[EDITO] Bruno Le Maire : le déficit, M’sieur, c’est pas moi, c’est Barnier !
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Là, franchement, chapeau l’artiste ! Bravo à Bruno Le Maire qui, passé au grill de la commission des finances du Sénat, ce 7 novembre matin, a imputé le dérapage du déficit public durant l’année 2024 (6,1% du PIB contre 4,4% prévus dans la loi de finances 2024, excusez du peu)… au « choix du gouvernement actuel » !
La faute à Barnier, il fallait oser
Un gouvernement, rappelons-le, nommé le 21 septembre, après la nomination de Michel Barnier comme premier ministre le 5 septembre. En général, en politique, on impute ses erreurs, difficultés et autres turpitudes, aux prédécesseurs, à l’héritage, au passif, tout ça. Classique, de bonne guerre et ne mangeant pas de pain. En savait déjà, en sept ans de macronisme, que ce n’est jamais la faute d’Emmanuel Macron qui, lorsqu’il s’agit d’avouer ses erreurs, se réfugie dans un « nous », non pas de majesté mais collectif : une sorte de subtile systématisation du « C’est pas moi, M’sieur » que l’on connaît chez les gamins pris la main dans le pot de confiture ou à « emprunter » un scooter. Mais là, avec Bruno Le Maire, on entre dans une tout autre dimension que personne, sans doute, n’avait encore jusque-là osé explorer. Cela n’a pas manqué de faire réagir le LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat : « Ce qui n’est ni entendable ni acceptable c’est le fait de dire que le déficit d’aujourd’hui à 6,1% est de la seule responsabilité du nouveau gouvernement. » Et d’ajouter, cinglant : « C’est méprisant, car tout cela n’est que la résultante de ce qui n’a pas été fait auparavant ». Un Husson qui, durant l'audition de l'ancien ministre de l'Économie et des Finances, a carrément qualifié l'exposé de ce dernier d' « espèce de feu d'artifice d'autosatisfaction collective et solidaire sur votre action »...
Et surtout pas la faute de Le Maire
Ce qui n’a pas été fait auparavant ? La rectification du tir budgétaire 2024 aurait dû être faite au printemps dernier alors que le gouvernement savait depuis longtemps que les prévisions de rentrées de recettes seraient bien inférieures à ce qui avait été prévu dans la loi de finances 2024 (« votée » par 49.3, rappelons-le). Là encore, Bruno Le Maire, n’y est pour rien. La faute à qui, à quoi ? À « une grave erreur technique d'évaluation des recettes dont nous payons le prix ». Qui ça « nous » ? En tout cas, ces fonctionnaires de Bercy, décidément, y sont bons à rien. C’est comme ça qu’on peut traduire la « grave erreur technique d’évaluation ». On vous l’a dit, on le répète, c’est pas moi M’sieur (ou M’dame, parité oblige).
Certes, en février dernier, le gouvernement Attal, avait annulé par décret 10 milliards d’euros en autorisation d’engagement et 10,7 milliards en crédits de paiement, après avoir revu à la baisse ses prévisions de croissance (1% au lieu de 1,4%), cela « afin de conserver l'objectif de ramener le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut (PIB) »… Un décret, soit dit au passage, qui semblait « sortir des clous fixés la loi organique relative aux lois de finances » (LOLF), à en croire l’Association des maires de France, puisque selon cette LOLF une annulation de crédits « ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours ». C’est ce qu’on doit appeler l’État de droit. Mais cette action en limite de hors-jeu n’avait visiblement pas suffi.
Heureusement qu'ils ont mis la poussière sous le tapis...
Et donc, qu’est ce qu’il aurait fallu faire, pour aller plus loin dans les coupes budgétaires et éventuellement augmenter les recettes ? Il aurait fallu passer par une loi de finances rectificative (PLFR), c’est-à-dire par le Parlement. Nono, il était pour, mais ses petits camarades n’ont pas voulu. N’a pas dit ça comme ça, notre agrégé de lettres mais c’est tout comme. Et pourquoi, ils (Attal, Macron, vous l’aurez compris) n’ont pas voulu ? « Vous leur demanderez », répond en substance et sans se laisser démonter, le grand argentier émérite, qui est « libre » comme Max, maintenant qu’il n’est plus ministre comme il a tenu à le souligner au début de son grand oral, mais pas libre au point de donner les noms de ses petits camarades. C’est son côté « corporate » à Nono. Pourquoi, ils n’ont pas voulu ? Là aussi, ça ne vous aura pas échappé, tout comme au président socialiste de la commission des finances, Claude Raynal, qui n’est pas un lapin de six semaines : « Pour des raisons de nature purement politiciennes – je ne dis pas politiques -, on a une position qui consiste à repousser pour après les élections [européennes] des mesures qui sont à prendre immédiatement ». Même en ayant mis la poussière sous le tapis, ils se sont pris une dégelée aux européennes. Imaginez s'ils avaient passé un PLFR...
En tout cas, le déficit, c’est pas moi M’sieur. C’est donc Macron.
4 commentaires
Ces commissions d’enquête prétendent « denicher » la vérité..un peu comme aux États-Unis Unis ou les personnes interrogées prêtent serment sur la bible,et osent rarement se parjurer…sauf qu’ici c’est plutôt du theatre..on fait venir des gens dont les mensonges sont prouves et évidents,et on espère qu’ils vont avouer…pathétique..
Pathétique et pitoyable stratégie de défense. Le Maire aurait dû incriminer le RN. Il aurait alors bénéficié du soutien de tout l’arc républicain. Incroyable qu’à son âge et avec son expérience il n’ait pas encore compris cela. Je comprends pourquoi il s’est retiré de la politique.
Il a préféré passer son temps à écrire des livres pornographiques que de revoir sa copie budgétaire. Encore un ministre qui échappera à la sanction pénale. Une honte !!!
les mandats de macron et ses gueux : les lois on s’en moque , toutes, c’est moi le patron ! je fais ce que je veux ! certes, mais après ? la route est longue . . .