Boualem Sansal : un esprit libre emprisonné, attaqué… mais soutenu

Capture écran LCP sur YouTube
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Les réactions sont nombreuses après l’arrestation le 16 novembre en Algérie de Boualem Sansal. En attendant des précisions sur sa situation, pour l’instant très floue, l’écrivain franco-algérien a reçu des soutiens appuyés venus de milieux divers. Le président de l'Académie Goncourt, l'écrivain Philippe Claudel, a jugé sur France info « très inquiétant » le silence autour de la disparition de Boualem Sansal. Le Prix Goncourt Kamel Daoud a publié un texte signé par plusieurs Prix Nobel de littérature pour exiger la libération de Boualem Sansal, Grand prix de l’Académie française en 2015 pour 2024, la fin d’un monde : « Exigeons la libération immédiate de Boualem Sansal et de tous les écrivains emprisonnés pour leurs idées », lance Kamel Daoud. Parmi les signataires figurent les Prix Nobel de littérature Annie Ernaux, Jean-Marie Le Clezio, Orhan Pamuk et Wole Soyinka, ainsi que d’autres auteurs connus, comme Salman Rushdie, Sylvain Tesson et même Bernard-Henri Lévy.

Côté politique, Emmanuel Macron s’est dit « très inquiet », et Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et des luttes contre les discriminations, a ajouté que « le gouvernement a déjà évoqué sa grande préoccupation […] : ce sujet est évidemment suivi avec la plus grande attention par mes collègues et par le Premier ministre. » Moins par la ministre de la Cuture... Rachida Dati n’a pas jugé bon de réagir pour l’instant.

L’avocat de l’écrivain, François Zimeray (ancien ambassadeur de France au Danemark) est resté lui aussi prudent : « L'arrestation d'un écrivain pour ses opinions porte toujours atteinte aux libertés fondamentales […] Nous serons vigilants quant au respect de son droit au procès équitable, conformément aux engagements internationaux souscrits par l'Algérie. » Un ton qui tranche sur la violence des attaques d’Alger. Pour l'agence de presse officielle algérienne APS, la France prend « la défense d'un négationniste qui remet en cause l'existence, l'indépendance, l'histoire, la souveraineté et les frontières de l'Algérie ». Une référence à l'appui manifesté par Paris au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental fin juillet. L'agence APS qualifie Boualem Sansal de « pantin utile ».

Stora et Moussa jettent de l’huile sur le feu

En France, si les soutiens avaient commencé à affluer dans le calme, l’animateur Thomas Snégaroff s’est chargé de faire monter la tension dimanche dernier sur le plateau de C politique (France 5). Pour le docteur en sciences politiques Nadjib Sidi Moussa, considérer que Boualem Sansal « défend les grandes causes », c’est « se tromper complètement ». Sansal reprendrait les thèses d’Éric Zemmour en tenant un discours « hostile aux immigrés et aux musulmans ». Quant aux soutiens de Sansal, « militants des droits de l’homme, militants anti-racistes et intellectuels du milieu culturel parisien », ils seraient « aveugles ou complices ». Ce qui a fait bondir François-Xavier Bellamy (LR) sur X : « Benjamin Stora et Nedjib Sidi Moussa attaquent longuement Boualem Sansal, coupable d’avoir « blessé le sentiment national » (algérien, sinon ce n’était pas grave). Le service public lance le réquisitoire d’un écrivain français arrêté par une dictature. Indécent. »

Soutiens nombreux à droite, beaucoup moins à gauche

La droite est unanime sur la ligne de défense de l'écrivain algérien. La députée du Rassemblement national et porte-parole du groupe RN à l’Assemblée nationale Laure Lavalette estime que « le régime d’Alger semble adresser une réponse aux “gages” mensuels d’Emmanuel Macron. Tout doit être fait pour obtenir la libération et la mise en sécurité de Boualem Sansal. »

Chez Reconquête, Éric Zemmour considère que son « ami [...] est un authentique combattant de la liberté. » Au nom du groupe Europe des Nations Souveraines (ENS), la député européenne Sarah Knafo a quant à elle proposé aux députés européens, « l’ajout d’un débat lors de la session plénière de la semaine prochaine [d’une] demande de libération immédiate. » Pour Marion Maréchal, présidente d’Identité-Libertés : « Il n’a jamais plié devant le régime d’Alger, il n’a jamais cessé d’alerter sur le danger de l’islamisme. » Enfin, Eric Ciotti (Union des droites pour la République) a assuré l’écrivain de son « total soutien [et en appelle] au président de la République et au premier ministre. » Des marques de soutien sont également venues de la LR Valérie Pécresse, mais aussi des centristes, et notamment d'Edouard Philippe et de Christian Estrosi chez Horizon. A gauche, la liste est plus courte : Au PS, pour le député de l’Essonne Jérôme Guedj, « une voix libre ne peut être muselée. » Quant à la sénatrice Laurence Rossignol, elle estime que c’est « un de nos ressortissants qui serait retenu pour délit d’opinion en Algérie. » Michaël Delafosse, maire PS de Montpellier, tranche aussi sur le mutisme à gauche : « Aucune censure d’artiste, d’auteur ne peut ne peut être acceptée. Sa parole libre est précieuse, nous devons pouvoir l’entendre, vite. La France ne peut être silencieuse ». C’est à peu près tout : Rien de la part de Fabien Roussel, de Sandrine Rousseau, de Jean-Luc Mélenchon et des insoumis, à l’exception d’Alexis Corbière, aujourd’hui marginalisé.

Un comité de soutien international

Les médias ne sont pas en reste. Le Figaro s'est mobilisé immédiatement. Et comme l’a confirmé son rédacteur en chef Arnaud Benedetti à BV, la Revue politique et parlementaire a décidé de créer un Comité de soutien à Boualem Sansal, membre du Comité scientifique de la publication. « Ce comité international, dont la présidence a été confiée à Catherine Camus, la fille d’Albert Camus, sera composé de personnalités diverses issues des milieux politique, intellectuel, journalistique, culturel et artistique, explique Arnaud Benedetti. Une première liste va être très bientôt publiée, et sera étoffée dans les jours à venir. Je ne suis pas naïf et sais très bien que cette initiative ne suffira pas à obtenir une libération, mais nous voulons montrer qu’il y a des gens qui n’acceptent pas qu’une figure de la littérature, et qui plus est français, soit incarcérée arbitrairement par un régime qui ne respecte pas les droits élémentaires de la personne humaine. Nous voulons aussi montrer aux pouvoirs publics que nous sommes mobilisés afin de les inciter à agir pour une solution heureuse à cette affaire. » S’il a des ennemis, Boualem Sansal a aussi des amis, dont la rédaction de BV s’honore de faire partie.

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