Ce que cache la série de départs de Valeurs actuelles

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L’issue du bras de fer entre l’actionnaire de Valeurs actuelles et le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune rebat les cartes au-delà de l’hebdomadaire de droite. Selon Le Monde, Geoffroy Lejeune pourrait prendre la tête du Journal du dimanche (JDD), désormais indirectement détenu par le groupe Bolloré, en remplacement de Jérôme Béglé, actuel directeur général de la rédaction. Ce dernier rebondirait à la direction de Paris Match. À ce jour, ces mouvements n’ont pas été confirmés à BV par les intéressés, qui n’ont pas souhaité s'exprimer. Seule certitude : Geoffroy Lejeune est remplacé par son ex-numéro deux Tugdual Denis à la tête de la rédaction de Valeurs actuelles.

Ligne de fracture

Le départ de Geoffroy Lejeune conclut une longue période de dégradation de ses relations avec le propriétaire à 100 % de Valeurs actuelles, l’homme d’affaires libanais Iskandar Safa, sur fond de bras de fer autour de la ligne éditoriale. Geoffroy Lejeune a incontestablement réveillé le journal et l'a lancé avec efficacité dans la bataille des idées. Personnalité forte, charismatique et médiatique, il a fait connaître largement la marque et a installé l'hebdomadaire et ses ramifications numériques auprès d'un public jeune. Alors, pourquoi cette rupture brutale ? Selon nos informations, l’actionnaire reproche d’abord à Geoffroy Lejeune la stratégie adoptée par Valeurs actuelles durant la campagne présidentielle, notamment une trop grande proximité avec le candidat Zemmour et Marion Maréchal qui le soutenait. Iskandar Safa aurait précisé plusieurs fois à Geoffroy Lejeune, lors des comités stratégiques et des conseils de surveillance du journal, où une dizaine de personnes étaient présentes, que Valeurs actuelles ne devait pas être le journal d’un seul candidat mais rester celui de toutes les droites.

Le propriétaire de Valeurs actuelles fait aussi porter à Geoffroy Lejeune la responsabilité d'une dégradation des comptes du journal qui pourrait basculer dans le rouge sur l’exercice 2023 alors qu’il était bénéficiaire les années précédentes. Safa reproche enfin au jeune directeur le déficit financier de la grande manifestation du Palais des Sports, le 13 avril dernier. Contacté par BV, Geoffroy Lejeune n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant. À ces griefs, il avait cependant répondu par avance. « À Valeurs actuelles, on a pris l’habitude, ces dernières années, d’avancer sous la mitraille », avait-il écrit en préambule de la campagne d’abonnement «JeSuisLaPourVA », sept mois auparavant.

Indépendance de la rédaction

« Le problème est le suivant, explique un cadre de l’hebdomadaire contacté par BV. Nous sommes en grand écart permanent entre notre lectorat adepte du parti de l’ordre – un parti qui va de Macron à Zemmour mais sans passer par Le Pen - et une autre partie de notre lectorat radicalement conservatrice qui s’oppose à la bourgeoisie libérale. » Le propriétaire souhaitait conserver les deux publics. La campagne lancée pour le maintien de Geoffroy Lejeune avait permis de capter 7.000 abonnés supplémentaires mais elle a été perçue par l’actionnaire comme une fronde du tandem Lejeune-d’Ornellas.

Le conflit entre l’actionnaire et le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles s’est finalement cristallisé autour de l’indépendance de la rédaction. « La querelle de ligne éditoriale n’est qu’un prétexte », assure un journaliste, sous couvert d’anonymat. « Geoffroy ne supportait plus l’irruption d’étrangers à la rédaction dans les affaires du journal. » Le journal a vécu les arrivées et départs successifs d’Erik Monjalous, président du directoire de Valmonde (maison-mère de Valeurs actuelles) en guerre ouverte avec Geoffroy Lejeune, puis de Charles-Antoine Rougier, placé pour réorienter la ligne mais remercié en novembre 2022 par Iskandar Safa. Le dernier, Jean-Louis Valentin, nommé en mai, s’est heurté à Geoffroy Lejeune deux jours après son arrivée, lorsqu’il a voulu participer à la conférence de rédaction. « C’est ma rédaction, tu n’as rien à faire là. Tu sors ! », a lancé Geoffroy Lejeune, nous confirme un membre de la rédaction. « Tu n’es pas sur un plateau de CNews », lui aurait rétorqué le nouvel homme fort du magazine.

