Un brevet de respect des femmes ?

Pour lutter contre les violences faites aux femmes, des pétitionnaires avaient demandé au gouvernement des mesures à destination des jeunes, pour leur apprendre le respect des femmes.

Parmi les mesures proposées, un « module » obligatoire de sensibilisation à la violence faite aux femmes au collège, sur le modèle du BSR (brevet de sécurité routière) nécessaire pour conduire un scooter, notamment. Le département de Seine-Saint-Denis vient de se porter volontaire auprès du ministre de l’Éducation nationale pour expérimenter un tel module.

Le fait que ce soit la Seine-Saint-Denis qui se propose de mettre en place cette mesure n’est pas anodin. Bien que l’on ait pointé, à juste titre, le comportement inadmissible de certains mâles blancs de plus de 50 ans, on sait que la plupart des violences et des harcèlements dont les femmes sont victimes proviennent d’hommes plutôt jeunes et de culture musulmane. C’est que l’idée que les femmes sont aussi dignes de respect que les hommes n’est pas familière à cette culture. On peut, de ce fait, douter de l’efficacité d’un tel dispositif pour des jeunes qui vivront le contraire de ce qu’on leur dira dans leur famille et qui n’ont pas plus de respect pour l’école que pour les femmes.

Mais le projet est aussi symptomatique d’une société malade qui demande à l’État de s’occuper de tout, y compris de la bonne éducation des jeunes. Éducation qui incombe en premier lieu aux familles. Mais le développement de l’assistanat, le discours qui en permanence met l’accent sur les droits en oubliant qu’il y a aussi des devoirs, l’infantilisation du citoyen à qui l’État fait en permanence la morale s’il ne conduit pas correctement, s’il ne mange pas bien, s’il ne pense pas comme il faut, ont habitué les Français, de vieille souche comme de souche plus récente, à se tourner vers l’État pour savoir que faire, que dire ou que penser.

Que l’école soit au centre de l’action de l’État pour tenter de formater les esprits n’est pas étonnant : dès le départ, Jules Ferry l’a conçue comme un instrument pour fabriquer de bons républicains. Mais au moins voulait-il que ce combat passe par l’instruction, c’est-à-dire la transmission de connaissances, l’acquisition par les petits Français d’une culture commune. Car il considérait que l’adhésion à la République passait par la diffusion de l’usage de la raison (rêve kantien). Ici, il n’est pas question de savoirs, ni de savoir-faire : l’État a renoncé à exiger les efforts que leur acquisition demande. Il n’est pas question, non plus, de transmettre des valeurs qui seraient constitutives de notre société, la bien-pensance ayant décrété que toutes les valeurs sont égales et qu’en imposer certaines était réactionnaire, colonialiste, raciste voire fasciste.

Le rôle de l’école est avant tout d’instruire les élèves, de les amener, dans l’idéal, à penser par eux-mêmes. C’est ambitieux et difficile, mais c’est en le faisant qu’elle participe au maintien de la société. On ne peut pas lui demander de résoudre tous les problèmes de celle-ci. En particulier quand la médiocrité des médias (Hanouna), l’exacerbation du consumérisme (le « Black Friday »), la rapacité des oligopoles financiers (les « Paradise Papers »), l’oubli de l’intérêt commun par ceux-là mêmes qui devraient le défendre (les multiples affaires politico-financières) montrent l’inverse de ce qu’on demande à l’école de transmettre.

Pierre Van Ommeslaeghe
Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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