Bruno Gollnisch : « Il y a un risque de fracture du camp patriote »

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Sans langue de bois ni faux-semblant, Bruno Gollnisch livre ici son avis de « lepénologue ». L'ex-numéro deux du FN et ancien concurrent de Marine Le Pen à la présidence du parti en 2011 livre son analyse sur la campagne de Marine Le Pen mais aussi sur la candidature d'Éric Zemmour et les velléités de Marion Maréchal.

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Vous êtes un ancien numéro deux du Front National devenu Rassemblement National. Marine Le Pen est pour l’instant la principale opposante à Emmanuel Macron, les sondages sont serrés, quel regard portez-vous sur cette campagne ?

Elle fait une bonne campagne, sincèrement et ce n’est pas de la langue de bois. J’ai eu parfois des désaccords avec Marine Le Pen sur un certain nombre de points, j’ai contesté tel ou tel aspect, mais là il me semble qu’elle fait une bonne campagne, elle la fait à fond. C’est une performance physique, sans doute aussi pour tous les candidats qui prennent au sérieux leur propre candidature. Elle va d’une réunion, à une conférence de presse, puis à un rendez-vous avec les représentants des milieux économiques. Hier je déjeunais avec elle chez l’ambassadeur du Japon qui nous recevait avec quelques-uns des diplomates de l’ambassade, c’était extrêmement intéressant.

Pendant cinq ans on nous a vendu le duel Macron Le Pen. On pouvait s’attendre à ce que Marine Le Pen accède au second tour sans trop d’enjeux jusqu'à la candidature d'Eric Zemmour.

Elle ne s’est pas endormie sur ses lauriers mais sa campagne imprimait moins que celle d’Éric Zemmour. Que les médias soient hostiles ou favorables, ils étaient beaucoup plus centrés sur la campagne d’Éric Zemmour. C’est indiscutable. Éric Zemmour était une personnalité médiatique, il avait sur CNews six ou sept cents mille téléspectateurs tous les jours. Je lui avais dit que s’il choisissait d’être candidat à la présidence de la République - je lui déconseillais de se lancer en politique à cette occasion-  il perdrait sa tribune avant d’être diabolisé. Ça n’a pas traîné, dans les trois semaines, il a été débarqué de CNews. C’est un journaliste, un homme de média et sa candidature était nouvelle dans la campagne présidentielle. Par conséquent, les médias se sont précipités dessus, d’autant plus que ses ennemis lui ont fait involontairement de la publicité. Lorsqu’il y a des incidents durant un meeting électoral, ça fait du média. Sauf qu’on lui a fait porter la responsabilité. J’ai bien connu cela, deux réunions sur trois que nous faisions avec Jean-Marie Le Pen, étaient physiquement agressées par les mêmes voyous qui ne sont pas inquiétés. Monsieur Darmanin devrait regarder de ce côté-là.

Avec la candidature d’Eric Zemmour, Marine Le Pen a été largement dédiabolisée.

C’est un effet secondaire, de cette concurrence que je trouve regrettable. En effet, elle divise les voix nationales. C’est une évidence, elle les divise à un point tel qu’il y a un risque que Madame Pécresse, qui est l’expression d’une formation politique moribonde mais qui recolle les morceaux à la hâte, batte la famille nationale, c’est-à-dire ceux qui partagent nos convictions sur la nécessité d’inverser le courant migratoire, maintenir l’identité française et récupérer des éléments de notre souveraineté à l’Union européenne, qui devient une machine totalitaire. Tous ceux qui partagent nos convictions, et pas seulement Éric Zemmour, il y a également Monsieur Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, Philippot etc. Je déplore ces divisions qui risquent d’avoir des conséquences regrettables.

 Marine Le Pen n'est-elle pas en train de subir un « supplice chinois » avec les récentes défections ?

