Avertissement sans frais, les agriculteurs menacent de ressortir les tracteurs

©Raphaëlle Claisse/BV
©Raphaëlle Claisse/BV

S’il est une chose qu’on peut éventuellement reprocher aux paysans, c’est une certaine forme de naïveté : ils croient aux promesses qu’on leur fait. Et Dieu sait qu’on leur en fait !

Les dernières remontent au printemps. Le Premier ministre d’alors, le frais émoulu Gabriel Attal, n’en fut pas avare. Le 16 mars 2024, après un Salon de l’agriculture mouvementé, il lançait son grand plan d’aide au monde agricole depuis Montbéliard. Un mois plus tard, Matignon claironnait : « Le Premier ministre, soucieux de répondre aux préoccupations exprimées par les agriculteurs et de favoriser un dialogue constructif, annonce aujourd'hui un ensemble de quatorze nouveaux engagements visant à soutenir le secteur agricole et répondre aux nombreuses revendications exprimées partout en France depuis plusieurs mois. »

Il est vrai qu’on avait eu chaud, en haut lieu. Rappelez-vous, pendant des semaines, les panneaux d’entrée de villes retournés pour montrer qu’on « marche sur la tête ». Depuis le Berry, la Savoie ou l’Aubrac, les tracteurs remontant en colonnes serrées vers Paris. L’apothéose, enfin, au Salon de l’agriculture, avec un Macron sifflé, hué et qui, terrorisé, faisait donner la troupe pour pouvoir déambuler dans un hall totalement vide.

T’as qu’à croire…

Et voilà que, deux mois plus tard, le Premier ministre assurait : « Les six piliers de notre action seront renforcés », à savoir :
– préserver notre souveraineté agricole et alimentaire ;
– mieux reconnaître le métier d’agriculteur avec une amélioration des retraites agricoles à travers la prise en compte dès 2026 des 25 meilleures années ;
– redonner de la valeur à notre alimentation et du revenu aux agriculteurs en accordant des prêts de trésorerie ;
– protéger contre la concurrence déloyale et renforcer la compétitivité de nos exploitations agricoles ;
– simplifier la vie quotidienne des agriculteurs, notamment sur la législation concernant les produits phytosanitaires ;
– assurer le renouvellement des générations en agriculture par des plans d’accompagnement et contrats d’avenir territoriaux.

Ces mesures, concluait alors Gabriel Attal, « démontrent notre détermination à répondre aux besoins de nos agriculteurs et à garantir un avenir prospère pour notre agriculture ». Sauf que… Six mois plus tard, on est loin des promesses à leur réalisation. Certes, dira-t-on aux agriculteurs, les élections sont passées par là, puis la dissolution, puis les Jeux olympiques, puis ce gouvernement qui n’en finit pas d’arriver.

La vie des agriculteurs, elle, a continué comme avant, entre travaux harassants et illusions perdues. Elle a même continué pire qu’avant pour certains, avec une météo pourrie qui « a flingué les récoltes céréalières », mis la pourriture dans les vignes, à quoi il faut ajouter « la flambée des maladies animales », comme le détaille 20 Minutes : maladie hémorragique épizootique, fièvre catarrhale ovine ou grippe aviaire.

Les agriculteurs, comme chaque année, sont depuis mardi à Rennes, au grand Salon international de l’élevage. Et, céréaliers, éleveurs ou vignerons, ils en ont gros sur la patate, tant pèse le sentiment de s’être faits flouer.

On n’arrête pas la traite des vaches comme les métros ou les trains

Ils n’ont rien contre Michel Barnier, qui fut sans doute l’un des meilleurs ministres de l’Agriculture. Comme le disait, lundi, sur X, Cédric Viallemonteil, « l’agriculteur en colère » : Michel Barnier est « un homme que j’aime bien et que j’apprécie puisqu’il a fait beaucoup pour l’agriculture en montagne [Cédric Viallemonteil est éleveur bovin à Sourniac, dans le Cantal NDLR], mais je viens de voir que, comme les autres, il n’avait qu’une idée pour payer la dette, c’est d’augmenter les impôts ». Comme lui, les agriculteurs vont encore patienter, attendre de voir quel ministre va sortir du chapeau pour prendre en main leur sort, mais ils sont las d’être bercés de beaux discours.

