Boualem Sansal : la France doit exiger la libération du Soljénitsyne algérien

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Brutale, l’arrestation de Boualem Sansal inquiète bien au-delà des frontières de l’Algérie et remet la lumière sur la nature du régime d'Abdelmadjid Tebboune. L’écrivain algérien, ancien enseignant, chef d’entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l’industrie en Algérie était surtout un opposant infatigable : il a été arrêté par la police algérienne et serait actuellement emprisonné, selon ses proches cités par le magazine Marianne. Il ne donnait plus de nouvelles depuis son arrivée en Algérie le 16 novembre. On ne sait rien à l’heure où nous publions, des raisons évoquées par le régime ni des conditions ou du lieu de sa détention.

Agé de 75 ans, cet intellectuel brillant, reconnaissable à ses cheveux longs, écrivait en français des romans et des essais loués en France mais largement censurés en Algérie. Il avait obtenu le Grand prix du roman de l’Académie française en 2015 pour son livre 2084 : la fin du monde (Gallimard).

"Pouvoir mafieux"

C’est un ami et grand admirateur de la France que l’Algérie vient d’embastiller. Un adversaire résolu, surtout, de l’islamisme, ami de Boulevard Voltaire qui l’a souvent interviewé, admirant sa clarté, l’acuité de ses analyses et son grand courage. Le 28 septembre dernier, il confiait à Gabrielle Cluzel, dans la foulée de la publication de son essai, Le français, parlons-en !, aux Éditions du Cerf. Un plaidoyer pour la langue française qui fut selon lui « la langue de la puissance, de la liberté, de la beauté, de la connaissance, de la diplomatie, de la révolution universelle, de la séduction, de l’art de vivre dans la légèreté ».

Boualem Sansal ne mâchait pas ses mots : « Le pouvoir algérien est un pouvoir mafieux », martelait-il, il le comparait à la mafia. « C’est devenu une oligarchie mafieuse ». Il racontait comment « les islamistes et arabistes » avaient « travaillé vingt ans dans l’ombre. Il est arrivé ce qui est en train de vous pendre au nez et qui va arriver, c’est que (les Islamistes) se sont révélés un jour bien plus nombreux que nous (les Algériens francophones), bien plus efficaces que nous et ils ont pris le pouvoir et ils nous ont chassés ». Il dénonçait aussi la stratégie d'entrisme de l’islam en France et son discours sur « l’Islam des lumières », et considérait la France comme « cernée de tous les côtés ».

En octobre 2022, toujours auprès de BV, Boualem Sansal mettait déjà les points sur les i, à propos du poids de l’islam sur les questions sociétales. « Le véritable ennemi de la femme est l’islam, qu’elles sont par ailleurs les premières à défendre, mais il est aussi et surtout l’homme, qui par ailleurs aime tant être le bras séculier de l’islam pour les punir ».

Dans son combat, Boualem Sansal prend désormais des allures de Soljenitsyne de l’islamisme, d’une immense lucidité. « L’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus, disait-il à BV en 2022. Il est définitivement implanté en France et en Europe, à la fois comme islam de France et d’Europe, protégé par les lois de la République et de la Commission, et comme islam en France, protégé par la oumma mondiale et les États musulmans qui, maintenant, disposent de tous les moyens pour châtier les contrevenants ». Cet islam, « à mon avis, il sera salafiste et possiblement dangereux si on lui refuse la reconnaissance de l’islam comme religion d’État, l’annulation des lois en faveur de l’homosexualité, de l’adoption, etc. »

BV ne laissera pas tomber Boualem Sansal

Avant de se brouiller avec le pouvoir algérien en reconnaissant au Maroc ses droits sur le Sahara occidental, la France de Macron aura déroulé le tapis rouge envers ceux qui font aujourd’hui peser sur Boualem Sansal un risque vital. En aout 2022, Emmanuel Macron avait eu des mots touchants à l’endroit du régime algérien : « (...) Nous avons la même conviction qu'au fond, la relation n'est pas simplement une relation bilatérale comme les autres. C'est une relation d'intimité profonde. » Elisabeth Borne avait enchaîné sur le même ton quelques semaines plus tard, en octobre, lors d’un voyage où elle était accompagnée de la moitié du gouvernement français. Mais la France, qui avait pourtant multiplié les concessions sur l’histoire et la mémoire de la guerre d’Algérie, n’avait rien obtenu, ni gaz, ni bonne volonté pour la reprise des nombreux OQTF en souffrance.

