Autoroute A69 : pourquoi la mobilisation est plus populaire qu’à Sainte-Soline

Autoroute

Au premier regard, la mobilisation contre ce projet d'autoroute s'apparente à un remake de Sainte-Soline : même enjeu écologique, mêmes acteurs, même Sandrine Rousseau, même promesse d'affrontements, un samedi après-midi, dans les prés. Heureusement, pour le moment, il n'en est rien. Pas de jets de projectiles sur les forces de l'ordre, pas de fourgons de gendarmerie incendiés. La manifestation, nombreuse (entre 4.500 et 6.700 manifestants), sur la nationale s'est déroulée dans le calme. Les forces de l'ordre étaient sagement stationnées à l'écart et il n'y avait pas, cette fois, d'éléments étrangers venus pour en découdre.

Mais il y a des raisons plus profondes qui rendent cette mobilisation plus populaire que celle contre les retenues d'eau. De l'extérieur, ce projet d'autoroute, comme le répètent à l'envi les leaders écolos (de Julien Bayou à Sandrine Rousseau), semble bien anachronique, hérité d'un modèle de développement très années 70-80. Un tronçon d'autoroute payant qui n'ira pas plus loin que Castres et qui bitumera des centaines d'hectares. Au moment où se déplacer en voiture devient un luxe et où l'on cherche à arrêter l'artificialisation des sols et des terres agricoles.

Et c'est là que le contraste avec Sainte-Soline est le plus fort : là-bas, les écolos attaquaient l'outil de travail des agriculteurs et les agriculteurs eux-mêmes. Contre l'A69, il s'agit de défendre, aussi, l'intégrité de terres agricoles. Regardez les témoignages poignants, recueillis par Le Figaro, d'agriculteurs dont les champs seront dévastés par cette A69.

Une mobilisation qui pourrait vraiment devenir plus populaire car l'ennemi commun, c'est cette urbanisation destructrice, ce règne de la vitesse, de la rentabilité, du développement des « zones » autour des échangeurs. Tout le contraire de la douceur des collines d'Occitanie. L'ennemi, cette fois, c'est aussi le monstre froid des sociétés d'autoroute qui se sont éhontément enrichies depuis la privatisation. L'ennemi, c'est, enfin, un État aveugle et sourd qui, dans ce projet, piétine lui-même ses engagements internationaux en matière écologique, comme le reconnaît l'enquête d'utilité publique, malgré son avis favorable. Et, pour un pouvoir qui ne jure que par l'enjeu climatique, c'est une nouvelle contradiction et un nouveau caillou dans des chaussures déjà bien usées par des mois de manifestations.

Comme le résumait le député RN Laurent Jacobelli, « souvent dans ces projets d'autoroute, c'est fait en dépit du bon sens et ça coûte un bras ».

Une partie de la droite a bien senti l'intérêt qu'elle avait à se ranger du côté du terroir, des agriculteurs, des contribuables et des automobilistes rackettés par les péages. Comme Eric Zemmour par exemple, ce dimanche, sur BFM.

D'autant plus que les soutiens du projet, à côté des milieux d'affaires locaux et de quelques élus de droite - rares, dans la région - sont les socialistes occitans, avec leur chef Carole Delga et les macronistes.

D'ailleurs, plusieurs signes de tangage commencent à se faire sentir, chez les partisans historiques du projet. D'abord chez les socialistes occitans, qui détiennent conseil départemental et conseil régional : certains élus locaux se désolidarisent de la position de la présidente Carole Delga. Au sein de ces majorités rouges-vertes, la contradiction est flagrante. Mais le doute a gagné le gouvernement lui-même : selon les informations de Mediapart, le ministère des Transports serait en train de réexaminer le projet. La version de l'abandon, comme à Notre-Dame-des-Landes, ne serait donc pas totalement à exclure. Surtout si le pouvoir, affaibli, sent le bénéfice politique qu'il pourrait en tirer dans l'opinion.