Vague de démissions

Le départ de Geoffroy Lejeune, largement soutenu par sa rédaction, s’accompagne de plusieurs autres démissions, notamment celles de Charlotte d’Ornellas et du rédacteur en chef politique Raphaël Stainville. En parallèle, Baudoin Wisselman et Wilfrid Mortier, les deux figures de la chaine YouTube VA+, se sont vus signifier leur licenciement lors d’une réunion préalable, ce mardi 19 juin. Il leur est reproché la publication d’un reportage du youtubeur Papacito hébergé sur la chaîne et tourné sans accord de la direction dans les locaux de Valeurs actuelles. Cette initiative avait entraîné une homérique colère de Tugdual Denis rapportée par Libération : « Le jour où [le nouveau président de Valmonde, Jean-Louis Valentin, ou Iskandar Safa, le propriétaire des titres du groupe] ont vent de cette histoire, c’est sûr que dans la minute, ils vont me demander de vous virer. » Joint par BV au téléphone, Wisselmann affirme « n’en vouloir à personne au sein de Valeurs actuelles » et assure « comprendre les motivations de Tugdual Denis », non sans regretter « l'épée de Damoclès que fait peser la direction du groupe ». La saignée est-elle finie ? D'après nos informations, d'autres départs pourraient suivre.

L'onde de choc atteint le JDD

Désormais aux commandes de Valeurs actuelles, Tugdual Denis tente d’apaiser les esprits. Il signe un éditorial louant le travail de Geoffroy Lejeune, « un ami, un grand frère, un exemple » et se veut rassurant sur la ligne éditoriale : « Valeurs Actuelles a été et restera un journal de droite conservatrice. » Pour l'heure, la publication est la cible de nombreux de messages d’internautes mécontents. Un défi de taille pour la nouvelle équipe.

L’onde de choc de Valeurs actuelles atteint désormais le JDD. La rédaction du journal a massivement voté la grève pour protester contre l’arrivée de Lejeune, indique La Lettre A. Le conflit est ouvert, le prochain numéro ne paraîtra pas. Certains observateurs se demandent si Valeurs actuelles va devenir le JDD et si le JDD se transformer en Valeurs actuelles du dimanche... Ironie de l’histoire, voilà quelques mois, l’hypothèse de l’arrivée de Tugdual Denis à la direction du JDD avait suscité une levée de boucliers en interne.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

57 commentaires

  1. Voilà surtout ce qui arrive lorsqu’on subordonne des idéaux à l’argent et aux profits. Une raison de plus pour soutenir BV, média indépendant.

  2. Ou comment tué le bébé et l’argent du bébé !
    Grosse erreur de ce Iskandar Safa et des quelques sbires qui lui restent.
    Nombreux sont ceux qui ne sont pas pour Z parmi les lecteurs de VA, était-ce une bonne raison pour agir en despote, évidemment non.
    Le nombre d’abonnés qui (comme moi) ont déjà annulé leur abonnement ou qui le feront dans les jours et semaines qui suivent, sera le vrai baromètre, auquel il faufra ajouter les départs sur les réseaux sociaux, si non le blocages jusqu’à des jours plus sereins.
    Quand aux gauchistes du JDD, ils pourront toujours « traverser la rue » pour trouver un job.

  3. De votre article et des commentaires des lecteurs, on pourrait penser qu’il s’agit d’un combat entre Marine L Pen et Zemmour. Je pense plutôt qu’il s’agit d’un combat à droite entre une ligne attachée aux valeurs judéo-chrétiennes et une ligne qui accepte davantage les réformes sociétales existantes et à venir (Mariage homosexuel, PMA, IVG à plus de 14 semaines, euthanasie). On est habitué à ce que la ligne chrétienne un peu tradi, telle qu’exprimée par le récent pèlerinage de Chartres, soit ostracisée et extrême droitisée (en attendant d’être « vichysée »).