Chez lui, le pouvoir algérien n’avait rien changé de ses habitudes musclées vis-à-vis des médias. Le 23 décembre, le patron de deux médias libres hors influence du pouvoir, Radio M et le site d’information Maghreb émergent, était arrêté à son domicile et embarqué pour une perquisition au siège de ses médias, menottes aux poignets. Aucune explication, des locaux placés sous scellés. On ne change rien aux pratiques qui gagnent.

Mais cette fois, l’Algérie s’en prend à un ami de la France, connu, apprécié, lu, couronné de prix dans notre pays. La France se grandirait en tapant du poing sur la table, pour une fois. BV en tous cas ne laissera pas oublier ce grand écrivain ami.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Oui Boualem Sansal a raison le gouvernement FLN est un gouvernement de mafieux qui engrange via le Qatar ou a une époque la Suisse sur des fonds de corruption des plus opaques ce pays plus gangrené que l’Ukraine les élites qui font parti des mêmes familles se partagent le gâteau du pétrole du gaz et laissent aux peuples les graines routes immeubles voie ferrée port dans un total abandon mais ils disent que c’est la fautes à la France……

  2. « A moins que ne soient à l’œuvre un groupe de meneurs ambitieux résolus à établir par la force et par la terreur leur dictature totalitaire et croyant pouvoir obtenir qu’un jour la République leur accorde le privilège de traiter avec eux du destin de l’Algérie, les bâtissant par là même comme gouvernement Algérien.  »
    Voilà ! La République a traité avec eux, la République a cédé et les meneurs ambitieux sont toujours là plus de 60 ans après.
    Cette pénible affaire de Boualem Sansal résume tout. Il n’y a ni racisme, ni islamophobie : Boualem Sansal est notre ami et tous les Français peuvent être les amis de ses coreligionnaires pour peu qu’ils respectent leur Pays, leurs Lois, leur culture et leur langue, leur mode de vie.
    Mais en Algérie, c’est l’islamisme qui dicte ses lois au monde musulman, et c’est un pouvoir mafieux qui s’est installé et impose son pouvoir d’une main de fer.

  3. Il se trouve que la France ne peut plus rien exiger du tout, à force de baisser notre pantalon, devant les assassins du FLN, qui ont ruiné à leur profit, l’Algérie autrefois si prospère; je me pose encore la question comment se fait-il que Boualem Sansal, soit encore vivant et « libre » dans ce pays ou il ne fait pas bon être contestataire.

  4. Le peuple algérien dans sa grande majorité ne sait que frapper les plus faibles lorsqu’ils sont à terre , jusqu’à achever leurs victimes physiquement ou psychologiquement , et cet écrivain en est la preuve la plus flagrante , il a dénoncé cet islamisme qui gangrène ce pays et seul contre tous il a subi la loi de ses opposants . Là dessus vient se greffer l’énorme absurdité de M. Macron qui a rendu hommage à ce terroriste du FLN et jusqu’à déposer une gerbe de fleurs pour commémorer les martyres de la guerre
    d’ algérie. Une HONTE pour notre pays surtout en regard de la position des autorités algériennes , et une manière de soumission de notre pays face à cet islamisme conquérant.

  5. Bonjour M. Baudriller, merci de vous joindre au combat courageux mais bien trop isolé de ces lanceurs d’alerte intellectuels tel M. Sansal contre l’obscurantisme islamiste conquérant face auquel nos dirigeants, indignes ici du suffrage universel, détournent pudiquement le regard et, pire, se font les hérauts du pouvoir totalitaire algérien.
    Mais pourquoi donc avoir rédigé toute la première partie de votre article au mode imparfait ? Ça a comme un faux air de début de nécrologie…

  6. Cette action des mafieux qui dirigent l’Algérie ,est tout simplement scandaleuse et traduit 60 ans de soumission de l’état français à ses voyous, qui à part piller les richesses de ce pays sont incapables de faire le bien et le bonheur des algériens.
    Par expérience vécu pour avoir travaillé chez eux , je peux affirmer que ceux qui servent bien ce régime sont bien logés, et pas dans les cités de banlieue, mais dans les beaux quartiers de la Capitale 5 eme et 16 eme arrondissement.
    Cette honte ne doit être porté que par un seul le roitelet Macron , qui par ces déclarations sur la colonisation a joué contre la Nation.

  7. Quand comprendrons nous qu’il n’y a plus rien à gagner avec le gouvernement de l’Algérie, lequel s’appuie sur ses lamentations pour écraser son peuple ? Couper les ponts avec ce pays serait le mieux à faire ainsi arrêter les visas, ne serait-ce que pendant quelques mois, le ferait sans doute réfléchir, et stopper tout transfert d’argent le priverait sans doute des abus sociaux dont il profite. Nous sommes en droit d’attendre un grand courage de la part de nos dirigeants.

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