Cantine obligatoire ?

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Je n’ai jamais beaucoup aimé l’école (en ce qui me concerne, exclusivement l’école publique ; je le précise pour les esprits chagrins).

J’étais dans une école construite récemment, plutôt agréable matériellement, où je n’ai jamais été harcelé ni persécuté, et où j’ai assez bien réussi (j’ai obtenu tous les diplômes que je visais). Bref, selon les critères extérieurs, je n’avais aucune raison de me plaindre. Pourtant, je ne me suis jamais trouvé à l’aise dans l’environnement scolaire, et je n’avais qu’une seule hâte : revenir à la maison. C’est seulement parce que je n’avais pas le choix que j’ai subi l’école, sans aucun plaisir.

En repensant à cette période plutôt désagréable de ma vie (et de celle d’un certain nombre d’autres enfants), je suis tombé de ma chaise lorsque j’ai lu une chronique dans L’Express (2 mars 2023) où l’auteur n’hésitait pas à préconiser de rendre la cantine scolaire obligatoire, sous de fumeux prétextes d’éducation à la santé, à l’environnement, à l’économie, à la sociabilité. Le chroniqueur n’a tout de même pas eu le front d’ajouter la gastronomie et le bien manger.

Mais dans quel monde vivons-nous ? En matière de scolarisation, on est en train de se diriger méthodiquement vers un monde plus carcéral encore pour les enfants que les systèmes totalitaires classiques.

Rappelons tout de même les étapes de l’obligation scolaire. En 1882, l’école devenait obligatoire de six ans à treize ans. En 1936, elle devenait obligatoire jusqu’à quatorze ans. En 1959, elle devenait obligatoire jusqu’à seize ans. En 2019, elle est devenue obligatoire à partir de trois ans. La même loi de 2019 impose de détecter, de contacter et de convoquer (même si c’est – encore ? – non contraignant) les jeunes entre 16 et 18 ans qui ne seraient ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Et maintenant, ce journaliste veut que, non seulement les jeunes soient obligatoirement à l’école de trois ans à seize voire dix-huit ans, mais que de plus ils soient contraints d’aller ingurgiter la nourriture (plus ou moins immonde, en certains lieux) de la cantine afin d’y continuer leur « éducation ».

Même si je ne l’aime pas beaucoup, même si elle m’a laissé peu de bons souvenirs, je ne suis pas opposé à l’école, ni même à une certaine obligation scolaire. Que l’État demande qu’un jeune Français ait assimilé obligatoirement un ensemble de connaissances utiles pour la vie sociale, l’emploi, les démarches administratives, etc., ne me semble pas absurde ou scandaleux.

Mais cette inflation de caporalisme se révèle plutôt effrayante. Surtout dans un système aussi monolithique que celui de notre fameuse Éducation nationale.

En effet, à l’inverse de pays qui nous entourent et qui ne réussissent pas trop mal (Allemagne, Suisse, etc.), notre pays ne connaît qu’une seule forme d’éducation scolaire, un seul modèle d’instruction : « le cul vissé sur une chaise », l’enfant voit défiler les cours, les leçons à apprendre et les devoirs à rédiger. Tous les enfants doivent entrer dans un moule unique, n’atteindre la connaissance que par l’abstraction, n’avoir de contact avec le monde qu’à travers la parole et l’écrit, et encore formalisés par les coutumes spécifiquement scolaires.

Qu’un enfant possède des compétences manuelles, un goût pour la nature, des dons artistiques ; ou encore, une mémoire non standard, une intelligence différente, une sensibilité particulière ; ou qu’il n’aime pas trop les groupes, qu’il soit plutôt solitaire, méditatif, qu’il n’apprécie pas le sport : tout cela n’a aucune importance, le système applique les deux axiomes qui ont toujours fait la force des armées de conscription : « J’veux pas savoir ! » et « J’veux voir qu’une seule tête ! »

Et cela, parce que nos bons professeurs de l’Éducation nationale, ayant été eux-mêmes formés de la sorte et y ayant assez bien réussi, estiment qu’il n’y a de salut pour personne hors de cette méthode.

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Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Pas encore obligatoire, mais 90% des enfants scolarisés mangent déjà tous les jours à la cantine… Soit parce que leurs parents travaillent ou n’ont pas le temps ou l’envie de venir les chercher et les ramener sur le temps du déjeuner. Soit parce que le tarif des cantines , fortement pris en charge par les mairies pour l’ecole maternelle et elementaire, défie toute concurrence par rapport au prix d’un repas à la maison, surtout avec l’inflation des fruits, legumes, viandes, produits laitiers, etc…

  2. Il me semble me souvenir que dans « La République » selon Platon les enfants devaient être retirés des parents pour être instruits en dehors de tout lien familial… On y est presque.

  3. hum, hum. Il est des lycées-collèges qui virent les élèves à la mi-juin, pour cause de « centre d’examen  » et qui font payer la cantine, jusqu’à la fin juin. Ils sont soit disant pas au courant de cela !!?? Où va l’argent de ces 10 jours ?

  4. Cantine obligatoire. Les gamins devenus adultes n’auront guère de souvenirs de la purée ou du gratin de leur maman. D’ailleurs, il n’y aura plus de mamans, seulement des Parent 1 ou Parent 2.

  5. Peu de risque que cette mesure voie le jour : il y a aujourd’hui tellement de familles « orthorexiques » obsessionnelles (bio, allergies, gluten, végétarisme, veganisme, halal, casher…), que ce serait la révolution !

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