Comme le confie Cédric Henry, président de la FDSEA d’Ille-et-Vilaine, à 20 Minutes : « On va laisser passer un ou deux mois, le temps des récoltes. Mais si rien ne bouge, c’est sûr que l’on va ressortir les tracteurs. Il n’y a que quand ça gronde que l’on obtient des choses. » Alors, même s’il n’a pu répondre à notre appel, trop occupé par ses bêtes, on peut être certain que l’éleveur du Cantal sera aussi du voyage.

Tous le demandent : faut-il vraiment casser pour être entendus ? Car les agriculteurs n’ont pas, comme les fonctionnaires, le temps de la grève illimitée devant eux. Le travail de la terre est, comme l’élevage, rythmé par le temps immuable. On n’arrête pas la traite des vaches comme on stoppe les métros ou les trains. On ne se met pas en grève de récolte comme on suspend l’enseignement des enfants. Il n’y a pas d’intermittents au chômage doré, dans ce monde-là, rien que des permanents.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Ils n’ont pas encore compris qu’il faut aller au bout des choses et non se rétracter sur de simples paroles.
    Les agriculteurs doivent se rallier aux gilets jaune, au peuple français qui veulent du changement, sensibiliser notre police et notre armée que nous payons et qui ont le devoir de nous soutenir. Alors un changement est possible.

  2. Oh oui, on en redemande !
    C’était tellement beau tous ces tracteurs dans les rues et avenues parisiennes !
    Mais pas seulement, en province, sur les autoroutes, à Rungis, etc.
    Même autour des bâtiments de l’UE, c’était pas mal non plus !
    Vive l’EuropEXIT !

  3. Entendus par un gouvernement dirigé par un jeune courtisan dont l’univers se limite à ses trajets domicile-SciencesPo-Ecole alsacienne dans le passé et domicile-Ministères-Matignon jusqu’à présent. Il est tellement du terroir, que quand un oiseau chante dans un square de son quartier, il doit sortir son téléphone pour voir qui l’appelle. Non, à mon avis, il n’est pas trop à l’écoute de la vie rurale et les ruraux ont raison de vite passer à Barnier !

  4. Quand les paysans comprendront enfin que les européistes, M. Barnier et E. Macron en tête, veulent leur peau, ils commenceront à se battre vraiment. L’union européenne veut détruire l’agriculture traditionnelle pour la remplacer par la financiarisation généralisée des terres : une exploitation par des salariés interchangeables, exécutant les ordres des multinationales richissimes.
    L’u.e. les exploite, confisque à son profit le tiers des subventions que le peuple français paie pour eux, les étrangle par une mise en concurrence mondiale déloyale et létale. Ils ne doivent pas se contenter de « manifester » (ce qui ne gêne pas le Pouvoir qui s’en fiche bien, tant que leur destruction se poursuit), ils doivent avoir un sursaut de survie, d’abord contre l’u.e., source de leurs malheurs.
    Sinon, si ça leur va de disparaître, il n’y a plus rien à faire…

  5. S’ils n’y vont pas, ils vont mourir.
    La commission européenne, entre autre, a décidé de supprimer l’agriculture européenne de façon à ce que toute nourriture soit importée. Fabriquée ailleurs et sans contrôle, ils nous feront bouffer n’importe quoi, et pas du bio. La période COVID a montré qu’ils n’avaient aucune étique ni de moralité.

  6. Souvenons-nous également des déploiements de force qui encadraient les colonnes de paysans. La bague d’acier d’engins blindés entourant Paris en interdisant l’accès aux manifestants. L’arrestation arbitraire d’une cinquantaine d’agriculteurs qui n’appartenaient pas au « bon » syndicat. Attal, en petite fée des médias, qui faisait son numéro entre deux bottes de paille. Les barbelés autour du building de Bruxelles. Rien n’a été réglé. Tout va recommencer.

    • Non seulement « rien n’est réglé » mais surtout « tout s’est détérioré ! … »
      macron s’est attaqué à tout en même temps pour s’assurer que tel un château de cartes, la France s’effondre de partout ! … Et il continue en s’attaquant au système gouvernemental avec son coup de colère qui l’a décidé à faire une dissolution de l’Assemblée Nationale ! …

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