Bardella et Ciotti face aux patrons : un dernier cordon sanitaire… fragile

Capture d’écran (58)

Les candidats à l'épreuve de physique du bac n'étaient pas les seuls à plancher, aujourd'hui. Bardella et Ciotti passaient leur entretien d'embauche, ce 20 juin au matin, face aux représentants de douze organisations patronales de tous types, de la PME à la grande entreprise, accompagnées de trois organisations professionnelles, le tout réuni à Paris. Face aux deux candidats, les représentants de 90 % des entreprises françaises privées. Sur la scène, la vedette de BFM Business Edwige Chevrillon pose des questions et fait respecter le timing pour que tous les ténors de la course aux législatives, d’Édouard Philippe à Éric Coquerel en passant par Bardella et Ciotti, donc, aient leur chance.

« Des aventures périlleuses » ?

Le patronat, c’est, en vérité, l'un des derniers cordons sanitaires qui tiennent encore dans l’opinion. Le chant s’élève, ininterrompu depuis des années, dans les quotidiens et magazines économiques : avec l’extrême gauche comme avec l’extrême droite, l’économie française plongera dans des abysses inconnues, sombres et glaciales. Un dos-à-dos facile. Car le RN et le tout nouveau Nouveau Front populaire n’ont pas vraiment les mêmes modèles, ni les mêmes programmes, ni les mêmes credo. Mais la cité de la peur a déplacé ses remparts. Les adversaires du RN n’osent plus évoquer de fumeux et terribles génocides. Ni des politiques antisémites violentes : plus personne n’y croit, les Juifs moins encore que les autres. Ni la guerre civile le soir même de l’élection : cela ne prend plus. Reste l’économie. Une petite partie du patronat sonne le tocsin.

Ce 20 juin au matin, le patron du MEDEF Patrick Martin a ainsi attaqué, dans Le Figaro : « Alors que la situation des finances publiques est très tendue, que la concurrence internationale est forte et la conjoncture molle, c’est le pire moment pour se lancer dans des aventures périlleuses. ». En clair, il faut choisir d’urgence ceux qui ont creusé la dette de la France comme jamais et plombé le commerce extérieur de 100 milliards d’euros, soit les députés macronistes. Ou rien. Enthousiasme non garanti. Pas de chance, en une du Figaro Économie, juste à côté de la photo du patron du MEDEF, s’affiche un autre titre : « La dérive des comptes publics de la France inquiète l’Europe ». Mais elle n'inquiète pas Patrick Martin, apparemment. « La Commission (européenne) propose de placer la deuxième économie de la zone euro en "procédure de déficit excessif" », précise pourtant le quotidien. De quoi diluer les sombres pronostics du patron du MEDEF.

Pressions politiques

« J’ai compris qu’il fallait que je rassure, commence Bardella. Je vous remercie pour votre invitation, un peu moins pour les amabilités que vous avez eues à mon endroit dans Le Figaro », lance-t-il à Patrick Martin. Bardella a moyennement apprécié de « se réveiller le matin en étant qualifié de danger par la personne qui vous invite pour dialoguer ». Façon de souligner la neutralité très relative du patron du MEDEF. Dans la foulée, Bardella déroule des propositions pas si étatistes que cela : baisse des impôts de production, maintien des heures supplémentaires défiscalisées, organisation d’états généraux de la simplification administrative et normative, pause règlementaire, création d’un fonds souverain, réduction drastique des dépenses publiques, etc.

Les patrons font figure de dernier village gaulois face à l’envahissant RN. Un sondage IFOP-Fiducial pour Les Échos assurait, le 13 mai dernier, que seuls 15 % des patrons de TPE (très petites entreprises) étaient prêts à voter Bardella aux européennes. Mais le sujet RN divise. Selon le même quotidien économique, au sein de l’organisation patronale Impact France, l’appel à voter contre le RN, et seulement contre lui, a provoqué des claquements de porte et des inconforts bruyants… Car les pressions politiques sont fortes sur les patrons pour qu’ils fassent rempart de leur corps contre l’arrivée du RN au pouvoir.

« Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a beau les appeler à "se mouiller" », constate le magazine économique Challenges, rares sont ceux qui, comme le patron de la coopérative Biocoop, appellent à "faire barrage contre l’extrême droite". La trouille au ventre devant l’idée que les extrêmes prennent les commandes, les réactions diffèrent. » Le patron du MEDEF et quelques autres ont obtempéré. Déjà, en janvier, Patrick Martin n’avait pu s’empêcher de clamer, dans la presse régionale, que le RN était « dangereux pour notre économie ».

Intérêt général

Pourtant, les patrons, si précieux et brillants soient-ils, ne sont en charge ni de la France ni de l’intérêt général. Le recours excessif à l’immigration, par exemple, peut faire baisser les coûts de certaines entreprises, mais peut entraîner une hausse de l’insécurité, préjudiciable à toute la société. Combien d'entre eux se préoccupent du « bien commun » ?

On prête au général de Gaulle ce mot jeté au patronat français après la guerre : « Je n’ai vu aucun de vous, messieurs, à Londres. » Dans la capitale anglaise puis à Alger, le même De Gaulle dénonçait les responsables de la défaite de 1940, stigmatisant « la France trahie par ses élites dirigeantes et par ses privilégiés ». Rien n’a changé.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

42 commentaires

  1. Politiques et patrons membres des syndicats de patrons poursuivent des objectifs similaires : se créer des rentes grâce aux marchés publics (armement, médias, énergie, transports, assurances sociales, éducation, santé, BTP, banque) en éliminant la concurence régulatrice du marché. D’où la corruption et les ententes qui paralysent la France depuis la révolution. Les petits patrons eux sont dans le grand bain du marché et bien trop occupés à survivre face à l’état vampire et ne font pas partie du MEDEF et de la CGPME dont l’objet est le lobbying des pouvoirs publics. Le MEDF ne représente que 28% des entreprises françaises.

  2. TOUS les politiques sont dangereux pour l’économie. Commençons par fermer les ministères de l’écologie, de la culture, du logement, du travail et santé, de l’enseignement supérieur et recherche, des sports, de l’agriculture, de l’économie et industrie et de la fonction pulique. Ne gardons que la justice, les armées, l’intérieur et les affaires étrangère avec un secrétariat d’état au budget. Ouvrons à la concurrence les assurances sociales et l’éducation avec un chèque éducation et un chèque social comme en Suisse et en Nouvelle Zélande ou en Suède. Et sur tout mise en place du RIC et suppression de toutes les subventions. Il suffit de regarder le budget de l’état 2024 sur Wikipédia pour voir qu’on peut économiser sans trop de peine 200 Mds par an. Et surtout réduisons le nombre des fonctionnaires et des politiques en interdisant aux fonctionnaires de prendre un mandat politique.

  3. Lesquels de ces patrons ont-ils fait des maraudes, la conférence saint Vincent de Paul où le secours populaire ?

    Beaucoup de français sont prêt à travailler dur mais qui en profite, ceux qui gagnent sans rien faire plus qu’en travaillant. Ils règleraient le problème ils n’auraient pas besoin de l’immigration, immigrés qui s’entassent dans des logements
    S’interrogent-ils des conditions de vie des femmes de ménage parisiennes ou des dur métiers du BTP?
    Non, Déconnectés comme la macronie ou les melanchonistes des tracas du français moyens.

  4. Il y a patron et Patron. Ceux qui gèrent des entreprise qui font du travail et ceux qui gèrent des fonds pour du rendement. On ne doit pas les mettre dans le même sac. Les Banksters sont riches et méprisables . . . . voir Macron par ex.

