Bernard Cazeneuve et Édouard Philippe déjà franchement en campagne : un signe ?

bernard cazeneuve

Bientôt la fin des « Cent Jours » pour Élisabeth Borne. Et l'on ne sait toujours pas quel lapin Emmanuel Macron va sortir de son chapeau pour Matignon le 14 juillet... Gabriel Attal ? Julien Denormandie ? Avec un accord LR ? Et curieusement, cette incertitude pour Matignon en génère une autre, pour l'Élysée. 2027 est loin, et pourtant, des anciens de Matignon sont déjà sérieusement en campagne. Bernard Cazeneuve et Édouard Philippe peuvent légitimement prétendre à devenir les héritiers du macronisme : ils l'ont préparé ou accompagné, chacun, depuis son PS ou son UMP d'origine, a fait un chemin vers le centre opposé, tous deux dégagent une sérénité techno susceptible de rassurer les retraités orphelins de Macron. Avec une élégance ou un classicisme qui mettrait fin à l'encanaillement que cet électorat s'était octroyé avec ce garnement immature nommé Macron. Chacun a son petit mouvement et peut légitimement espérer récupérer et recycler les débris du macronisme en phase terminale. Ajoutés aux ruines des vieilles maisons PS ou LR, cela peut faire l'affaire. Avec l'appui des médias et de l'appareil d'État, cela peut même vous amener à l'Élysée.

Donc, ce week-end, Bernard Cazeneuve a lancé sa campagne. Créteil, deux mille personnes, le ban et l'arrière-ban de la gauche socialiste hors NUPES, et même l'encombrant François Hollande, dernier Président socialiste. Ses ambitions ? Bernard Cazeneuve voit une « avenue large, pour ne pas dire un boulevard ». Est-il sérieux ? Après tout, avec le repoussoir NUPES et les électeurs orphelins de Macron, tout est possible, surtout quand la qualification pour le second tour se joue autour de 20 %. Mais bon, le vent souffle plutôt à droite.

Et c'est donc son frère siamois Édouard Philippe qui a une longueur d'avance. Surtout depuis qu'il s'est radicalisé sur l'immigration, avec la crédibilité que l'on sait. Ce samedi, à Bordeaux, il est revenu à du plus classique, de la pure langue de bois Bayrou des années 80 : l'école est le chantier « le plus important et le plus urgent », il faut bâtir « une école du XXIe siècle ». Sauf que le XXIe siècle est quand même bien entamé, et bien mal parti, pour l'école comme pour l'immigration, et si nos deux ex-Premiers ministres ne sont pas responsables de tous nos maux, ils y ont consciencieusement apporté leur pierre. Fin du quinquennat Hollande, 2015-2017 : attentats islamistes les plus meurtriers. Début du quinquennat Macron, 2017-2020 : le Covid et ses attestations. Certes, on n'ira pas voter en 2027 avec son manuel d'Histoire, mais il se peut que les Français aient un peu de mémoire.

Et sinon, leurs chances électorales ? Ils peuvent facilement doubler les scores d'Hidalgo et de Pécresse, oui : 7-8 %. Mais alors, pourquoi ce remue-ménage prématuré ? D'abord, il traduit le retour à un certain émiettement des partis comme sous la IVe. Entre le conglomérat NUPES, les groupuscules de gauche hors NUPES, ceux de la majorité présidentielle, les LR, la future Assemblée devrait connaître un morcellement comparable. À l'heure des majorités relatives ou introuvables, il est important d'exister. Regardez le poids actuel des 60 députés LR, qui tiennent l'avenir du gouvernement dans leurs mains.

Ensuite, il se pourrait que 2027 soit plus proche que prévu. Ligoté par son absence de majorité, Emmanuel Macron pourrait être tenté de sortir de l'impasse par une démission. Et une nouvelle candidature ! C'était l'hypothèse défendue par l'ancien garde des Sceaux Urvoas, en novembre dernier. Certes, plusieurs constitutionnalistes avaient protesté contre ce qui serait un dévoiement de la Constitution et de son article 6 : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » Et la chose ne serait possible qu'avec l'aval du Conseil constitutionnel.

Et les deux mandats d'Emmanuel Macron se sont justement caractérisés par des dévoiements sans précédent de la Constitution et par une instrumentalisation politique inédite du Conseil constitutionnel. Alors, pourquoi pas un cran supplémentaire ? On ne peut écarter non plus une démission sans nouvelle candidature. Bernard Cazeneuve et Édouard Philippe ont bien raison de se lancer dès maintenant. Tout comme les candidats plus crédibles qu'eux.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

43 commentaires

  1. MM. Hollande, Cazeneuve et Philippe arrivent à forcer l’admiration car ils n’ont honte de rien et nous rejouent « un jour sans fin » ad vitam eternam !

  2. L’un c’est « charybe » l’autre « scylla » ! N’oublions pas les 80 Km/h de ce pauvre edouard !

  3. « récupérer et recycler les débris du macronisme en phase terminale. Ajoutés aux ruines des vieilles maisons PS ou LR, cela peut faire l’affaire. Avec l’appui des médias et de l’appareil d’État, cela peut même vous amener à l’Élysée. » C’est là le drame de ce régime : la confiscation du vote par le pouvoir, le rendant ainsi inutile et multipliant les abstentions. Prochaine étape : suppression du droit de vote personnel après deux abstentions. Instauration d’une présidence héréditaire. Bienvenue en Corée du Nord.

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