[L’ÉTÉ BV] Avec sa courte vie, Émile aura remis les idées en place et l’église au milieu du village

Le petit Émile a réussi ce prodige de faire communier ensemble, dans la même tristesse, une France fracturée.
Emile

Tout l'été, BV vous propose de relire certains articles de l'année écoulée. Ici, des nouvelles de notre civilisation.

Deux ans, c’est court, c’est une toute petite vie. Et pourtant l’image de ce petit blondinet tout mignon, avec son pissenlit au coin de l’oreille, restera pour longtemps gravée dans les mémoires. En des temps très utilitaires, qui - par l’IVG et l’euthanasie - soupèsent, en faisant la moue, la valeur d’une vie aux deux bouts de celle-ci, on constate soudain les fruits immenses de cette toute petite existence. Non seulement parce qu’elle a fait le bonheur de sa famille, bien sûr, pendant deux ans, mais aussi parce que ce 31 mars, elle a attendri le cœur des plus endurcis.

Le petit Émile a réussi ce prodige de faire communier ensemble, dans la même tristesse, une France si fracturée qu'elle se demande parfois ce qui l’unit encore. En ce jour de Pâques, il y avait la rose et le réséda, comme dirait Aragon, ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Merci, Émile. C’est le miracle d’Émile.

Ce n’est pas d’avoir un tout-petit, qui est un malheur, mais d’en perdre un

Mais ce n’est pas tout. Émile a remis aussi les idées en place et l’église au milieu du village. Dans notre Occident trop gâté, les progrès de la médecine et la baisse drastique de la mortalité infantile ont fait oublier à beaucoup qu’un enfant était une bénédiction, et non une tuile. Le « No Kids » est à la mode, où il ne se passe pas un mois sans qu'une certaine presse progressiste dénigre la procréation, vante les mille et un inconvénients des bébés ou même - c’est nouveau et c'est violent - promeuve le « regret maternel » : celui d’avoir eu un enfant. Émile rappelle une évidence : ce n’est pas d’avoir un tout-petit, qui est un malheur, mais d’en perdre un. On dit souvent qu’il y a un mot pour désigner les enfants qui perdent leurs parents, mais qu’il n’y en pas pour désigner les parents qui perdent un enfant. Peut-être parce que c’est une souffrance indicible, au sens littéral du terme, tellement contre-nature qu’on ne peut pas la dire.

Il est important de s’arrêter un peu sur les parents : Colomban est né en 1996, Marie en 1998. Beaucoup, à leur âge, ont encore une vie insouciante d’étudiants. À une époque où on appelle « jeunes » des antifas attardés ou des émeutiers de banlieue largement trentenaires, ils sont pour ainsi dire des enfants. Qui ont perdu leur premier enfant.

Pour eux, que l’on sait croyants, le fait que cette terrible nouvelle tombe le jour de Pâques - on sait qu’ils ont été prévenus alors qu’ils se rendaient à la messe - n’est pas neutre.

Dans un texte transmis par leur avocat Maitre Jérôme Triomphe, Colomban et Marie évoquent une nouvelle « déchirante et redoutée », car ils voulaient encore espérer, forcément, envers et contre tout. Mais cette nouvelle, le jour de la résurrection du Christ, sonne pour eux comme un message de leur petit garçon : « Bien arrivé là-haut, je vous attends ! » Le hasard, diront certains. Mais le hasard, disait Einstein, c’est Dieu qui se promène incognito.

Continuer à vivre

Le 24 novembre dernier, pour l’anniversaire d’Émile, ces jeunes parents avaient fait le choix de s’adresser à « celui ou ceux qui [savaient] ce qui lui est arrivé ». Ils suppliaient : « Par pitié, s’il est vivant, ne nous laissez pas vivre sans lui, rendez-le-nous. Par pitié, s’il est mort, dites-nous où il se trouve, rendez-le-nous. Ne nous laissez pas sans une tombe pour nous recueillir. »

Pour Pâques, le bourreau les a-t-il entendus ? Colomban et Marie pourront enterrer Émile. Souffrir et pleurer, c’est encore vivre, disait Dostoïevski. Ils vont donc continuer à vivre. Qu’ils soient assurés que le passage de leur bébé sur Terre, comme une étoile filante, aura permis à plus d’un qui en avait besoin de retrouver le sens de ce dicton de nos grands-mères : il ne faut pas pleurer pour un enfant en plus, seulement pour un enfant en moins.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2024 à 18:12.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Tout mon soutien aux parents dans leur terrible épreuve que leur foi leur apporte du courage et du réconfort.

