Capitaine Marleau : devoir de courtoisie ?
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Quand Jean-Marc Dumontet dénonce le propos critique de Corinne Masiero - le « capitaine Marleau » - à l'encontre du président de la République et énonce qu'il y a « un devoir de courtoisie », en dépit du caractère anodin de l'échange, il m'a fait réfléchir.
Moins sur l'obligation de la courtoisie, que j'espère respecter naturellement dans l'ensemble des actions et débats - livres, conférences, médias, blog, Twitter (ce n'est pas une mince affaire !) - qui m'impliquent, que pour la passion de la forme dont je finis par me demander, poussée à l'extrême limite, si elle ne constitue pas une perversion. En tout cas, parfois, une indifférence à l'égard du fond.
Pour être honnête, je me suis surpris, en telle ou telle circonstance, à attacher trop d'importance au verbe, à la qualité du langage et de l'expression. Comme si l'argumentation elle-même passait au second plan derrière l'esthétique de la parole.
Je continue, évidemment, à considérer que ce « devoir de courtoisie », cette obsession d'une forme convenable, correcte, audible ne sont pas dérisoires. Puisqu'ils représentent le socle à partir duquel la vigueur et l'authenticité du fond et des idées à transmettre seront mises en valeur. La forme de qualité n'est pas l'ennemie de la profondeur et de la roideur conceptuelles et polémiques mais, au contraire, son auxiliaire fondamental.
Il n'empêche que, par honnêteté, je n'ai pas pu échapper à un questionnement perturbant m'incitant à me soupçonner d'être excessivement sensible au langage et pas assez à l'idée et à sa justesse.
Ce n'est pas dangereux quand cette passion de la forme trouve un aboutissement légitime dans un débat où la pertinence de telle conviction, opinion a déjà fait la différence. Je songe, par exemple, à celui du 11 avril où, pour la deuxième fois, Raphaël Enthoven a été confronté à Étienne Chouard sur Sud Radio. Il me paraît objectif de souligner que le talent et le verbe du premier ont ajouté à la force de son argumentation qui m'a davantage impressionné que celle de son contradicteur (mais cela relève d'un jugement personnel).
En revanche, regardant les échanges sur CNews dans l'émission consacrée aux élections européennes, bien au-delà de la lucidité des visions développées par chacun des candidats, je me suis plu à appréhender ce que révélaient leurs rapports et à découvrir des personnalités dont certaines étaient moins connues que d'autres dans le cadre d'un tel exercice. J'ai ainsi vraiment, sur le plan technique, goûté le verbe d'Adrien Quatennens alors qu'en revanche, j'ai plaint le malheureux et sympathique Guerini, cible de tous pour LREM et incapable de résister à ces assauts multiples par une contradiction et des répliques à la hauteur.
Comme le sympathique Raphaël Gluksmann noyé dans le débat à douze sur France 2 alors que François-Xavier Bellamy devra s'inventer une peu de vulgarité et de culot pour faire entendre sa voix intelligente et singulière. Je ne déteste pas cette fraternité des intellectuels - bien au-delà de leurs options politiques - mais il faudra qu'ils s'habituent à ne pas se contenter de l'expression modérée de leur parti pris mais à relever le défi d'empoignades dans lesquelles ils ne seront pas, par principe, plus respectés que les autres.
La passion de la forme est une perversion à partir du moment où elle occulte toute considération sur le fond. Où son caractère talentueux et brillant relègue, dans un ennui distingué, des analyses pourtant très éclairantes. Où elle permet à celui-ci, moins sérieux pourtant que celui-là, de l'emporter pourtant largement parce qu'il a étincelé et qu'on l'a entendu.
J'espère échapper à cette dérive et faire coexister, dans ma tête et mon jugement, le souci d'un langage irréprochable et l'attrait d'une intelligence en mouvement. Je ne voudrais pas devenir l'un de ces sophistes moins acharné à établir et à démontrer la vérité grâce à son esprit qu'à donner l'illusion de la posséder avec son talent.
Une perversion à fuir : on n'en manque pas !
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