Bernard Cazeneuve, une sorte de président du Conseil, façon IVe République

Capture d’écran © France 24
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Le suspense devient insoutenable : la France aura-t-elle un Premier ministre, dans les jours à venir ? La question mobilise davantage les journalistes que la majorité des Français, mais le nom de Bernard Cazeneuve tourne aujourd’hui en boucle.

Notre homme, probablement promis à un CDD, a déjà été Premier ministre par intérim, du 5 décembre 2016 au 15 mai 2017 ; soit cinq mois d’exercice, battant ainsi le record d’Édith Cresson avec seulement un peu plus de dix mois au compteur.

Bernard Cazeneuve, sa vie, son œuvre, son bilan

Son bilan est donc léger. La seule mesure notoire consiste à donner une plus grande latitude aux forces de l’ordre quant à l’usage de leurs armes, en cas du désormais fameux « refus d’obtempérer », dans le cadre de la loi dite de « sécurité publique », adoptée en février 2017. Dans la foulée, Cazeneuve doit gérer la crise guyanaise, territoire français ultramarin, un avant-goût de celle qui continue de frapper Mayotte et la Nouvelle-Calédonie. Il tente alors de régler la question à coups de centaines de millions d’euros. Sans résultat probant, objectera-t-on.

C’est peu ? C’est tout. Mais en six mois, que faire de pire ou de mieux ? Pourtant, voilà qui suffit à attirer sur cet homme de centre gauche l’opprobre de la gauche de la gauche. Laquelle a déjà fait savoir que sa nomination à Matignon serait une sorte de casus belli. Pas pour son mince passé de Premier ministre, mais plutôt pour son passage comme ministre de l’Intérieur.

Haro sur le baudet !

C’est Jérémie Rochas, journaliste à StreetPress, qui ouvre le bal : « S’il faut le rappeler, Bernard Cazeneuve a été à l’initiative d’une des plus violentes opérations d’expulsion de bidonvilles de ces dernières années. En 2016 à Calais, quelques (sic) 10.000 réfugiés étaient chassés de leurs abris de fortune sous la menace du gaz lacrymogène. »

Il est vrai que c’est aussi lors de son passage à Matignon qu’est mort le jeune Rémi Fraisse, activiste écologiste, accidentellement tué par une grenade offensive, lors des manifestations du 26 octobre 2014 contre la construction du barrage de Sivens, dans le Tarn. De quoi échauffer encore des esprits de gauche déjà portés à incandescence.

Pour tout arranger, le principal intéressé est encore place Beauvau quand survient la mort d’Adama Traoré. Il préfère alors manifester son soutien aux forces de l’ordre plutôt qu’à la famille du défunt.

Voilà pour le volet sécuritaire. Son bilan social n’a rien, non plus, qui puisse attirer les faveurs des Insoumis : l’affaire Whirlpool, cette usine fermée à Amiens, malgré ses dénégations d’alors, a laissé des traces. C’est la tendance des amis de François Ruffin qui s’y colle : « Cazeneuve a enterré Whirlpool Amiens en se couchant devant l’actionnaire. Non merci. »

Après les lampistes, les têtes d’affiche, parmi lesquelles Clémentine Autain, se dressent : « Je suis une militante acharnée du Nouveau Front populaire, arrivé en tête des élections. Lucie Castets doit être la première (sic) ministre. La nomination de Bernard Cazeneuve ou de tout profil politique similaire mènera à la même politique que nous connaissons depuis 7 ans. Nous ne pouvons l’accepter. » Puis Aymeric Caron : « Il serait pour le moins cocasse, voire irrationnel, que Cazeneuve soit nommé grâce au succès d’une coalition qu’il a dénoncée. Qui représenterait-il, à part lui-même et son ami Macron ? »

Bernard Cazneuve lepéno-compatible ?

Pour une fois, on ne saurait donner tout à fait tort aux mélenchonistes, Bernard Cazeneuve n’ayant cessé de leur démontrer son hostilité. Ainsi signe-t-il une tribune commune publiée dans Le Monde où il déclare qu'« il ne votera ni pour le Rassemblement national ni pour La France insoumise, renvoyant les deux mouvances politiques dos à dos » et considérant qu’il s’agit d’un « enfermement politique entre les deux extrêmes ».

Bref, entre lui et le NFP en général et LFI en particulier, ce n’est pas le grand amour. Le seul à lui trouver quelques qualités ? François Bayrou voit dans Cazeneuve le « portrait-robot » d’un possible Premier ministre. C’est peu. Surtout venant d’un homme persuadé qu’il existe des Français susceptibles de l’écouter. Pour autant, le Béarnais n’a pas fondamentalement tort, sachant que celui qui fut Premier ministre sous François Hollande est l’un des rares à pouvoir satisfaire à peu près tout le monde. Les Insoumis n’en veulent pas, mais ils ne pèsent que 71 sièges au Parlement. Pour le reste, il est à peu près lepéno-compatible, peut s’entendre avec ses anciens amis socialistes ou ses collègues républicains tout en ne se fâchant pas plus que ça avec les écologistes. Soit une sorte de président du Conseil, façon Quatrième République…

C’était bien la peine qu’Emmanuel Macron en appelle à un monde nouveau pour, finalement, renouer avec celui d’avant, dont Bernard Cazeneuve demeure, à son corps plus ou moins défendant, l’une des figures les plus emblématiques. À croire qu'Antoine Pinay et Raymond Barre n’étaient pas disponibles pour le poste en question...

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

34 commentaires

  1. La France est à droite pourquoi lui mettre un socialiste, je n’ai rien de particulier contre Mr Caseneuve mais il est socialiste près de Macron et hollandiste ; moi je verrai bien le maire de Nice, il est compétent et je pense honnête et, de droite comme ce pays. hamon.

  2. C’est peut être l’homme de la situation ,en tout cas le moins mauvais de tous ceux dont le nom a été publié à l’exception de David Lisnard maire de Cannes.

  3. C’est la valse des noms, assortie du tourbillon des pronostic et des « analyses » de combinaisons. Dans cette panade, il ne reste déjà plus que dix mois avant la dissolution: qui veut se commettre comme intérimaire à Matignon, uniquement pour sauver Macron? Tous veulent sauver les postes, car de la France ils de fichent. Au moins, dans tout ça, il est un partie qui ne doit rien à personne: le RN est totalement libre de voter toute censure, et pourquoi se gênerait-il, en dépit des appels « à être responsable », lancés par les déjà responsables de la situation actuelle?

  4. Pinay, Barre, n’oubliez pas edgar faure, l’ancien, pas l’actuel socialiste ! Edgar aurait vraiment plu à macron

  5. Personne n’ose, mais si nous proposions le petit François, il est docile, respectueux de la nature, il aime les femmes, il se déplace en vespa, et non pas en jet privé, il a tout pour plaire !

  6. Ce n’est pas lui qui va endiguer l’immigration qui nous submerge , et il sera en accord avec Macron et avec von der Leyen . Il va aussi continuer d’ignorer les problèmes posés par l’islamisme , des centaines de morts et de blessés ces dernières années dans des attentats islamistes en France , ce doit être un détail .

  7. Équipé de son chapeau à plume et de son loden chasseur vert-de-gris !
    La gauche socialiste fait les fonds de tiroirs.
    C’est le Muppet Show dans la gauche élargie pour trouver une caricature afin de squatter Matignon sans pourtant avoir de majorité individuelle.

  8. Cazeneuve, on l’a déjà vu et revu… Suffisamment en tout cas pour ne pas souhaiter le retour de ce triste personnage.

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