C8 supprimée : le Conseil d’État et l’Arcom sont-ils vraiment neutres ?

Mire télévision

L'annonce du retrait de la chaîne télévisée C8 des fréquences TNT, ce 24 juillet, pose la question des pouvoirs étendus dévolus à l'autorité de contrôle des médias, l'Arcom, et à la juridiction suprême de l'ordre administratif, le Conseil d'État.

En vertu de son statut juridique, l’Arcom a pour rôle de garantir une information honnête, pluraliste et indépendante (loi Léotard du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Les décisions de cette autorité publique indépendante sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État. L’association Reporters sans frontières avait saisi les magistrats administratifs du Palais-Royal en 2022, estimant que la chaîne d’information CNews ne répondait pas aux exigences requises. Les plaignants furent déboutés, le Conseil d'État jugeant, dans sa décision du 13 février 2024, que l’équilibre des temps de parole accordés aux personnalités politiques avait été respecté.

Changer les règles

Les règles étant respectées, il fallait donc changer les règles ? Le Conseil d'État en a, en tout cas, profité pour accroître considérablement le pouvoir de contrôle de l’Arcom, passant outre la plume du législateur et jugeant que l'autorité de régulation des médias qui a succédé au CSA avait non seulement compétence pour veiller au temps d’intervention des personnalités publiques invitées à l’antenne, mais également le devoir de surveiller « la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ».

Problème : la composition de l’Arcom n'est pas au-dessus de tout soupçon. Le président de l'Arcom (qui dispose d'une voix prépondérante) est nommé par le président de la République. Trois membres de l'Arcom sur neuf sont désignés par la présidence macroniste de l'Assemblée. Un conseiller est désigné par le vice président du Conseil d'État, Didier-Roland Tabuteau, marqué très à gauche, selon Europe 1. Par ailleurs, certains liens sont révélateurs. Le directeur général de l'Arcom, Alban de Nervaux, nommé par décret présidentiel et auparavant membre du Conseil d'État, est l’époux de Laurence de Nervaux, directeur exécutif de Destin commun, un think tank financé notamment par l'Open Society Foundations du financier George Soros et par le groupe activiste écologiste Greenpeace. Destin commun planifie la répartition des migrants dans les communes rurales. Enfin, une des neuf membres de l'Arcom, Laurence Pécaut-Rivolier, nommée en 2021, figurait sur la liste PS-EELV lors des élections municipales à Gentilly. « Voici venu le temps des copains et des coquins », déclare Philippe de Villiers, sur son compte Twitter.

Les membres du Conseil d’État nommés par décret

Quant aux membres du Conseil d’État, ils sont nommés par décret en Conseil des ministres, sur la proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Une nomination gouvernementale, donc, qui peut faire douter de leur indépendance et de leur impartialité. C'est le président de la République qui a ainsi nommé, en janvier 2022, à la vice-présidence du Conseil d'État un fidèle collaborateur : Didier-Roland Tabuteau, passé par plusieurs cabinets socialistes sous François Mitterrand et Lionel Jospin, avant de s’illustrer dans la gestion de la crise du Covid-19. Rappelons que le Conseil d’État s’était alors montré des plus conciliants avec le gouvernement sur le sujet des atteintes aux libertés publiques.

« Charité bien ordonnée commence par soi-même » ? Selon Thierry Benne, docteur en droit public et enseignant, l'adage semble opportun. Interrogé par BV, il estime que la composition de l'Arcom, tout comme celle du Conseil d'État, n'est pas exempte de tout soupçon de partialité. L’affaire C8 repose donc la question du fonctionnement de nos hautes institutions judiciaires et administratives. Un fonctionnement à repenser de fond en comble, tant l’entremise de la justice et de l’administration au service du politique est grande. Cette inquiétude est transpartisane, puisque même le Parti socialiste d'Olivier Faure dénonce, ce 24 juillet, sans lien avec C8, une pratique abusive du pouvoir réglementaire par le gouvernement. Olivier Faure a saisi, mercredi, le Conseil d’État, s’inquiétant « d’actes réglementaires qui excèdent [...] les prérogatives du gouvernement ». Il s'appuie sur certaines nominations précipitées depuis la dissolution de l'Assemblée et évoque un soupçon « d'abus de pouvoir ».

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Y a il encore besoins de se poser la question. L’ Arcom est en plein abus de pouvoir et d’injustices, pas étonnant c’est la France actuel.

  2. Il faut bien ce mettre dans notre cerveau que Macron est de GAUCHE pas de semi droite sauf avec les LR.

  3. Ben voyons, bien sûr ! L’Arcom, le con-seil d’Etat, etc. sont aussi neutres que le syndicat de la magistrature …

  4. Personne n’y croit cet organisme de contrôle des médias est aux ordres .la roue tourne comme celle de la dette et un jour viendra où il va falloir payer cher, très cher l’addition.

  5. Le noyautage a fait son œuvre. A quoi sert d’élire un Président de droite si tous les organes de décision sont aux mains des gauchistes. La droite devrait avoir une stratégie pour reconquérir tous ces leviers du pouvoir, mais seule la gauche a une idéologie qui permet une action sur la durée.

  6. Qui n’a pas la réponse à cette question ? L’arcom ainsi que plus de 90 % des médias sont à la botte de ce gouvernement . Normal , nos impôts financent le tout .

  7. La réponse est dans la question , vous mettez ce titre à la forme affirmative et vous avez la conclusion; si les téléspectateurs ne se remuent pas un peu plus , l’inquisition gauchiste va faire son oeuvre dans tous les secteurs qu’elle juge de contradiction malsaine , sous le regard éploré dans cette mise en scène de tartufferie macroniste et de ses alliés de cette droite annihilée .

  8. Est-ce vraiment une question ?
    Ou Est-ce simplement un constat, déguisé en question ?
    Personnellement, je penche pour le constat !

    • Le point d’interrogation est nécessaire pour que BV ne soit pas AUSSI interdit par l’Arcom ! Voilà où malheuresement nous en sommes réduits !

  9. La réponse est dans la question et dans l’article..d’autant plus claire quand on voit par qui nrj12 et c8 vont être remplacées.. ouest France.. Le quotidien pro macroniste..et une chaîne créé par un milliardaire proche de Macron.. .

  10. depuis 2017 c’est comme ça, les règles constitutionnelles sont interprétées, le conseil d’état est aussi à la botte du gouvernement, et l’arcom est dans le même wagon de corruption, voir si on veut être gentil dans les termes « en conflit d’intérêts » tout ce petit monde est notamment les « sages  » du conseil constitutionnel nommés pour 9 ans, ce qui les faits enjamber pratiquement 2 quinquennats à 16000 euros par mois la vie est belle.

  11. Que j’aime votre soupçon d’abus de pouvoir, c’est comme un soupçon de lait dans le thé qui suffit à tout troubler.

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