Cancel culture : Spirou face aux gorgones wokistes

© Editions Dupuis. Source: https://www.ligneclaire.info/le-spirou-de-dany-et-yann-281419.html#lightbox-gallery-1/1/
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Le 31 octobre dernier, Spirou et la Gorgone bleue a été retiré de la vente par la prestigieuse maison d’édition Dupuis, un an après sa parution. Contre-attaquant, une pétition demande à Dupuis le retour de l’album en librairie au nom de la liberté d’expression artistique.

Réseaux sociaux, médias suivistes

Sans surprise, les accusations contre l’album - personnages noirs caricaturés en « singes » et filles trop sexy - provenaient des réseaux sociaux. Précisément de l’influenceuse Charlotte, « usine à refs et pop culture » suivie par plus de 98.000 abonnés sur TikTok. Elle s'est réjouie de la censure : « Bravo à nous, wesh, la BD raciste retirée des ventes. » Dans la foulée, le dessinateur Dany était « cancellé » lui aussi. Invité d’honneur du festival Angers BD, en décembre, il a en été décommandé, avec cette explication succincte du président de l’événement : « C’est mieux qu’il ne vienne pas au festival. »

https://www.tiktok.com/@chaa_pr/video/7431893006933888288

Comme si les disparitions conjointes de l’album et du dessinateur ne suffisaient pas, les médias se sont penchés sur la série à laquelle le célèbre Franquin a donné ses meilleurs albums. BFM TV s’interroge : « Pourquoi les aventures de Spirou sont si longtemps passées sous les radars » alors que la série est « émaillée de stéréotypes racistes » ? Et de rappeler que le père de Franquin était Action française, mussolinien et antisémite… Est-ce héréditaire ? Non, ouf ! Franquin a dessiné des affiches pour Amnesty International. N’empêche, c’est troublant. D’où un podcast de Radio France regrettant que Spirou et la BD franco-belge n’aient « toujours pas enterré l’idéologie coloniale ».

« Signal funeste »

Mise en ligne par un certain Alexis Lemarchand, la pétition qui demande le retour de l’album dans les rayons des librairies est accompagnée d’une lettre ouverte à Dupuis. La censure de Spirou et la Gorgone est un « signal funeste envoyé à tous les lecteurs européens soucieux de la liberté d’expression » et « semble répondre davantage à une pression ponctuelle d’une poignée d’influenceurs sur TikTok qu’à une évaluation sérieuse et réfléchie ». Or, l’album « mérite d'être jugé par ses lecteurs, et non par les fluctuations éphémères des réseaux sociaux ». La pétition a déjà été signée par 13.800 personnes et, ce lundi, le compteur grimpe à toute allure. Mais que pèse désormais une pétition, face aux réseaux sociaux infusés au wokisme ?

La leçon est cruelle pour Dupuis, qui avait cru publier un album consensuel (« antipollution, écolo » avec « un milliardaire véreux copier-coller de Trump », écrivait un critique), mais en oubliant des angles morts dans son politiquement correct : l’antiracisme et le féminisme. Première leçon : il faut cocher toutes les cases. Deuxième leçon : les cocheriez-vous toutes, il y aura toujours quelqu’un pour vous reprocher de n’a pas les avoir cochées de la façon idoine. Ainsi, quand les bandes dessinées manquent de femmes, c’est de la misogynie ; si elles sont présentes mais accortes, c’est du sexisme.

Influence et concession

Au moment de la sortie de Spirou et la Gorgone, Dany, dans un entretien donné à Paris Match, mettait d'ailleurs en avant un « album féministe ». Des filles en string dans Spirou - un bout de sein ? « J’espère que cela n’est pas transgressif. » Un homme entouré de nanas dans une piscine ? « Cette séquence est une parodie de la vie de Donald Trump ! » Il confessait, ce qui ne manque pas de sel : « II n’y a que les femmes noires que j’ai accepté de redessiner, parce qu’on me disait qu’elles avaient de trop grosses lèvres. Voulant éviter la polémique, j’ai cédé. » Troisième leçon : il ne faut jamais céder, parce que la polémique adviendra malgré tout, suivie d'une rapide censure. En la matière, accusation vaut condamnation. Le wokisme est une course sans fin vers un idéal de « pureté » qui ne satisfait jamais l’exigence de ses prêtres et prêtresses. Malheur à ceux qui auront pensé les apaiser par une concession.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Une chroniqueuse qui travaille pour le journal Marianne aurait publié un communiqué pour « débunker » l’information sur cette BD soit-disant raciste. Elle y aurait sélectionné des autres cases que celle choisies par cette gamine de Tiktok. Sur ces cases, on y verrait des personnages noirs intelligents, bien élevés, des scientifiques, et des blancs vraiment caricaturés à outrance. Certains de ces personnages blancs ressembleraient carrément à des cochons. Cela n’a pas choqué cette Charlotte aux arguments guère plus hauts qu’un plant de fraises.

  2. L’arroseur arrosé …
    Il paraît que ce qui se passe aux USA finit toujours par arriver chez nous. Tout n’est pas bon à prendre mais souhaitons que la guerre que va déclarer Trump au wokisme finisse par ouvrir les yeux des français

  3. Quand on accepte une critique venant de la gauche, on doit s’attendre à une interdiction si la critique est acceptée, corrigée, etc. Un peu comme quand un travailleur reçoit une « lettre d’avertissement » pour son travail, il doit s’attendre à recevoir sa lettre de licenciement peu après !

  4. C’est lâche de céder à ces bêtises woke ! Il fallait maintenir ! Que ceux qui aiment cet album l’achètent et que les autres s’en abstiennent mais ne privent pas les premiers de la liberté d’acheter et de lire ce qui leur plaît ! Avis aux collectionneurs, si vous en possédez un, gardez le précieusement !

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