Bayrou et Borne réforment les concours de profs, mais seront-ils là dans trois mois ?

Une réforme nécessaire, mais sans cesse ajournée au gré des errances de la Macronie (dissolution, valse des ministres).
Capture d'écran X Gouvernement
Capture d'écran X Gouvernement

Gouverner, c'est prévoir, et, sous cet angle, la France est un pays mal gouverné. Dans les trois domaines vitaux de l'enseignement, de la médecine et de la défense, nos gouvernements sont incapables, depuis trente ans, de recruter suffisamment de ces professionnels indispensables à l'avenir d'une nation. Numerus clausus ici, fermeture de régiments là, pour cause de « perception des dividendes de la paix », réforme de la formation des enseignants, enfin.

En finir avec la réforme Macron de 2021

La dernière, qui a achevé de tarir le vivier des candidats, ne date que de... 2021, dans les grandes heures du macronisme : M. Blanquer déplaça les concours à bac + 5, en fin de master. Résultat : une chute du nombre des candidats de 45 % dans le premier degré et de 21 % dans le second, débouchant sur une pénurie historique d'enseignants. Bayrou et Borne, qui sont venus présenter leur réforme de la réforme, ce vendredi, dans une école de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) durant la semaine des écrits du CAPES, ne se sont pas gênés pour rappeler ce triste bilan de Macron. Tout professionnel de terrain en contact, comme moi, avec ces courageux étudiants qui s'engagent dans ces fameux MEEF (masters métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) pour préparer qui le CRPE (concours de professeur des écoles), qui un CAPES (concours du second degré), ne peut que constater l'absurdité d'un système où les étudiants doivent, en même temps, préparer les épreuves du concours, faire des stages sur le terrain, rédiger moult mémoires et rapports et passer les examens de master. Le rapatriement du concours à bac + 3 devenait indispensable.

Des concours à bac + 3 et une rémunération incitative

Les annonces faites, vendredi, par Bayrou et Borne reprennent celles de Macron, d'Attal et de Belloubet de l'an dernier, qui étaient restées lettre morte avec la dissolution et l'absence de budget durant des mois. Pour les professeurs des écoles sera créée une licence spécifique LPE pour préparer le concours à bac + 3. Des concours qui redeviennent disciplinaires, et débarrassés de la didactique : c'est une bonne chose. Pour tous les lauréats aux concours du premier comme du second degré, une rémunération de 1.400 euros nets la première année et de 1.800 la deuxième, en échange d'un engagement de quatre ans. De quoi regonfler le vivier de candidats, vu les réactions de mes étudiants (et de mes enfants !). C'est précisément l'objectif.

Une réforme et des inconnues

Si toutes ces dispositions sont bienvenues, la réforme soulève tout de même plusieurs questions. D'abord, son calendrier : avec ces annonces fin mars, les universités et les INSPÉ vont devoir, dans l'urgence, revoir leurs maquettes pour créer ces nouvelles licences. Tout le monde est pris de court, y compris les étudiants postulant en master et les lycéens sur Parcoursup où, de facto, elles n'apparaissent pas. Ensuite, la question du niveau est bien réelle : où sera mis le curseur à bac + 3, quand on connaît le niveau en français et en maths d'un étudiant de licence lambda ? Et puis, bien qu'elle soit nécessaire et attendue, reste l'inconnue de l'accueil qui sera réservé à la réforme : les professionnels chargés de la mettre en œuvre ont déjà été échaudés, l'an dernier. Ils l'avaient préparée dans l'urgence, avant de tout redéfaire durant l'été, ne voyant rien venir. Or, Bayrou et Borne sont-ils davantage assurés de durer qu'Attal et Belloubet ? Ils préparent les rentrées de 2026 à 2028, mais ils ne seront peut-être plus là, dès la sortie des classes 2025... En tout cas, ce n'est pas sur ce dossier-là qu'ils devraient subir la censure, tant cette réforme de bon sens est devenue indispensable.

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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

35 commentaires

  1. « M. Blanquer déplaça les concours à bac + 5, en fin de master. Résultat : une chute du nombre des candidats de 45 % dans le premier degré et de 21 % dans le second, débouchant sur une pénurie historique d’enseignants. […] Pour les professeurs des écoles sera créée une licence spécifique LPE pour préparer le concours à bac + 3. »

    Ouf, ils se sont rendu compte qu’au sortir de la terminale, même avec le BAC la plupart ne savaient ni lire, ni écrire, ni compter couramment et pensaient que la Guyane était une île, par exemple, tout en parlant le globish !

