« Celles et ceux » : vous n’en avez pas soupé ? Moi, si !

macron 13 avril 2020

Quoi qu'on en dise, l'écriture inclusive progresse, elle a ses militants, notamment dans des milieux universitaires qui la prennent au sérieux. Il n'est que de lire le Manuel d'écriture inclusive, dont le ministère chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances faisait, il y a peu, la promotion et qui sévit dans les universités. Son sous-titre en traduit l'objectif : « Faites progresser l'égalité femmes/hommes par votre manière d'écrire. » Au cas où vous ne seriez pas convaincus, le préambule de l'ouvrage vous rappelle les intentions de ses auteurs : « C’est par un travail sur les mots que nous avons décidé à notre tour de nous engager en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Nous ne nous attarderons pas sur les critiques, nombreuses et fondées, de ces nouvelles règles, que des universités promeuvent, allant même, dans certains cas, jusqu'à attribuer des bonifications aux étudiants qui l'emploient. Outre son défaut d'esthétique et les difficultés qu'elle présente à la lecture, voire à l'intelligibilité d'un texte, elle participe d’une entreprise idéologique à laquelle ses partisans donnent une apparence scientifique. Jugez-en par cette phrase jargonnante : « Le point milieu permet d’affirmer sa fonction singulière d’un point de vue sémiotique et par là d’investir "frontalement" l’enjeu discursif et social de l’égalité femmes/hommes. »

L'engouement pour cette écriture est tel que Jean-Michel Blanquer a dû – un peu tardivement, mais mieux vaut tard que jamais – prendre l'initiative de rappeler, dans une circulaire du 5 mai 2021, les règles de féminisation dans les actes administratifs et dans le cadre de l'enseignement. Cause toujours, tu m'intéresses : les prétendus défenseurs de l'égalité des sexes restent insensibles aux propos du ministre, qui estime que cette pratique « est non seulement contre-productive pour cette cause même, mais nuisible à la pratique et à l'intelligibilité de la langue française ». Ils continuent donc leur travail de sape avec le fanatisme qui caractérise souvent ceux qui ont la certitude d'avoir raison.

Si le discours oral échappe par nature à la plupart de ces aberrations, il a cependant adopté certaines conventions de ce nouveau langage. Passe encore le fait d'accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres, malgré la laideur de certaines inventions. Mais la proscription du masculin générique devient un principe absolu : il faut accorder « aux femmes "un droit de cité" discursif égal aux hommes ». Dans la pratique, on entend de plus en plus, dans la bouche des politiciens et des journalistes, des expressions qui deviennent un réflexe, avec une prédilection pour la formule « celles et ceux ».

Au risque de passer pour un vieux schnock, un réactionnaire, je dois avouer que cette manie m'est insupportable. Non seulement parce qu'elle rallonge inutilement le discours, mais parce qu'elle traduit une allégeance ou une accoutumance à cette forme de politiquement correct. C'est un passeport de bien-pensance, un brevet de conformisme. Que les politiciens de gauche s'y prêtent systématiquement n'est guère étonnant. Que la droite les imite montre, s'il en était besoin, qu'elle abandonne facilement ses valeurs pour être dans le vent. Que Macron donne le la ne signifie pas, bien au contraire, que ce soit un exemple à suivre. Mais nous, simples Français, ne cédons pas à cette mode délétère, faisons preuve de bon sens et résistons !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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