  4. Petit à petit l’oiseau de la pensée unique fait son nid. Le rêve de l’oligarque n’est il pas de n’avoir qu’une seule ligne de pensée et d’information adoubée par le pouvoir. Le journaliste moyen a-culturé et sans référence, vérolé par l’enseignement pernicieux dispensé dans les écoles spécialisées ( on est loin des J.London, Kessel, qui écrivaient avec leur tripes) obéit , le petit doigt sur la couture du pantalon

  5. C’est très simple. Si la nouvelle « ligne » (… ) de V.A ne plait pas, ils garderons leur magazine.

  6. Le patron a viré les esprits libres & patriotes ? grand bien lui fasse ! il deviendra une vieille pomme fripée mais retrouvera les dons de l’Etat macronien. Quand aux gauchistes du JDD, ils partirons ou rentrerons dans le rang. CF. Europe 1. Quand on a besoin de manger…

  7. Non réabonné aussi….Trop de culture parigo-bobo..pas assez d’enquêtes sur les sujets qui sont au coeur de la vie des français. Sans compter l’adhésion à la narrative sur l’Ukraine (il doit être difficile de faire autrement en France en Europe et Otanie). Un journal Français tenu par un Libanais, trop fort! Il y a du avoir des pressions; Macron revient au Liban (dit-il). Des contrats de reconstruction en perspective.; et voilà comment on finit par chercher des poux dans la tete de gens qui ne faisaient que leur travail. ET hop, un journal d’opposition en moins. Le dernier hors serie sur l’humour en France était un essai désespéré de parler d’un sujet consensuel. Merci

  8. En marge de cet article, je déplore que des gens que je crois être démocrates, républicains, ne cessent de se situer « à droite ». C’est agir comme des benêts, et leurs adversaires politiques doivent bien ricaner que ce très vieux piège (droite/gauche) fonctionne encore, quoique complètement obsolète.
    La face négative de la droite privilégie une élite au détriment du peuple, l’extrême droite étant la monarchie absolue. Le seul parti actuellement de droite est donc celui de E.Macron, élitiste (et non populiste), privilégiant le « monde de la Finance » internationale au détriment de la France.
    La gauche négative privilégie l’autoritarisme de l’Etat pour imposer une répartition abusive des richesses, l’extrême gauche étant le fascisme (de Mussolini à Staline et Cie).
    Rien de tout cela ne concerne la société française actuelle.
    Le clivage actuel est : mondialistes-élitistes/patriotes-populaistes.

  9. « Nous sommes en grand écart permanent entre notre lectorat adepte du parti de l’ordre – un parti qui va de Macron à Zemmour mais sans passer par Le Pen », explique un cadre de V.A. Ceci est tout simplement FAUX et totalement subjectif. Les lecteurs-électeurs de VA ont été nombreux à mettre en garde la rédaction, et particulièrement Lejeune, contre son parti pris zemmourien. La plupart étaient choqués des dénigrements permanents concernant MLP en qui ils plaçaient leurs espoirs. Apprenant que Marine Le Pen était « nulle et incompétente », ils ont massivement voté Macron tandis que Zemmour plongeait, ce que nous avions tous anticipé. En « travaillant » pour Macron volontairement ou non, Zemmour et Lejeune ont fait battre Marine Le Pen. Et ça, nous ne le pardonnons pas. Depuis, ceux qui appréciaient Z se sont pris à le détester et les insultes le visant ont commencé à pleuvoir sur les réseaux ! Je suis abonnée depuis des années à VA et je pense que son directeur a raison de dire que nous voulons un journal de droite décomplexée, par une Pravda pro Zemmour.

    • dans ce cas, vous resterez dans un cercle restreint au ticket d’entrée élevé façon club britannique. Mais sans influence sur la vie de la Cité. Désolé, mais le macronisme est sur un toboggan et les patriotes/identitaires dans une fusée.

