Avortement : l’étrange stratégie de Marine Le Pen

© Geoffroy Antoine
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Marine Le Pen ne reviendra pas sur le droit à l’avortement. C’était l’une des certitudes de la campagne présidentielle de la candidate du Rassemblement national. Si la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale a toujours fait preuve de retenue sur ce sujet et ne s’est jamais montrée favorable à l’extension de ce que la société considère comme un droit, elle a toujours tenu à y mettre des limites. Ainsi, elle avait voté contre l’extension du délai légal de 12 à 14 semaines. « Le RN refuse l’allongement du délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines. Il s’opposera également à la volonté de supprimer la clause de conscience des médecins. Ce texte ne représente pas un "progrès" mais une dérive purement idéologique », avait-elle dénoncé, en octobre 2020. Mais ce 21 novembre, renversement de table ! Marine Le Pen a déposé un amendement censé constitutionnaliser la loi Veil en l’état. Une manière de répondre à la niche parlementaire de La France insoumise et au projet porté par Renaissance. Deux propositions distinctes mais qui se rejoignent sur le fond : faire de l’IVG un principe constitutionnel.

Constitutionnaliser pour ne plus y toucher

Une sacralisation de l’avortement ? « Plutôt une tentative de geler la situation et donc de porter un coup d’arrêt au glissement dangereux de l’avortement contenu dans les propositions de Renaissance et de LFI », affirme Renaud Labaye. Le secrétaire du groupe RN à l’Assemblée nationale et proche collaborateur de Marine Le Pen maintient : cet amendement est là avant tout pour « limiter les dégâts »« On sait parfaitement que derrière la logique de la NUPES et d’une partie du groupe Renaissance se cache la volonté de raccourcir les délais, faire sauter la clause de conscience des médecins et j’en passe... », s’alarme un élu du groupe RN. En l’espèce, cette constitutionnalisation respecte en soi la position officielle de Marine Le Pen : trancher les sujets sociétaux par le biais d’un référendum. « Il faut protéger le droit tel qu'il existe aujourd'hui et ne pas constitutionnaliser un principe très vague qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives », affirmait, ce lundi, le député RN Jean-Philippe Tanguy chez France Info. En d’autres termes, le RN admet l’avortement mais veut limiter les excès qui découleraient de la sacralisation du principe sans cadre précis. Plus qu’un point de détail. « [Je] considère qu’il faut préserver l’équilibre actuel et non graver dans notre texte suprême une disposition qui aboutirait à une augmentation voire à une disparition des délais et qui pourrait également remettre en cause la clause de conscience existant pour le personnel médical », affirme la présidente du groupe dans un communiqué envoyé ce mardi matin. Mais dans les faits, c’est aussi le rendre intouchable. « Un moindre mal », entend-on chez les députés du RN.

L’IVG, un sujet sensible au RN

La rentrée parlementaire avait démarré sur les chapeaux de roue pour les députés nouvellement élus. D’autant plus pour quelques élus du Rassemblement national. Nous étions en juin 2022 et la révocation de l’arrêt de la Cour suprême américaine garantissant l’avortement avait fait souffler un vent de panique dans la doxa progressiste. Immédiatement, des élus de La France insoumise rejoints par la majorité emmenée par la députée Aurore Bergé avaient demandé la constitutionnalisation de l’IVG. « Mon téléphone et celui d’une poignée de collègues menaçait d’exploser », se rappelle le député du Vaucluse Hervé de Lépinau. La raison ? L’opposition de principe prise par le passé et encore assumée maintenant par une poignée d’élus du Rassemblement national. « Au fond, regrette Lépinau, on a vite eu l’impression que ce qui intéressait davantage nos adversaires et les médias, c’était notre opinion sur l’avortement davantage que le souci de sanctuariser l’IVG... » Pour autant, pas question pour le député du Vaucluse de renier ses convictions. S’il se dit « conscient de la nécessité de ne pas tomber dans le piège politique tendu par le parti présidentiel, avec l’appui de l’extrême gauche sans aller à l’encontre de ses convictions », il ne soutiendra pas l’amendement de Marine Le Pen. Est-il seul ? Pour l’instant, aucun autre député n’a officiellement fait part de son opposition. « On y réfléchit », répond sobrement un député. Mais d’autres abstentions sont à prévoir. À droite de l’échiquier et hors de l’Hémicycle, on ne mâche pas ses mots. « Il vaut mieux aujourd’hui être un taurillon qu’un embryon humain », assenait Philippe de Villiers, ce soir, sur Radio Courtoisie.

L’amendement de la présidente pas soutenu par la totalité de son groupe ?  Pas un problème pour Renaud Labail. « Marine a signé l’amendement seule justement pour laisser à son groupe une totale liberté de conscience. Les députés garderont toujours leur liberté de vote », assure-t-il. Au point de voter contre l’amendement de la patronne ? Le malaise est là.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Madame Simone Veil a toujours dit que sa loi en autorisant l’IVG devait aussi l’empêcher de devenir un méthode de contraception comme une autre et qu’elle permettait de combattre cette dérive.

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