Ces incendies symboliques qui ont marqué la France

Incendie des Tuileries en 1871
Incendie des Tuileries en 1871

Au nombre des pertes irrémédiables, l’humanité peut pleurer sur les cendres de la bibliothèque d’Alexandrie (47 av. J.-C.), sur celles du Capitole (69 ap. J.-C.), du Temple de Jérusalem (70), de la toute première cathédrale de Chartres (743), du premier palais des Doges à Venise (976), du mont Saint-Michel (992), etc. Combien d’édifices détruits, emportés par les flammes avec leur histoire, leur âme, les trésors qu’ils possédaient ? Le décompte est impossible et la mémoire s’est effacée.

Plus près de nous et en France, d’autres incendies ont précédé des décisions politiques importantes. C’est le cas de l’incendie de l’ambassade d’Autriche, le 1er juillet 1810. Ce jour-là, le prince de Schwarzenberg, ambassadeur d’Autriche en France, organise une fête pour célébrer le mariage de Napoléon Ier (1769-1821) et de l’impératrice Marie-Louise (1791-1847). La bougie d’un lustre met le feu à la salle de bal en enflammant une draperie. Le bâtiment, situé à l’angle de la rue de la Chaussée-d’Antin et de la rue Lafayette, prend feu. Des dizaines de personnes, membres de l’élite politique et militaire de la France et de l’Autriche, périssent. Ainsi, Pauline Charlotte d'Arenberg-Hohenfeld, princesse Joseph de Schwarzenberg et belle-sœur de l'ambassadeur. Elle avait trente-six ans et était mère de huit enfants, enceinte du neuvième ; la princesse de la Leyen[ref]Elle devait se marier avec le comte de Tascher de la Pagerie.[/ref] qui, elle aussi, avait été sauvée une première fois, était retournée dans la salle enflammée pour y chercher sa fille ; la comtesse Françoise Labinska, femme du consul de Russie, etc. Napoléon tire une conclusion de cet incendie : le corps des gardes-pompes est dissous et remplacé, le 10 juillet 1811, par un corps militaire de sapeurs du génie de la Garde impériale chargé d'assurer la sécurité incendie des palais impériaux. Le corps des sapeurs-pompiers est né.

Un autre incendie majeur va marquer l’opinion et le monde politique : celui des Tuileries, en mai 1871, symbole d’un Second Empire qui, si l’on en croit les historiens, ne fut pas aussi désastreux qu’on a pu le croire et qui a permis quelques avancées sociales importantes. Habité, notamment, par Henri IV, Louis XV, Louis XVIII, Louis-Philippe, il était aussi attaché à l’image de la monarchie. En partant en fumée, le palais des Tuileries signifiait la fin définitive des ères royale et impériale pour ancrer le Louvre (qu’il fermait physiquement) dans une dimension plus républicaine. Presque mille ans d’histoire évaporés pendant les quatre jours que le feu a mis pour détruire l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture française[ref]Un projet de reconstruction est en cours[/ref]

L’incendie du bazar de la Charité, qui s’est déclaré le 4 mai 1897, a été aussi tragique que marquant. Mis en place douze ans auparavant, ce marché situé rue Jean-Goujon (actuel 8e arr. de Paris) reposait sur le principe de vendre des objets - lingerie et colifichets divers - au profit des plus démunis. L’incendie, qui se répand rapidement, est causé par la combustion des vapeurs de l'éther utilisé pour alimenter la lampe du projecteur du cinématographe - une nouveauté à l'époque. On relève 121 victimes parmi lesquelles Son Altesse Royale Sophie-Charlotte, duchesse d’Alençon et sœur de l’impératrice Sissi, la comtesse de Moustier, la baronne de Saint-Didier, le général Gustave Munier, etc. Cet incendie ravive le combat entre laïcards et catholiques sur fond de lutte des classes alors même que les coups de grisou et les victimes se multiplient sans réaction ni compassion pour les mineurs décédés… [ref]Saint-Éloi (Puy-de-Dôme) 27 février 1897, Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) 3 février 1895 et 6 avril 1897, etc.[/ref]

Le 28 octobre 1938, c’est au tour du magasin des Nouvelles Galeries de Marseille, sur la Canebière, de partir en fumée, tuant 73 personnes dont de nombreuses employées du magasin. Au même moment se tient, à quelques encablures, le congrès du Parti radical, conduit par Édouard Daladier (1884-1970). Celui-ci, constatant la désorganisation des pompiers, se serait écrié : « Mais qui commande, ici ? » Finalement, ce sont les marins-pompiers qui arrivent à la rescousse à la demande de l’amiral Muselier[ref]Grand-père de Renaud Muselier, président de la région PACA[/ref] et qui, à partir de cette date, défendront la capitale phocéenne contre les incendies.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/04/2019 à 10:35.

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