Bravo, M. le Président, pour avoir énoncé ce poncif que les élus doivent être exemplaires !

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Nous sommes dans une ère où les élus doivent être exemplaires, a déclaré le président de la République annonçant son renoncement à sa future retraite de plus de 6.000 euros bruts.

Cette évidence démocratique qu'il a formulée peut-elle, aujourd'hui, convaincre le pays et redonner du lustre à un pouvoir qui, sur le plan de la morale publique, n'a pas brillé ?

Je n'irais pas suspecter le Président d'une malignité démagogique aujourd'hui au prétexte que, durant plus de deux ans, cette exigence éthique, qu'elle se soit rapportée à son cercle proche ou à ses ministres - si j'exclus Jean-Paul Delevoye, ils ont été tout de même sept à devoir partir avant l'heure -, a été le cadet de ses soucis et le nouveau monde promis un monde médiocrement traditionnel avec, en définitive, plus d'ombres que de lumières.

Je crains, refusant pourtant la politique du pire, que cette pétition de principe d'Emmanuel Macron n'ait pas le moindre effet sur ses opposants, aucune incidence sur tous ceux qui sont persuadés que les politiques sont pourris et que la République est un trop beau concept pour être laissé à la seule disposition des professionnels de la chose publique.

Quel dommage que chez ce Président tout survienne à contretemps, par exemple sur l'obligatoire écoute des Français, sur la considération des gilets jaunes, sur l'exemplarité des élus, et la sienne propre, après tant de pratiques contraires validées ou acceptées !

Quand Emmanuel Macron incite les grévistes à respecter Noël, les fêtes de famille et à favoriser une trêve, sa parole non seulement est frappée d'une systématique défiance, sauf auprès de son socle dur qui ne lui assure plus, si on en croit quelques prévisions, un succès garanti face au RN, mais elle est contredite vigoureusement, battue en brèche par ceux, irréductibles syndicalistes, qui la tiennent pour rien.

Combien de fois ai-je entendu de leur part la réplique qu'eux aussi avaient des familles et allaient souffrir d'une grève qu'ils avaient décidé de mener et de faire durer pour tous ! L'argument est habile mais ne me semble pas décisif et plutôt spécieux. Au risque de me faire agonir, je perçois dans la lutte syndicale jusqu'au-boutiste - celle de la CGT, par exemple - surajoutée à la cause revendicatrice une volonté obscure de manifester sa puissance intrinsèque en créant le plus d'incommodités possibles pour le maximum de Français !

Puis-je aussi avouer que je trouve le Président trop habile, et trop évolutif, avec son art opportuniste du verbe, pour accorder crédit, par principe, à ce qu'il dit aujourd'hui, qu'il n'avait pas affirmé hier et qu'il ne proférerait peut-être plus demain ?

Je relève sur un tout autre plan qu'en Afrique, le Président a encore défini le colonialisme comme « une faute de la République ». Difficile de ne pas admettre, au moins pour partie, la validité de ce constat mais l'honnêteté aurait commandé de la compléter, de l'enrichir et de la relativiser !

Alors, bravo, Monsieur le Président, pour avoir énoncé ce poncif que les élus doivent être exemplaires !

Dit trop tard, serez-vous cru ?

Saurez-vous, dorénavant, faire des exemples avec ceux qui n'auraient pas compris votre injonction d'aujourd'hui et le refus, pour demain, de votre retraite ?

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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