Cent-dix ans du génocide arménien : entre mémoire et menaces persistantes

Aujourd'hui encore, les cicatrices de cette tragédie restent vives et l'Arménie semble revivre des échos de ce passé.
Photo Ambassador Morgenthau's Story
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​Le 24 avril 2025 marque le 110e anniversaire du génocide arménien, premier crime de masse du XXe siècle, et malheureusement pas le dernier. Plus d'un million d'Arméniens furent ainsi déportés, affamés et massacrés par l'Empire ottoman, entre 1915 et 1916. Aujourd'hui encore, les cicatrices de cette tragédie restent vives et l'Arménie, affaiblie et menacée, semble revivre certains échos de ce passé douloureux. Comprendre les origines, le déroulement et les séquelles de ce génocide, c'est honorer la mémoire des victimes tout en restant vigilant face aux périls contemporains.

Aux sources d’un anéantissement

À la veille de la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman était un géant aux pieds d’argile. Affaiblie par des pertes territoriales depuis le début du XIXe siècle, rongée par des tensions internes, la Sublime Porte cherche des boucs émissaires pour expliquer ses échecs et veut supprimer ceux qu’elle considère comme ses ennemis de l’intérieur. Les Arméniens, chrétiens dans un empire majoritairement musulman, sont depuis longtemps victimes de discriminations. Déjà, entre 1894 et 1896, les massacres hamidiens avaient coûté la vie à près de 200.000 Arméniens. À partir de 1908, le Comité Union et Progrès, parti nationaliste turc arrivé au pouvoir, exacerbe cette politique d’épuration ethnique et religieuse visant à l’instauration d’un seul peuple turc et musulman. Lorsque éclate la Première Guerre mondiale, les Arméniens sont alors accusés d'être une cinquième colonne soutenant l'ennemi russe, prétexte utilisé pour justifier une répression radicale menant au génocide.

Une extermination planifiée

Ainsi, le 24 avril 1915, plusieurs centaines d'intellectuels arméniens sont arrêtés à Constantinople, marquant le début d'un processus d'extermination systématique. De nombreux Arméniens sont alors exécutés sommairement, tandis que les survivants sont déportés vers les déserts syriens, notamment vers le camp de Deir ez-Zor, dans des « marches de la mort » sans fin, sans eau et sans nourriture. Des milliers d'enfants sont également séparés de leur famille pour être convertis à l'islam. L'ambassadeur américain Henry Morgenthau, témoin direct de cette horreur, tenta de la dénoncer et de sensibiliser l'opinion internationale. À l'issue de la guerre, plus d'un million d'Arméniens avaient disparu.

Les séquelles du génocide

Ce crime de masse bouleversa à jamais le destin du peuple arménien. Chassés de leur patrie historique, les survivants se dispersèrent dans une vaste diaspora, notamment en France, aux États-Unis, au Liban ou en Russie. Cette dispersion, profondément marquée, joua un rôle clé dans la conservation de la mémoire et la reconnaissance des horreurs du passé. Cependant, la Turquie moderne, héritière de l'Empire ottoman, refuse toujours de reconnaître ce génocide, malgré la reconnaissance par plus de trente pays, dont la France depuis 2001. À cette occasion, le Premier ministre François Bayrou a participé à la commémoration annuelle des victimes du génocide arménien ayant eu lieu ce 24 avril à 18h à l'esplanade d'Arménie, dans le VIIIe arrondissement de Paris.​

Réminiscences tragiques : l’Arménie menacée en 2025

Ce 110e anniversaire du génocide arménien survient également dans un contexte dramatique pour l’Arménie actuelle. Depuis la guerre éclair de 2020 au Haut-Karabakh, puis l’attaque de 2023 qui a provoqué la chute de l’Artsakh, l’Arménie fait face à des périls existentiels.

En effet, le pays subit une pression constante de l’Azerbaïdjan : sur le plan diplomatique, on lui impose un traité humiliant exigeant même une révision de sa Constitution visant à faire disparaître toute revendication sur l’Artsakh, terre historiquement arménienne ; sur le plan militaire, les tirs azéris menacent régulièrement des villages frontaliers, comme Koznhavar, où la population vit sous tension, et sur le plan judiciaire, les anciens dirigeants arméniens de l’Artsakh sont détenus à Bakou et jugés dans des procès qualifiés de politiques.

Face à cette situation critique, SOS Chrétiens d’Orient appelle la France à soutenir fermement l’Arménie, à défendre sa souveraineté et à œuvrer pour la libération des prisonniers politiques. Benjamin Blanchard, directeur général de l’association, déclare ainsi : « La mémoire du génocide arménien est d’autant plus importante en ce moment. Comme il y a 110 ans, l’Arménie est à un tournant de son Histoire, attaquée par l’Azerbaïdjan et lâchée par ses alliés et amis. Jamais sans doute la nation arménienne n’a été aussi seule. C’est bien d’honorer la mémoire des morts de 1915 ; ce serait encore mieux de protéger leurs descendants en 2025. »

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

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