#BalanceTonPorc, hashtag de la libération ou de la guerre ?
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Faut-il se féliciter de l'ampleur de la vague d'indignation et de révolte ou s'inquiéter de la chasse à l'homme que suscite le hashtag #Balancetonporc ? Il faut d'abord constater l'immense hypocrisie qui entoure ces éruptions médiatiques. L'omerta avait protégé Weinstein durant des décennies. La plupart des victimes avaient gardé le silence ou accepté les faits parce que cela semblait utile à leur carrière.
On a connu et on connaît toujours cette complicité dans certains milieux, et en particulier ceux du pouvoir. On se souvient de la solidarité ou, au moins, de la compréhension dont avait bénéficié DSK au début du scandale qui l'a chassé d'une vie politique très prometteuse. On avait entendu dire qu'il n'était pas bien grave de trousser une soubrette. Quand la justice américaine rappelle que Roman Polanski est l'objet d'un mandat d'arrêt, il y a des personnalités françaises pour crier à la persécution d'un artiste. Lorsque Luc Ferry évoque un homme politique "poissé" pour avoir participé à une partouze avec des garçons mineurs au Maroc, c'est lui qui est accusé de "bavasser" dans la presse par Alain Juppé. L'affaire est toujours étouffée aujourd'hui, suspendue entre les risques symétriques de diffamation et de non-dénonciation de crimes. Et on pourrait aussi pointer l'étrange complaisance à l'égard de personnalités soupçonnées à tort ou à raison de pédophilie.
Les belles âmes craignent la chasse aux sorcières que va provoquer l'appel à la délation. Les féministes se réjouissent de cette révolution qui transforme le prédateur en proie du lynchage médiatique, cette castration publique du pouvoir phallocratique. Entre ces deux écueils idéologiques, il faut sans doute tenter de garder raison. Si la délation auprès d'autorités illégitimes dans une situation de dictature totalitaire ou d'occupation étrangère est honteuse, la dénonciation de délits ou de crimes dans un État de droit est un devoir civique. Il faut simplement espérer que du délit au crime, de l'attouchement au viol avec pénétration en passant par l'agression, qui sont de loi en loi de plus en plus sévèrement réprimés, notamment avec le durcissement de la loi d'août 2012, l'effet de mode ne l'emporte pas sur l'efficacité de l'application des textes. En 2014, sur 1.048 plaintes déposées à Paris, seules 65 ont donné lieu à condamnation. Si une femme sur cinq a été victime au moins d'attouchement ou de harcèlement, 6,2 % des plaintes seulement aboutissent.
Par ailleurs, la sévérité des normes doit-elle s'imposer plus particulièrement dans le domaine de la sexualité ? Évidemment non. La justice ne doit pas verser dans la vengeance, et encore moins dans une revanche collective qui tournerait à la guerre des sexes. C'est un risque manifeste lorsque, sans attendre les décisions judiciaires, lentes et incertaines, le lynchage médiatique remplace la Justice. Certes, Weinstein, en raison du grand nombre de témoignages, semble ne pas avoir volé sa chute vertigineuse, mais que dire des personnalités traînées dans la boue et dont on découvrira l'innocence trop tard lorsqu'elles auront dû abandonner leur activité ? La victime déclarée peut masquer un bourreau qui assouvit une vengeance personnelle. Celle-ci ne doit pas être camouflée dans une pseudo-lutte idéologique justifiée parce qu'elle serait la revanche du faible contre la domination du fort.
Il faut se réjouir d'une plus grande rigueur dans les comportements liés à la sexualité. C'est un indice de civilisation. Le respect de l'autre, la réciprocité, la dignité sont des valeurs qui doivent définir cette rigueur. Entre la libération des mœurs, l'égalité des sexes et ce rappel à l'ordre, il y a un équilibre à trouver. En revanche, il faut dénoncer une fois de plus la manœuvre idéologique qui peut se cacher derrière un mouvement apparemment salutaire, celle qui revient à substituer à la revendication de droits une prise de pouvoir par des groupes de pression.
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