Bras de fer américano-russe autour des S-400 livrés à la Turquie
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En septembre 2017, les Turcs ont signé avec la Russie l’acquisition de missiles antiaériens S-400. Le montant du marché était de 2,5 milliards de dollars et il devrait trouver sa conclusion dans les prochains jours. Les médias turcs ont, en effet, annoncé l’imminence de la livraison, ce qu’Erdoğan a confirmé : « Les S-400 arriveront par avion. Ne me demandez pas la date. »
Les Américains sont, naturellement, très en colère et multiplient les pressions sur la Turquie pour la contraindre de renoncer à cette acquisition de haute valeur symbolique. Le Congrès prépare des sanctions économiques, les pilotes turcs ne peuvent déjà plus s’entraîner sur les bases américaines et la Turquie sera exclue du programme de construction de la dernière génération des chasseurs furtifs américains, les F-35.
Les pressions sont très fortes car une telle acquisition auprès du concurrent russe (ennemi, même, pour le Congrès) représenterait un tournant spectaculaire dans la diplomatie turque. La Turquie est un pilier fondamental de l’OTAN depuis son adhésion en 1952. Les Américains y ont plusieurs bases qui ont beaucoup servi lors des agressions contre l’Irak et la Serbie. Au-delà du symbole, il y a aussi un problème de sécurité : les Américains craignent que les radars des S-400, très performants, puissent percer les secrets du F-35. Une aubaine pour les Russes.
Les Américains ont donc donné jusqu’au 31 juillet à la Turquie pour qu’elle renonce à l’installation, sur son sol, des S-400 russes.
Trump, comme d’habitude, souffle le chaud et le froid. Il tempête un jour et minimise le lendemain. À Osaka, lors de la récente réunion du G20, Trump et Erdoğan ont discuté de tout cela et le président américain s’est montré confiant sur une solution apaisée. Erdoğan n’a pas vraiment confirmé mais il s’est dit certain de ne pas subir de sanctions. Celles-ci seraient particulièrement malvenues alors que l’économie turque souffre beaucoup. La lassitude s’est emparée de la population et cela a coûté la mairie d’Istamboul au parti d’Erdoğan.
Ce dernier prend donc des risques, mais c’est une façon de faire payer aux Américains leur attitude de ces dernières années, et avant tout le soutien aux Kurdes. Le Pentagone s’est appuyé sur les combattants kurdes en Syrie (leur seul allié) pour être les fantassins de la lutte contre Daech. Les Kurdes en ont profité pour développer une autonomie sans précédent dans le nord de la Syrie, sous protection de l’armée américaine. Cela a, bien sûr, provoqué l’ire d’Erdoğan, pour qui la lutte contre les Kurdes est une priorité absolue. De plus, lors de la tentative de coup d’État contre le pouvoir turc en juillet 2016, c’est la Russie qui a alerté Erdoğan, tandis que les États-Unis l’appelaient au respect des droits de l’homme… Cela non plus n’a pas été oublié.
En position de force, Poutine ne dit rien. Les prochains jours seront décisifs, mais si les Turcs vont jusqu’au bout, ce serait un tournant important dans le jeu des alliances.
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