Boualem Sansal condamné : « Il faut assumer le bras de fer » avec l’Algérie

Pour l'avocat de Boualem Sansal, « la condamnation d’un écrivain innocent trahit le sens même du mot justice ».
@BV
@BV

Cinq ans de prison ferme et 3.500 euros d’amende, c’est la sentence finale prononcée à l’encontre de Boualem Sansal par le tribunal algérien de Dar El Beida. La riposte graduée et la confiance d’Emmanuel Macron en la « clairvoyance » de Tebboune pour la libération de Sansal ne semblent pas, pour l'instant, avoir sauvé l’écrivain des geôles algériennes. Le parquet algérien avait requis dix ans d’emprisonnement. L’écrivain franco-algérien, fervent opposant à l’islamisme, était poursuivi pour atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays. Maître François Zimeray, avocat de l'écrivain, a réagi auprès de BV : pour lui, cette sentence, c'est « la condamnation d’un écrivain innocent qui trahit le sens même du mot justice ». Il poursuit : « Une détention cruelle, vingt minutes d’audience, une défense interdite et, au final, cinq ans de prison pour écrivain innocent : une sentence qui trahit le sens même du mot justice. » L’avocat du prévenu n’a pas pu être aux côtés de son client, puisque sa demande de visa a été refusée par deux fois.

Les relations entre Alger et Paris compliquent les négociations

Gérard Guibilato, économiste et ancien cadre dirigeant d’une grande école, membre et administrateur du Cercle algérianiste national, affirme que cette condamnation n’a rien d’étonnant. En effet, selon lui, condamner Boualem Sansal à dix ans de prison ferme revenait à le condamner à mort, compte tenu de son âge. De plus, une peine aussi lourde aurait provoqué une mobilisation encore plus forte, aussi bien en France qu’à l’étranger. D’autre part, le libérer purement et simplement aurait été reconnaitre que l’embastiller depuis le mois de novembre n’avait pas de sens.

Cette condamnation intervient au cœur d’une crise diplomatique entre la France et l’Algérie, ce qui rend les négociations pour la libération bien délicates. La France semble ne pas oser hausser le ton, face à l’Algérie. Dans cette dynamique, Emmanuel Macron avait demandé au gouvernement algérien la libération prompte de l’écrivain, tout en indiquant avoir confiance dans la « clairvoyance » d’Abdelmadjid Tebboune « pour savoir que tout ça [les accusations à l’égard de Boualem Sansal ] n’est pas sérieux ». Cette confiance s’est soldée par une condamnation ferme à l’égard d’un homme âgé de 80 ans et atteint d’un cancer.

Suzy Simon-Nicaise, la présidente du Cercle algérianiste national, confiait, il y a quelques jours, à BV : « Pour moi, si la diplomatie française s’était activée, on aurait vu des signes. Je suis intimement persuadée qu’on fait le minimum. » Gérard Guibilato, de son côté, ajoute : « La France ne sait pas trop quelle carte il convient de jouer : la carte de la force ou celle de la diplomatie. On voit bien que jusqu’à présent, cette carte de la diplomatie n’a pas fonctionné, puisqu’elle aboutit à un verdict qui est totalement inique, pour des raisons humanitaires et de fond. » Il est difficile de savoir ce que fait la diplomatie française, qui est secrète sur ces sujets de négociations. « On ne sait pas si elle s’est déployée comme elle aurait dû » déclare-t-il. Les relations entre Paris et Alger rendent ce coup de force dangereux. Cependant Gérard Guibilato affirme que si la diplomatie ne fonctionne pas, « il faut assumer le bras de fer ».

Macron compte sur l'humanité des autorités algériennes

Pour Gérard Guibilato, « Boualem Sansal est l’otage d’enjeux divers géopolitiques qui dépassent sa personne ». Il est l’otage d’une situation globale, relative au changement de position de la France par rapport à la « marocanité du Sahara occidental » et tous les contentieux qui se s'accumulent depuis cette déclaration d’Emmanuel Macron, en juillet dernier.

Outre cet aspect, il est un otage dont le prix a augmenté, car sa cause permet aux Algériens de se fédérer à nouveau autour du régime grâce au procès d’un homme qu’on accuse de menacer les intérêts de leur pays. La France sera-t-elle capable d'engager un réel rapport de force contre l'Algérie ou se contentera-t-elle encore d'une riposte graduée dont les effets sont encore questionnables ? On a déjà une petite idée, à travers la réaction d'Emmanuel Macron à cette condamnation. En conférence de presse, à l'issue du sommet sur l'Ukraine, il a appelé les « plus hautes autorités algériennes » à prendre des décisions « humaines et humanitaires », ajoutant : « Je sais pouvoir compter sur, à la fois, le bon sens et l’humanité des autorités algériennes pour prendre une telle décision. »

Picture of Raphaelle Claisse
Raphaelle Claisse
Journaliste stagiaire à BV. Etudiante école de journalisme.

Vos commentaires

55 commentaires

  1. Que faut-il faire pour le libérer ? Envoyer un commando ? S’il le faut, dans d’autres circonstances, cela s’est déjà fait. Il en va de la vie d’un homme. Je ne vois pas d’autre solution. Quand on veut, on peut. Basta!!!

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Cette augmentation des cambriolages devrait inquiéter ceux qui se croient à l’abri
Marc Baudriller sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois