des lois, membres de la majorité, ont considéré qu’ils étaient aux ordres du pouvoir exécutif.
C’est, pour moi, l’enseignement le plus grave de cette histoire. Le problème ne réside pas seulement dans l’affaire Benalla et la manière dont les membres de la majorité ont géré petitement et maladroitement le sujet. Il provient également du fait que des députés acceptent d’eux-mêmes de se faire hara-kiri et de se soumettre totalement et exclusivement aux ordres du pouvoir exécutif. Ils ont rompu le pacte de la séparation des pouvoirs.
En plus du rapport, de nombreux députés de votre majorité se sont vus refuser beaucoup d’auditions. Y avait-il, dès le départ, chez la majorité, une volonté d’imposer son rythme ?
Je dirais plutôt la volonté d’imposer les conclusions.
Il faut rappeler le début de l’histoire. La majorité a d’abord refusé l’idée d’une commission d’enquête. Si la commission d'enquête a eu lieu, c’est parce que toutes les oppositions ont passé des jours et des nuits entières à marteler ce sujet et à contraindre la majorité et le gouvernement à accepter une commission d’enquête. Il ne faut donc pas refaire l’Histoire. Si la commission d’enquête a eu lieu, c’est seulement et uniquement parce que les députés des oppositions ont tordu le bras à la majorité.
La deuxième étape du bras de fer a été le caractère public des auditions. Rappelons que la présidente de la commission des lois et les députés de la majorité ont d’abord tenté de faire en sorte que toutes les auditions soient à huis clos. Les auditions ont été publiques parce que tous les députés des différentes oppositions ont une nouvelle fois tordu le bras de la majorité.
Enfin, se retrouvant obligés, pour ne pas générer une quelconque suspicion dans l’opinion, de mettre en place une commission d’enquête avec des auditions publiques, ils ont fini par essayer de la saboter. Lorsque nous avons vu la sélection des personnes à auditionner, nous n’avons pas voulu marcher dans la combine. Une fois tous les lampistes de l’affaire entendus, nous tournions autour du pot depuis plusieurs heures déjà. Nous avons donc demandé à auditionner des membres du cabinet du président de la République, les vrais acteurs de l’affaire.
À ce moment-là, les masques sont tombés. Celles et ceux qui jouaient la transparence se sont opposés à l’audition d’un certain nombre de personnes, car l’Élysée leur avait commandé de s’y opposer.
Quelles conséquences l’affaire Benalla aura-t-elle sur le gouvernement ?
Ils ont signé en bas de la page leur propre caricature. Et cette affaire va laisser une trace durablement et une cicatrice indélébile.
Jusque-là, les Français se demandaient de quoi était faite la Macronie. Ils pouvaient se dire que c’était un peu de la droite et un peu de la gauche. En fait, ce gouvernement a un rapport dangereux au pouvoir, un rapport de privilèges et de copinage. Cela va leur faire perdre un crédit considérable. Désormais, ni le président de la République ni les membres du gouvernement ne pourront jouer de leur autorité morale pour tenter d’imposer avec une certaine brutalité des réformes aux Français en leur disant que leur exemplarité prétendue suffit à en faire un argument politique. Ils ont totalement démonétisé leur argument de la République exemplaire. Je pense que cela va les mettre à genoux en matière d’autorité politique.
La deuxième conséquence, dans cette histoire, est que les députés de la majorité ont été réduits à être des marionnettes du pouvoir exécutif. Cela laissera une trace durable sur leur crédibilité et sur l’idée que l’on se fait sur la séparation des pouvoirs pour l’avenir.
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