Benjamin Cauchy : « Les gilets jaunes sont en train d’influer sur la vie politique du pays »

Dans un restaurant du centre-ville de Toulouse, Benjamin Cauchy, un des porte-parole des gilets jaunes, répond aux questions de Boulevard Voltaire. Il est question des motivations, des revendications, des moyens d'action et de l'organisation du mouvement de contestation. La manifestation de Paris s'annonce comme l'acte II de la révolte des gilets jaunes.

Entretien réalisé par Nicolas Boutin.

J’ai 38 ans, je suis toulousain et l’un des portes-parole des gilets jaunes. Je me suis engagé car je me suis senti concerné à titre personnel. Cette hausse du carburant n’est tout simplement pas possible. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Nous sommes exsangues de taxes et, pour autant, il y a moins de service public. On sent vraiment une désertification rurale.
Nous avons trois grandes revendications.
La première est, au-delà de l’arrêt de la hausse des taxes sur le carburant, de mettre en place des états généraux de la fiscalité de manière à tout rebalayer et d’aller chercher l’argent là où il le faut. On peut citer, notamment, les 80 milliards d’euros d’évasion fiscale qui partent tous les ans à l’étranger. Nous ne sommes pas contre la transition écologique, nous sommes pour une écologie d’adhésion et non une écologie de punition.
Le deuxième point est la revalorisation des bas salaires. Sur un salaire de 1.100, 1.200 euros, plus de 50 % du revenu partent dans la voiture. Les gens ne s’en sortent plus.
Troisième point de notre revendication, comme je vous le disais en préambule, repenser l’aménagement du territoire et une répartition juste et équitable, sur l’ensemble du territoire français, de l’économie et des services publics.
Il y a donc trois points. Un, la fiscalité. Deux, la revalorisation des bas salaires. Et trois, un aménagement du territoire cohérent.

Jusqu’où êtes-vous prêts à aller dans les actions ?

C’est une mobilisation inédite. C’est une mobilisation citoyenne qui est non pas apolitique mais transpolitique. Cela veut dire qu’on couvre tout le spectre politique. Il est assez épatant de noter qu’autour de ces trois revendications, tout le monde se retrouve.
Les syndicats et les partis politiques sont censés être les corps intermédiaires représentatifs de la population. Soit ils ont été au pouvoir et n’ont rien fait. Soit ils ont déjà négocié, mais n’ont jamais rien obtenu. Maintenant, je crois qu’il va quand même falloir laisser la place aux gilets jaunes à leurs côtés pour négocier.
La spontanéité et l’horizontalité de ce mouvement citoyen font sa force. Que va devenir ce mouvement dans la durée ? Il y a une légitimité à se poser la question d’une organisation plus formelle. Mais rien n’est figé. Ce mouvement peut très bien s’éteindre dans quelques semaines si cet élan populaire nous a permis de mettre sur la table nos revendications et de pouvoir changer les choses. On est en train d’influer fortement sur la vie politique du pays. Si, demain, nous attendons satisfaction, eh bien, le mouvement s’éteindra certainement. Au moment venu, s’il faut qu’il redémarre, il redémarrera.
Que le sujet soit déjà posé sur la table, il me semble que c’est plutôt bien parti. La mobilisation ne s’essouffle pas. Elle a pris des formes différentes depuis samedi. Évidemment, notre satisfaction sera d’obtenir de grandes avancées sociales.
La pression est forte, en ce moment. Si les citoyens et les gilets jaunes ont décidé de faire des actions, notamment sur les centrales logistiques et sur les dépôts de carburant, c’est pour que le téléphone de Matignon sonne plus vite et que les syndicats de la grande distribution, mais aussi Total et Esso, appellent Matignon en disant : « Il va falloir faire quelque chose, parce que vous êtes sérieusement en train de bloquer l’économie et nos recettes. » Voilà pourquoi nous avons fait cela.
Nous n’avons pas envie d’embêter les citoyens. Nous sommes nous-mêmes des citoyens. Nous essayons de trouver des lieux de rassemblement qui sont au profit du pouvoir d’achat.
Sont davantage concernées la France périphérique et la France rurale. Elles se sentent abandonnées et pas écoutées. C’est de la responsabilité du gouvernement de rapidement nous entendre pour éviter qu’il ait à porter des incidents supplémentaires sur sa conscience.

Benjamin Cauchy
Benjamin Cauchy
Porte-parole de Debout la France

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