    D’un autre côté, ce n’est pas certain qu’ils aient fait des progrès après 3 à 5 années d’études supplémentaires.

    • Malheureusement, il y aura toujours des éoliennes dans les Ministères. Personnalité, culture et instruction générale sont devenues rarissimes aujourd’hui, vu le niveau de ceux qui prétendent à ces postes ou par un concours de circonstances ont atteint ledit poste au grand dam des citoyens.

  2. Au delà du niveau bas des profs dans les disciplines qu’ils sont sensés enseigner, la pédagogie manque cruellement. Vouloir et savoir comment transmettre du savoir à l’élève est crucial. La formation des profs devra être axée sur le bagage et la pédagogie. Un prof avec un déficit dans l’un ou l’autre domaine produira un élève très loin du standard requis.

  3. Non, mais on rigole. 1400€ nets la première année (Smicards à vos marques partez. Mieux que ça fuyez) et 1800€ nets la deuxième année. Une misère quand on sait qu’aujourd’hui pour vivre et je dis vivre et non bien vivre, il faut au minimum 2000€ pour un métier solide et perçus hors métropole. L’enseignement demande de l’énergie et du courage avec les marmots d’aujourd’hui. Je ne crois pas qu’il y aura du monde au portillon. C’est niet! Je prévois la réponse d’avance.

  4. Dans un cahier d’élève de CE1, j’ai pu constater que le professeur des écoles remplaçant avait écrit ceci dans la marge: « Tu a mal tracer. » Deux fautes énormes dans une phrase simple de quatre mots!!! Ce prof n’était pas immigré, mais Français de souche, donc aucune excuse… Et c’était vers 1990-1995, il y a trente ans! Voilà le résultat des réformes post-soixante-huit (plus d’analyse grammaticale, d’exercices d’orthographe, de dictées).

  5. rantanplan et le pouvoir en 8 années c’est 158 ministres, dont 9 ministres de la santé, éducation nationale 7 ministres, et collectivités territoriales 6 ministres, 3 ministères qui sont dans les plus importants, santé, éducation, territorial (la France profonde, voir les gueux c’est selon). Pour l’éducation où Borne nous a dit d’entrée de jeu « je n’y connais rien » et elle veut réformer, quand à Bayrou qui n’est là que grace à sa longévité de mendiant politique, que voulez vous que la France fasse de ces 2 là ?

    • LES neutraliser « démocratiquement » ! … SAUF qu’il faudrait que les médias soient suffisamment honnêtes pour rappeler le « passif » de cette caste de coucous dont borne et bayron sont les exemples mêmes de ce qu’il y a de pire « en marche » depuis des dizaines et des dizaines d’années ! …

  6. Il me semble une fois encore, que la direction prise est un assemblage politico syndicaliste.
    Le recrutement ne doit pas être concentré sur des personnes dont les expériences de vie ne leur permettent pas d’affronter réellement des enfants dont ils sont à peine plus âgés. Il y a suffisamment de personnes à la recherche d’un travail, dont les compétences, les savoir faire et l’expérience de vie, associés à une formation idoine, arriveraient à être exemplaires face à une jeunesse en demande. Il y a nombre d’ancien militaire; blessés ou pas, qui font preuves d’une connaissance de la vie, des gestions de crise, de l’humain dans ce qu’il de pire mais de mieux aussi, dont l’entrain et la volonté, seraient une aubaine dans le cadre de l’enseignement de tous niveaux. Un nombre important de jeunes ont besoin d’exemples, pas forcément de héros, non, d’adultes exemplaires.
    Un de mes vieux chef disait: » Le chef, c’est celui à côté duquel on vient se placer avant même qu’il est ouvert la bouche ».

    • A mon époque pour passer le CAPES, une licence suffisait, mais en pratique il fallait une maitrise (un an de plus) dans la plupart des universités, plus une année de préparation intensive au concours et un an de stage si réussite.
      Ceci dit, le taux de réussite était de 6,5% de réussite, dans ma matière en 1977.

    • Je me sens « visé » par la description des « profs » que vous souhaitez de vos vœux ! …
      Je vous invite à me « faire voir  » comment vous feriez VOUS ! …
      C’est comme pour aller « faire l’effort de guerre » POUR l’Ukraine ! … Que macron aille en « première ligne » avec son fric MAIS pas avec le mien ! …

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