    • Le problème est que LR n’est plus qu’un mouvement centriste qui court après la reconnaissance de la gauche et le RN s’est dévoyé avec Marine pour pouvoir accéder au pouvoir. Même si elle peu paraître excessive, la vrai voie de la droite c’est Z, mais la majorité des français contaminée par la gauche bien-pensante a du mal à l’apprécier, la droite ayant vraiment disparu du paysage politique français à l’arrivée de Giscard (cheval de Troie de Mitterrand) .

      • Parfaitement exact. Désolants les bisounours qui se disent de droite aujourd’hui et qui trouvent excessives des positions qui ne sont que réalistes alors que la survie de notre nation est en jeu !

    • « je pense que son directeur a raison de dire que nous voulons un journal de droite décomplexée, par une Pravda pro Zemmour » : depuis la dernière présidentielle, à la lecture de certains commentaires ici même, j’avais peur (je dis bien : peur) que c’était (c’est ?) ce que les auteurs de ces commentaires visaient, faire de BV, une « Pravda pro Zemmour ». Il me semble qu’à partir du moment où les choses ont commencé à bouger à VA, les sources de ces commentaires ont également commencé à se tarir progressivement. Il était temps ….

    • Pas faux ! en plus du trop de culture parigo-bobo comme dit plus haut ! je me suis désabonnée depuis un moment ..

  10. En quoi la ligne éditoriale de V.A. peut-elle intéresser son propriétaire Iskandar Safa dans la mesure ou le budget est équilibré. Ce n’est pas une dérive sur un évènement qui consolide le bilan d’ensemble de fin d’exercice. Il y a donc une puissance souterraine inavouée à ce jour qui agit en sous-main. Ce qui se lit lorsque des personnalités comme Zemmour sont évoqués dans le débat. A la présidentielle , pendant la campagne, les médias n’ont rapporté que ce qui était visible. Macron est totalement resté hors sujet. Mais l’on peut supposer qu’après coup, à la lecture des résultats de l’élection, perte de majorité confirmée, une arête lui soit restée dans la gorge. Il a su décrocher son téléphone. Réaction des faibles, attitude du dernier de la classe qui compense en récrée avec ses petits poings.

    • oui. D’autant que le libanais contrôle aussi l’usine d’armements de St Nazaire tributaire des commandes de l’Etat. C’est simplement du chantage macronien : tu chantes mes louanges ou je te coupe les commandes et t’envoie Bercy dans les pattes.

    • Voilà ce qu’il se passe lorsque l’on laisse les élites qui ont mené et mène la France à sa perte vendent à vil prix ce pays à la finance, aux banques et à l’étranger. Pas besoin de suivre mon regard pour comprendre ce que je viens de dire….

  11. Si on vire dans les rédactions tous les éditorialistes qui relatent la véracité te l’exactitude des faits , je pense à Geoffroy Lejeune et Charlotte d’Ornéllas (que l’on peut écouter surtout sur Cnews ) , ne restera alors que les idéologues et les « insoumis » pour déclamer leurs calomnies, leurs incohérences mais surtout la déformation des faits.

  12. Heureusement pour la pluralité des journaux, des Geoffroy Lejeune sont nécessaires à l’information. Il ne peut y avoir que des journalistes de gauche bien qu’ils soient majoritaires.

  13. « Journal de toutes les droites »: le problème est que la seule vraie droite est celle de Zemmour et Marion Maréchal. LR n’est qu’un Centre plus ou moins à droite selon les tendances.

    • Votre commentaire est la preuve de ce que j’ai écrit plus haut en réponse aux commentaires de @Agcha

  14. C’est pourtant bien simple : les oligarques du système reprennent en main les media qu’ils contrôlent, pour nous préparer à l’éclosion du prochain Macron « de droite » qu’ils sont en train de nous concocter pour 2027.

    Le Général disait déjà en son temps que « la gauche trahit le peuple et que la droite trahit le peuple et la nation »

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