Avec le progressisme : mère sur option révocable

L’histoire est glauque et se passe au Québec. Deux lesbiennes se rencontrent en 2010, se marient très vite. L’accélération de l’horloge biologique de l’une d’elles pour des raisons pathologiques précipite les choses : la maternité, c’est maintenant ou jamais. Elle obtient d’un ami, peu soucieux de paternité, du sperme et donne naissance à un enfant. Leur mariage fait que la filiation est légalement établie avec ces deux femmes. Le couple se sépare en 2012. En 2019, celle qui n’a pas porté l’enfant entame une action pour désavouer sa « maternité ». Plus âgée et mère, par ailleurs, de deux enfants, elle ne se considère que comme l’épouse de la mère au moment de la grossesse et de la naissance, même si elle a activement participé aux soins du bébé. Le juge refuse d’accéder à cette demande. Dans Le Journal de Québec, Alain Roy, professeur de droit familial à l’université de Montréal, raccroche les wagons : « Le projet parental, c’est l’équivalent conceptuel du sang pour la procréation naturelle. »

La filiation traditionnelle au sein du mariage n’est pas exempte de bricolages et d’hypocrisies, elle non plus. La présomption de paternité peut être battue en brèche par l’adultère connu ou caché, et l’adoption plénière d’un enfant orphelin est une fiction juridique établie dans l’intérêt de l’enfant. Mais, au moins, la fiction de l’adoption tente de se doter d’une vraisemblance biologique minimale.

Les aspirations à l’engendrement et à l’éducation d’enfants sont naturelles, elles sont à la fois individuelles et le fait de couples. Des enfants sont souhaités et attendus par des couples qui ont effectivement ce que des cuistres appellent un « projet parental ». Ou par des couples lesbiens qui auront recours à un tiers donneur occasionnel ou à une PMA à l’étranger. Ou des femmes seules qui ont envie d’un enfant sans pour autant s’encombrer d’un mari. Ou par des couples d’homosexuels qui casseront leur tirelire pour acheter des ovocytes et sous-traiter une maternité dans un pays où c’est permis.

La stérilité voue parfois à l’échec certains projets parentaux. Cela peut conduire à des drames personnels, à des naufrages de couples. Mais quand le couple ou la personne seule ne peut en aucun cas être naturellement fécond, le désir d’enfant ne devient-il pas un caprice, une exigence obstinée et irréductible ? Quelques slogans des marches lesbiennes (des dissidences de la marche des fiertés ?) tenues ce week-end le laissent supposer.

Notre langage courant est peut-être un brin pervers. Nous disons d’un couple qu’il a des enfants, avec le même verbe « avoir » qui sera utilisé pour leur appartement, leur voiture, leur téléviseur et leur compte en banque. L’Église catholique usera d’une locution plus pertinente : l’accueil des enfants imparti aux couples qui se marient. Il n’est pas de droit à l’engendrement opposable à Dieu pour un couple, mais la paternité et la maternité créent des responsabilités dont des adultes ne devraient pas tenter de s’exonérer. Qu’il serait utile et pertinent de dispenser une vraie formation à la parentalité à tous. Sans occulter, bien sûr, le besoin d’une cellule familiale aussi stable que possible dans le temps.

Le projet de révision de la loi de bioéthique pourrait, bien sûr, redémarrer son cheminement parlementaire et instituer la PMA sans père à brève échéance. Pour voir la responsabilité s’effacer encore plus derrière l’assouvissement du désir ? Et nous osons nous gargariser du grand mot « fraternité » quand nous refuserions à certains une paternité !

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