Alors, l'A69, l'autoroute de trop pour un vieux pays fatigué de bitume et de bagnole ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Il serait peut-être intéressant que nous soyons conséquents dans nos raisonnements. Ces agriculteurs défendent leurs terres. Ont-ils évoqué les dédommagement potentiels, des subventions, des terres en compensation ? Les sociétés d’autoroutes sont de vils profiteurs ? Les autoroutes françaises sont-elles très bien entretenues ? Les nationales et départementales le sont-elles tout autant ? Des terres cultivées seraient perdues ? Y-a-t-il nécessité de construire autant de ronds-points alors que la vigilance des automobilistes suffirait à les éviter ? Imaginons une France sans autoroutes. Avec l’état d’esprit actuel, serions-nous en capacité de bâtir le réseau actuel ? Quels en seraient les conséquences ? Le bruit et la fureur n’ont jamais aidé à la réflexion. Dans cette affaire de A69, qui a connaissance du bilan bénéfices/risques ? Comme en médication, c’est la première question à se poser.

  2. Parallèlement au principe très discutable de l’utilité de créer ce tronçon d’autoroute, on note encore une fois l’affaiblissement de l’autorité étatique, régulièrement contestée. ll suffit bien souvent d’une poignée de contestataires plus ou moins marginaux pour faire capoter un projet légalement étudié, voté et financé. Finalement l’autorité de l’Etat ne se manifeste que quand ce sont les citoyens, la majorité généralement silencieuse, qui manifeste en masse son désaccord. Voilà un thème de réflexion…

  3. Ce projet d’autoroute, par rapport à une nationale à 4 voies, beaucoup moins chère, n’a d’intérêt que s’il correspond à une prévision d’interconnexion : par exemple une branche qui irait de Castres à Lodève et permettrait une circulation interurbaine plus rapide entre Toulouse et Lyon. D’autre part, je ne vois pas pourquoi la jonction entre Poitiers et Limoges est retardée. Les autoroutes doivent permettre le désenclavement des villes de province, et pas seulement la circulation vers Paris.

  4. La construction d’une autoroute, c’est un pognon de dinque pour les entreprises chargées de la construction, et ensuite c’est un pognon de dingue pour les sociétés privées chargées de la gestion de l’autoroute , alors l’intérêt pour l’usager on s’en moque .

  5. Améliorer la nationale pour tous les Toulousains qui travaillent à Castres au laboratoire Pierre Fabre plus gros employeur local et cerise sur le gateau, financier du club de Rugby de Castres.

    • Heureusement que Pierre Fabre fait travailler beaucoup de monde, non seulement des Toulousains, des Castrais des Vauréens…et beaucoup d’autre dans la région, il y a des unités à de nombreux endroits comme à Muret ! Le groupe Pierre Fabre fait partie des plus gros employeurs de Midi Pyrénées on ne peut pas l’en blâmer !

      • Et l’Etat (ce qu’il en reste) est le plus gros contributeur au non emploi. Tout le monde il est content. Pierre Fabre n’utilise pas de main d’oeuvre clandestine c’est pour cela qu’il est mal vu. S’il utilisait des illégaux il serait en secteur sous tension donc éligible à notre compassion comme les restaurateurs. Plus vous êtes dans l’illégalité mieux vous êtes traité par ce gouvernement

  6. Il y a bien des motifs de se réjouir d’avoir voté Sarkosy : l’anarchie en Libye, la francisation de Mayotte, l’adoption de l’Europe contre l’avis des urnes, la panne du Karcher social, la privatisation des autoroutes, la déchirure des frontières . Autant ,dans ce cas, voter NUPES d’emblée .

  7. La population augmente et les terres cultivables diminuent . Heureusement nous avons des enarques, des polytechnicien(ne)s, des BTP et Sociétés d’autoroutes bien plus intelligents qui sauront sans nul doute régler l’équation

    • Vous en avez sans doute contre les polytechniciens. Est-ce du dépit de n’avoir pu réussir le concours, ou de la simple démagogie ? Vos interventions me paraissaient pourtant intelligentes jusqu’ici. Il y a des polytechniciens qui ont le sens de l’Etat et d’autres qui ne recherchent que le profit pour eux-mêmes. C’est d’ailleurs aussi vrai des énarques et Sciences Po. Hélas !

