Bien sûr, le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique

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Invitée, sur le plateau de CNews, au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Immigration, Maud Bregeon, députée des Hauts-de-Seine, en bon petit soldat de la Macronie, affirme comme une vérité indiscutable : « Le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique. » Il fait quoi, alors, du tricot ? Non, mais, à l’évidence, du détricotage.

Entre gouvernement et Conseil constitutionnel, il n'y a plus rien

Darmanin a beau fanfaronner en insistant, avec la finesse qu’on lui connaît, sur le fait que le texte qui ressort de la rue Montpensier est « l’intégralité du texte du gouvernement », la loi votée par une majorité de députés (dont, faut-il le rappeler, l’écrasante majorité des députés de la majorité présidentielle) ressemble désormais plus à une serpillière qu’à un gilet (on renvoie nos lecteurs au film Le père Noël est une ordure…). Au passage, le ministre de l’Intérieur saisit-il toute l’incongruité de ses propos ? Que doit-on comprendre, en creux ? Que la représentation nationale compte pour du beurre, qu’entre gouvernement et Conseil constitutionnel, il n’y a plus rien, du moins pas grand-chose. En effet, le gouvernement présente un texte au Parlement. L’Assemblée nationale rejette le texte du gouvernement à la surprise générale, puis vote un texte largement modifié après un passage en commission mixte paritaire et, au final - pirouette, cacahuète -, c’est le texte gouvernemental qui sort du chapeau. Ce n’est pas du détricotage, c’est de la prestidigitation. On dit chapeau, l’artiste !

Mais, on est bien d’accord, « le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique ». Sur les neuf membres de cette institution, on compte tout de même quatre anciens ministres, dont deux ex-Premiers, et un ancien sénateur. On imagine qu’après plus de quarante ans de vie politique, sans pratiquement aucune interruption dans le cursus honorum, un Laurent Fabius ou un Alain Juppé ont pu laisser, comme ça, du jour au lendemain, au vestiaire du Conseil constitutionnel, leurs oripeaux et cerveaux de politicien pour se draper dans la toge impeccable du juge constitutionnel. Que l’homme de l’« identité heureuse », regrettant trente ans après ses propos au bon temps du RPR qui fleureraient bon aujourd’hui leurs relents d’extrême droite, a fait abstraction de toute idéologie pour faire une lecture strictement juridique du texte de loi. Oui.

D’ailleurs, « qui siège au Conseil constitutionnel ? », demande la députée macroniste Maud Bregeon. Réponse de la même députée : « Des femmes et des hommes de grande qualité, qui viennent de la gauche, qui viennent de la droite. » C'est bien la preuve. « On parle de Laurent Fabius, on pourrait parler d’Alain Juppé, qui jugent en droit », nous dit la dame. Pas de n'importe qui, hein ! Des personnes connues et reconnues. Incontestables. Qui jugent en droit, peut-être, mais qui, sans doute, ne vont pas déjuger la politique qu’ils ont menée à tour de rôle en matière d’immigration pendant quarante ans. Donc, circulez, il n’y a rien à voir.

Nous n’avons pas la prétention d’avoir la science de ces « juges », mais avouons tout de même notre étonnement. En effet, plus du tiers des articles ont été jugés comme étant des « cavaliers législatifs », c'est-à-dire sans rapport avec la loi initiale. D'où censure. Or, ce même Conseil constitutionnel, l’an passé, lorsqu’il avait eu à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi sur la réforme des retraites, n’avait rien eu à redire sur le fait que pour porter cette réforme importante, le gouvernement avait utilisé une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Un véhicule législatif considéré à l’époque par certains spécialistes de droit constitutionnel comme plutôt... cavalier. Mais à part ça, « le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique ».

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

63 commentaires

  1. Quelle image laissera Fabius dans l’histoire de la Vème République ?
    En dehors du fait qu’il fut « le plus jeune premier ministre » socialiste ?
    Mitterrand aura laissé une série dramatique d’hommes et de femmes politiques, qui sont les sparadraps dont la France est incapable de se défaire, et qui coûte à celle-ci « un pognon de dingue » au sens propre comme au figuré.
    Si le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique, alors Saint Laurent n’est pas un martyr de l’Église.

  2. Quel culot a cette bande de bons à rien. Vraiment si les français n’ouvrent pas les yeux c’est qu’ils sont encore plus idiots (je suis polie) que le plus idiot.