  5. On se demande si ce sont les cours du marché qui les préoccupent ou l’état de désindustrialisation de la France ? Parce qu’il faudrait aussi inviter les patrons qui ont fermé boutique à cause des décisions politiques économiques catastrophiques qui n’ont rien à voir avec le RN . Comme vous le soulignez bien, monsieur Baudriller, certains patrons sont dans l’instanté et le pragmatisme du bénéfice immédiat, alors q’un pays se gère sur le long terme . Il veulent, d’une part, du migrant pas cher, pour faire de la marge sur le coût du travail, et de l’immigré régulier pour la consommation intérieure, qui ne rapportera rien à la France, mais aggravera encore plus le déficit de la balance commerciale. Mais ils se foutent pas mal de tout le reste. Et tout le reste c’est la dette sociale exponentielle , ce sont les problèmes liés à cette mondialisation qui veut faire croire que les peuples sont interchangeables , l’insécurité ,les mafias donc la corruption, et au bout la guerre civile? Une société ne se gère pas au doigt mouillé comme une start up nation, mais par un équilibre précaire entre économie et social qui demande à tous les acteurs de la société, le sens de la negociation qui amène le compromis , une mobilisation de tous les instants et un sens des responsabilités au service de l’intérêt général . Et c’est à ces conditions que la liberté peut exister sinon c’est le chaos et la guerre civile . Et les vrais extrêmistes où sont ils ? Ce sont ceux qui ne veulent pas de limite à l’immigration, et ceux qui vivent de cette immigration pour garder leurs mandats politiques locaux.. Et visiblement les places sont bonnes, pour tomber dans de telles compromissions, qu’elles poussent certains de gauche à devenir carrément antisémites .

  6. Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu le patron du MEDEF dénoncer la délirante transition écologique qui a pourtant déjà coûté des milliards d’euros et de nombreux emplois à notre industrie. Alors que nos constructeurs automobiles fabriquaient des moteurs diesel très performants, ils n’en proposent quasiment plus, puisque les ZFE vont les interdire. Qu’en pense monsieur Martin ?
    Il n’a pas un mot à dire sur les milliards de subventions perçues par les entreprises qui en ont le moins besoin, pas plus qu’il n’a dénoncé la mise en place des arrêts de travail en libre service pendant la crise sanitaire.

  7. Les patrons veulent bien se gaver mais sans se mouiller . De toutes les façons là France est devenue un pays de donneurs de leçons. Chacun se fera une opinion au moment de voter.

  8. « Car les pressions politiques sont fortes sur les patrons » Tout au moins sur ceux qui vivent de commandes publiques, et ils sont de plus en plus nombreux quand le régime devient totalitaire.

  9. Que les patrons, les gros, à défaut de se remplir les poches, fassent tourner leurs usines et ne s’occupent pas de nous dire pour qui voter.

  10. Cet exercice est humiliant, et les rôles sont inversés. C’est au MEDEF d’être convoqué par le futur premier ministre pour être auditionné et ainsi bâtir un programme économique qui ne soit pas en opposition avec les priorités de la France et des entreprises. Il y avait beaucoup de moral et de dédain et d’arrogance dans le micro trottoir vu suite à ces auditions. Heureusement, nombre de chefs d’entreprise ne sont pas syndiqués, et parmi eux ceux que je fréquente au quotidien dans mon métiers, nous trouvons des électeurs RN et reconquête, car ils s’assimilent au déclassement des classes moyennes.

  11. Il y a le grands patrons, rares, milliardaires qui bénéficient du soutien de la macronie. Les soucis des petits patrons n’ont rien à voir avec ces derniers : les grands patrons ont pour principal souci de planquer leur pognon et de le faire fructifier au mieux, pendant que les petits patrons s’arrachent les cheveux, comme le Français de base, pour savoir comment ils vont boucler leur fin de mois et payer leurs salariés.

  12. Il faut pas tenir compte des patrons , des gros en tous cas , ils ne cherchent qu à empocher plus , peut leur importe l’avenir ce ceux qu ils dépouillent en achetant au moins cher à l’étranger pour faire plus de marge, pour eux l’argent n a pas d odeur ils vendraient père et mère pour en gagner encore plus, c est le la qu il faut éliminer et mettre à leur place des gestions qui répartissent le fruit du travail

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