Je ne crois pas que cela aura de l’importance dans l’électorat. Je trouve cela désagréable, c’est certain. J’ai eu parfois des désaccords avec Marine Le Pen, je lui ai encore rédigé plusieurs notes de recommandations qu’elle suivra ou pas, des critiques et des propositions. Mais quand le navire tangue, personnellement, ça me prédispose plutôt à rester sur le bord. C’est peut-être mon honneur d’ancien officier de marine réserviste et aujourd’hui honoraire. Monsieur Peltier est passé par beaucoup de paroisses, il a été au Front National puis il l’a quitté pour le MNR de Bruno Mégret puis le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers puis les Républicains et a soutenu Xavier Bertrand, et maintenant Éric Zemmour. C’est son choix.

Gilbert Collard et Jérôme Rivière devaient directement leurs fonctions de parlementaires européens au choix de Marine Le Pen. Ce ne sont pas des personnalités qui avaient travaillé à construire ce mouvement en apportant leur pierre à l’édifice, comme je m’honore de l’avoir fait. Personnellement, je ne dois rien à Marine Le Pen. Je ne lui demande pas de satisfecit.

Vous aviez affronté Marine Le Pen à la présidence du parti…

Oui, je pensais que j’avais telle ou telle qualité, en proportion plus importante qu’elle, mais je reconnais qu’elle a des qualités considérables. Elle a de la détermination, elle est courageuse et a une vision assez claire. Je pense que nous payons peut-être le fait d’avoir été moins visibles sur certains thèmes importants qui étaient ceux du Front National. Le Front National a produit une quantité considérable de documents, des propositions, de programmes, de colloque etc. On disait que nous n’avions pas de programme, il suffisait de téléphoner et vous aviez un programme considérable préparé par des adhérents qualifiés mais aussi par des experts. Nous payons peut-être aussi le fait que les trois derniers congrès n’aient pas procédé à ce renouvellement. Il y a donc un certain flou dans ce pourquoi nous nous battons. Nous avons peut-être été moins lisibles sur un certain nombre de sujets importants comme les questions sociétales, la défense de la famille, l’accueil de la vie, la lutte contre la bureaucratie.

Marion Maréchal portait ces idées au sein du Rassemblement National.

Marion est assez proche de moi, je l’ai connu petite fille ! Nous sommes assez proches sur ces questions et nous ne sommes pas les seuls. Marion a déclaré s’abstraire de la vie politique, je trouverais un peu curieux qu’elle y revienne pour prendre une position défavorable à la candidature de Marine. Je ne suis pas un expert, je suis un modeste « lepénologue » ! Je défends les idées et je pense que ces idées peuvent encore être défendues à l’intérieur du Rassemblement National.

Je fais état de la situation et des lacunes éventuelles et cela n’entame pas ma fidélité à ce mouvement et à sa candidate.

Marine Le Pen peut-elle être élue présidente de la république ?

Je ne suis pas Madame Soleil, je n’ai jamais fait de prévisions. Je me refusais même à affirmer, en 2002, que j’étais sûr que Jean-Marie Le Pen serait au deuxième tour. Pourtant nous avions réussi, avec un appareil complètement artisanal et une médiatisation infime, à vaincre le premier ministre en exercice, Monsieur Lionel Jospin, qui était donné gagnant dans cette élection qu’il aurait gagnée s’il avait été au deuxième tour.

Je ne fais pas de prévisions mais je pense que si Marine, comme je le souhaite, franchit l’étape du premier tour, contrairement à ce que l’on croit, elle est donnée dans les sondages à 46 % contre Emmanuel Macron. Cela dépendra du sentiment que les Français ont à l’égard de Macron. Il y a le souvenir de ce débat où elle n’était pas au mieux de sa forme, mais quand vous regardez le fond du débat, c’est elle qui avait raison, sur le montant exact de la contribution de la France à l’Union européenne. Quand elle dit que nous étions opposés à une monnaie unique mais que nous étions favorables à une monnaie commune, c’est elle qui avait raison, mais la forme n’était pas bonne. Depuis, elle a mûri, elle a étudié et je pense que ses chances ne seraient pas nulles. Ça ne veut pas dire que c’est dans la poche, ça n’est jamais dans la poche dans le combat politique !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 04/02/2022 à 23:30.
Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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