      • je parle d’une  »polytechnicien(ne) » : Borne. Pascal ( assez bon scientifique, je crois ?) distinguait esprit de géométrie et esprit de finesse. L’un peut aller sans l’autre (hélas.

  8. Pas de béton pour les autoroutes, mais les mêmes  » écolos »qui en déversent des tonnes au pied des éoliennes,
    plus de 100 éoliennes autour de chez moi !!!

    • Ah ! Le scandale des éoliennes de nos écologistes ! Non seulement elles pourrissent nos paysages et nos sols …mais … on a trouvé la solution : les « planquer en mer » pas grave si on tue les poissons ça ne se voit pas, et ils ne manifesteront pas !!!!

  9. L’état ferait mieux d’entretenir le réseau routier que de lancer des projets d’autoroutes qui ne servent qu’à enrichir certains promoteurs. Certes la traversée de certaines villes sur l’axe Toulouse-Castres peuvent poser quelques difficultés pour la fluidité du trafic, mais il s’agit là de quelques points isolés qui doivent être traités au cas par cas. Quand on la chance d’habiter une région magnifique, on se plie à sa géographie et on prend le temps de l’apprécier. Quand au temps qui serait gagné, ce n’est pas sur la création d’une autoroute qu’il faut compter mais plus sur des voies de contournement.

  10. Un renforcement de la route actuelle semblerait plus approprié; problème c’est un financement public , mais c’est aussi de l’argent public pour les méga bassines , Alors ?? Denier point , le prix des péages s’accroit sans cesse et pour des trajets quotidiens même avec un abonnement ça revient très cher , et les Français ont de moins en moins d’argent .

  11. Vite le retour aux diligences et aux relais de poste. Heureusement cela ne concerne que l’UE et la californie. Tous les autres pays du monde s’en foutent et applaudissent des deux maisns det des deux pieds de voir l’Europe qui à dominé le monde se ruiner. Quant à moi j’ai la chance de pourvoir plier bagage vers d’autres horizons avec des gens qui vivent normalment et ont des projets techniques qui tiennent la route, tout en regardant et en s’musant les inepties que mettent en place nos dirigeants avec l’appuis d’une population mal informée et sans cultures techique.

  12. Je pense que la cour des comptes ferait bien d’aller truffer dans les comptes d’asf et vinci, pour ne citer que ceux là, et de rendre publics les chiffres. Vous comprendriez pourquoi on veut construire des autoroutes.

  13. La route Toulouse Castres est d’une dangerosité très grande. Ceux qui ne l’utilisent pas ne peuvent comprendre. Si l’on avait pas attendu 30 années pour la réaliser elle serait amortie. Maintenant, avec les écolo-bobos toulousains qui ne se déplacent qu’en vélo ou métro, le projet est surréaliste: ils préfèrent les emplois sur la place des Capitouls plutôt qu’à Castres. Castres c’est bon pour païsous !

  14. S’il n’y avait que les autoroutes ! Le ministre ferait bien de s’occuper également de certains aéroports, mais là, le problème, notamment « politique » est plus complexe

  15. Voici un exemple d’expression populaire réussie.
    Un contre projet existe : augmenter la capacité de la route actuelle,
    Faire connaitre ce contre projet en développant une argumentation bien étayée,
    Dénoncer les excès du projet retenu,
    Montrer que ce projet n’a pas le soutien des locaux,
    Le tout sans trop de désordre : malheureusement encore quelques blessés, pas de destructions,
    Quand l’idéologie laisse le pas au bon sens tout est possible,
    Surtout, quand l’objectif annoncé est bien celui que l’on veut atteindre, pas d’objectif caché,
    A imiter

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