Blanquer est vraiment le grand sophiste de la Macronie

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La nouvelle est tombée cette semaine, dans l'indifférence ou l'incrédulité : Jean-Michel Blanquer a cosigné une déclaration « visant à renforcer la coopération européenne autour du latin et du grec ancien » avec ses homologues italien, chypriote et grec. Pour une Europe à 28 et une cause qui ne mange pas de pain, cela fait peu. Et que dit cette déclaration ? Des banalités. Et des bêtises. Des banalités sur ces disciplines qui « permettent de développer les savoirs fondamentaux et les outils amenant à la réflexion et à la compréhension synthétique du monde et de la société modernes, à l’esprit critique et au recul nécessaires à l’émancipation des élèves ». Les bêtises ? Nos ministres se veulent « soucieux de construire, par les ponts entre les peuples que constituent la latinité et l’hellénisme, un nouvel axe structurant et un nouvel élan culturel dans la construction de l’espace européen de l’éducation » et veulent « créer une dynamique globale autour de projets communs nouveaux, ouverts vers tous les publics et toutes les voies de formation, dans une démarche inclusive et en phase avec les aspects les plus modernes et les plus innovants de la civilisation contemporaine ».

Jean-Michel Blanquer réussit le tour de force, dans son interview au Point, avec la complaisance ravie de Christophe Onot-dit-Biot, de placer cette initiative de fin de règne sous le signe de la lutte contre le « wokisme » tout en parlant « inclusif ». Jean-Michel Blanquer est bien ce grand sophiste du « en même temps » et de la Macronie. Il n'a négligé aucun des poncifs idéologiques pour trousser sa défense du latin et du grec qui, dans la précampagne du Président sortant, peut toujours ramasser quelques voix chez les retraités lecteurs du Point. L'hebdo a même titré avec cette phrase digne du marxisme des seventies : « La culture ne doit pas être associée aux privilèges d’une élite. »

Faut-il rappeler que le bilan de Jean-Michel Blanquer, après la catastrophe Vallaud-Belkacem, n'est guère reluisant sur la question des langues anciennes ? Effondrement du nombre de postes et de candidats au CAPES de lettres classiques (qui n'existe d'ailleurs plus et qui n'est qu'une « option » du CAPES de lettres), chute historique des effectifs en lycée avec la réforme Blanquer du bac. Un rapport de l'Inspection générale indique qu'en cette rentrée 2021, le nombre d'hellénistes a baissé de 28 % et celui des latinistes de 13 %. Qui dit mieux ? La mise à mort du latin et du grec vient de loin et s'accélère. À ce stade, l'extinction n'est plus qu'une question d'années, en France. Elle est l'un des multiples symptômes de l'effondrement du pays, du grand bradage de son passé, de ses « acquis ». Et, comme toujours, les responsables en sont la gauche idéologique et la droite soi-disant gestionnaire, dont M. Blanquer est l'un des ultimes avatars.

Ce n'est donc pas avec ce genre d'initiatives que même François Bayrou n'aurait osé proposer que la France inversera la tendance, mais avec le retour d'une filière classique élitiste et attractive, avec du latin et du grec obligatoires si l'on veut poursuivre des études de lettres, de langues, d'histoire, de philosophie, de sciences politiques. Et même de journalisme ! Et optionnels et valorisants dans les autres filières. Et, donc, avec une politique courageuse de recrutements. D'ailleurs, personne n'est plus dupe de ces déclarations de M. Blanquer, à l'image de Florence Dupont, latiniste, helléniste et universitaire française, interrogée par France Culture : « La situation n'est pas exactement celle qu'il décrit : il n'y a pas de profs de latin et de grec, parce que les postes ont été supprimés, en particulier à l'université en grec et en latin. Donc, il faudrait doubler ces postes à la fois dans le supérieur et le secondaire et, alors, nous croirons ces déclarations. » Mais voilà : depuis des décennies, on en détruit en latin et en grec pour en créer dix fois plus en FLE [français langue étrangère, NDLR], en gender studies, en arts du cirque et en communication ! Disciplines absolument indispensables au grand sabordage.

En fait, la défense Blanquer du latin et du grec pèche par son conformisme idéologique moderne. Et dépassé. Ce n'est pas un hasard si l'une des stars de son colloque est l'helléniste italien Maurizio Bettini, auteur d'un très contestable Contre les racines. C'est le même reproche que l'on pourrait faire à Andrea Marcolongo, auteur du best-seller à la gloire du grec La Langue géniale. Reproche d'ailleurs parfaitement formulé, dès février 2019, dans une chronique du Figaro intitulée : « Encore un effort pour être antique. » Son auteur ? Un certain Éric Zemmour.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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