  3. Cher colonel, vos commentaires sont toujours magnifiques ! Merci ! Il est certain que le Conseil constitutionnel ne fait pas de politique. Il rend juste des services à qui en a nommé les membres (PR, Ass. nat. et Sénat) !
    Lorsque j’ai défendu Emmanuelle Ménard, élue députée en 2017, sur la contestation électorale dont elle était l’objet, la requérante LREM n’avait joint à son recours aucune pièce à son appui. Or, pour être recevable, un recours en contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel doit comporter dès le départ toutes les pièces venant à son appui. Faute de l’avoir fait, le recours était irrecevable mais le Conseil constitutionnel ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a refusé de déclarer irrecevable le recours mais il l’a finalement rejeté comme étant non fondé ! La requérante s’était par la suite ingéniée à insérer par copié-collé dans ses mémoires les pièces qu’elle aurait dû produire dès son recours, ce qui est tout simplement illégal et aurait dû déclencher immédiatement l’irrecevabilité du recours en annulation. De ce jour-là, j’en suis arrivé à la conclusion que le Conseil constitutionnel fait bel et bien de la politique ! Emmanuelle Ménard vous le confirmera ! Me Pierre Bonfils

    • Ne s’agirait-il pas de faux en écriture ? Car rajouter des pièces après coup sur des documents déjà fournis au Conseil me semble pour le moins douteux…

  4. Question subsidiaire : une loi peut-elle être promulguée à distance et en particulier d’un autre pays, cela est constitutionnel ?

  5. Bien sûr qu’il fait de la politique; et il ne fait même que ça. Lorsque la cour de Karlsruhe – son équivalent allemand – passe toutes les lois de Bruxelles pour vérifier si elles sont compatibles avec l’Allemagne, quitte à les REJETER, le Conseil Constitutionnel n’opère JAMAIS de telles vérifications et validations. La cour allemande est faite de juristes, le Conseil français est fait de copains.

  6. Situation extraordinaire qui permet incontestablement de considérer que désormais, dans les faits, la France n’a plus de Parlement. Avec l’utilisation systématique du 49-3, Élisabeth Borne, sur ordre de Macron, interdisait les débats à l’Assemblée nationale. Dorénavant le Président n’a plus besoin de se fatiguer. Grâce à la forfaiture des membres non élus de la bande de Fabius qui réduisent le travail parlementaire à néant, il va pouvoir déposer ses projets de loi directement entre les mains du Conseil constitutionnel. Devenu définitivement le véritable législateur de notre pays. La prochaine fois, pour faire passer les commandes du MEDEF (loi travail, loi retraite et importation de main-d’œuvre à bas coût), Macron déposera directement son projet dans la boîte aux lettres de Laurent Fabius.

    Parmi les missions de Macron, figurait celle d’une démolition méthodique des institutions républicaines. À coups de multiplication de lois liberticides, de répression massive des mouvements sociaux, de généralisation de la corruption au sommet de l’État, de manipulations politiques, Emmanuel Macron poursuit l’installation d’un système autoritaire qui n’a plus grand-chose à voir avec une république parlementaire. Le Conseil constitutionnel vient à sa demande de signer le permis d’inhumer du Parlement français. Amen.

    • Et l’objectif est de détruire toute possibilité pour les Français de réagir et d’imposer une dictature européenne puisque les membres de l’exécutif européen ne sont pas élus. Il il espère se placer favorablement dans cet édifice… L’anti-Français par excellence, le traitre à la nation !

  7. « Sur les neuf membres de cette institution, on compte tout de même quatre anciens ministres, dont deux ex-Premiers, et un ancien sénateur. » et vous auriez pu ajouter, mon colonel, deux condamnés. Dont un dans le droit fil de la macronie jugé « responsable mais pas coupable » ce qui augure qu’un jour l’actuel « Garde des sceaux » pourrait y avoir sa place ayant été jugé « coupable mais non responsable ».

  8. Comme s’il était possible de croire que Juppé Fabius et collègues étaient devenus de grands spécialistes du droit, n’en n’ayant jamais eu le cursus universitaire. Non, le CC ne devrait être composé que de juristes expérimentés, se cantonnant à la complexité du droit pur. Alors, si Fabius se dit préoccupé de la défiance envers l’institution, nous nous disons préoccupés par le rôle politique que s’est accaparée au fil du temps cette institution, qui n’apparaît plus que comme une assemblée de « copains », spécialisée dans le « renvoi d’ascenseur ». Au point qu’elle ne critique ou ne rejette JAMAIS aucune décision de l’UE qui nous lamine. Une réforme du CC est essentielle.

    • je vous envoie à Beaumarchais : »il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint » il faut quand même espérer qu’ils ont de professionnels pour les conseillers, quoi que pour être de mauvaise foi on ait besoin de personne

  9. Le Conseil Constitutionnel ne fait pas de la politique ? il est le miroir de l’éducation nationale, les textes sont préparés par l’exécutif, les parlementaires planchent et les sages de cette haute instance effectuent les corrections, on appelle çà un examen tout simplement . Ne prenons pas les français pour des « perdreaux de l’année » , Emmanuel Macron savait d’avance que le sort de cette loi était scellé , avant même qu’elle soit validée il en appelait au Conseil Constitutionnel , se déchargeant de cet épineux dossier auprès des inquisiteurs du droit.

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