  2. Ce petit bout est mort tout seul, dans des souffrances…c’est atroce.
    Et ce dont personne ne parle c’est l’attitude de 2 personnes qui ont dit l’avoir vu sur le chemin… quand on voit un tout petit, seul , la premier réflexe humain est de le prendre par la main et de le ramener chez lui!!
    Même si on le connaît, si on sait qu’il connaît le hameau …il peut lui arriver n’importe quoi ! La preuve !
    Ces personnes là, ont-elles des remords? Se sentent elles un peu coupables ??? Motus sur ce sujet dans les débats TV interminables !!!

    • Un dimanche, dans la rue, une petite fille est venue à mon devant, me disant des choses pas très compréhensibles. J’ai questionné les rares passants, en vain. La croyant capable de suivre n’importe qui, je l’ai conduite au poste de douane tout proche. Il m’a semblé que c’était la chose à faire.

  3. Merci pour ce texte émouvant qui rappelle la valeur miraculeuse de la vie que notre société « occidentale » s’est cru autorisée à interrompre à recréer à modifier sans se rendre compte qu’elle saccage un héritage inestimable.

  4. Ce petit Emile avec sa fleur de pissenlit sur l’oreille et sa petite main levée, semble dire «  au revoir « .
    Mon cœur de grand-maman est brisé quand je regarde cette photo . Deux ans de cette petite vie représentent tes de petits et immenses bonheurs ! Deux ans de vie d’un enfant c’est une magie de chaque jour , de chaque seconde . Je suis heureuse pour les parents , de savoir qu’ils sont croyants . L’espoir de le revoir un jour va apaiser un peu leur douleur immense . Adieu petit Emile ..

  5. Je ne crois pas a un crime de « solitaire » mais plutôt à un complot de « gauchistes – anticléricaux- haineux »
    probablement connu d’une partie de la population et qui a pour but de faire du mal a cette famille croyante
    un peu a rebours de la pensée unique communale ou / et régionale.
    Les gauchistes ne reculent devant rien , même pas devant un attentat avec 150 morts à Moscou, alors un bambin imaginez !

  6. Comment peut on s’en prendre à un enfant de deux ans, si le coupable est trouvé alors aucune pitié il n’y a pas de motivation pour un tel crime, le bagne, même pour aucun crime soit il par ailleurs toute fois le choc n’est pas pour tout le monde quant on apprend que certains journalistes bien au contraire accablent les pauvres parents de cette petite victimes pour ce qu’ils sont.

  7. Beaucoup de tristesse après l’annonce de la disparition de ce « petit ange », car oui, c’est bien le mot qui lui convient. Je pense à cette famille chrétienne pratiquante, qui en ce jour de Pâques, a perdu l’espoir mais pas l’espérance.

  8. Merci Madame Cluzel.
    Je suis le 3ème rejeton d’une famille qui a perdu le premier, mon grand-frère Jean-Paul.
    C’est vrai que les parents ne s’en remettent jamais vraiment, il y a une place vide, une douleur, une plaie qui est présente pour toujours.
    Les parents du petit Émile vont pouvoir « enfin » commencer leur deuil. Les croyance en Dieu les aidera.
    Repose en Paix petit bonhomme.

  9. Emouvant témoignage qui redonne à notre univers la dignité qu’il a depuis si longtemps perdue. La mort d’un enfant est insupportable, j’en ai vu des exemples autour de moi. Avoir la foi est une chance que je n’ai pas mais qui permet à ces parents si injustement déchirés d’attendre de le retrouver un jour. Il reste, si le ou les assassins sont retrouvés à leur appliquer une sentence impitoyable, telle que l’on n’est plus capable, hélas, d’en concevoir aujourd’hui par la faute du législateur, le pire ayant été l’indigne Badinter.

  10. BRAVO ! Excellent article, et toute notre compassion pour les parents d’Emile. Quelle infinie tristesse.

  11. En septembre 2000, j’ai dû enterrer mon enfant … Je ne crois plus depuis longtemps aux mots  » deuil » et « résilience » … Je ne crois pas plus que de ne pas avoir « le corps mutilé et incomplet » d’un enfant puisse permettre justement ce « deuil » qui est souhaité aux parents de ce petit enfant devenu « ange » malgré lui …

    Qu’en sera t-il de la fin de cette histoire tragique qui s’est passée dans un lieu isolé du marasme de ce qu’est devenue la FRANCE ? … Dans l’hypothèse d’un coupable trouvé, quel sera sa condamnation ? … Je pleure et je prie pour la mémoire de cet ange ! …

    • Il faut bien sûr une condamnation par la société mais ça n’appaisera pas la douleur des parents et de la famille. On n’a qu’une vie terrestre.

  12. Merci pour cet article magnifique qui rend si bien hommage à cette famille dans la peine . Prions pour eux et ce petit ange parti trop tôt .

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