Ces jeunes qui s’immolent : mourir pour exister ?
3 minutes de lecture
Quand, au début de ce mois, un jeune Lyonnais s’est immolé devant l’immeuble du CROUS, on a sorti les mouchoirs et les pancartes. Les médias ont ressassé en boucle le sort épouvantable fait à notre jeunesse, les syndicats étudiants se sont emparés de l’affaire, on a manifesté, on a pétitionné, les ministres ont été sommés d’endosser la responsabilité d’un acte aussi pathétique qu’insensé.
Et puisqu’il faut désormais réagir à la vitesse de la lumière, le gouvernement « coupable, forcément coupable », a débloqué des fonds. On envisage, maintenant, le revenu universel, voire le salaire pour étudier à vie puisque chacun, aujourd’hui, semble s’offusquer que l’octroi d’une bourse soit, en principe, conditionné à l’obtention des diplômes. Le ministre de l’Enseignement supérieur a également annoncé qu’il y aurait désormais une sorte de « décharge syndicale » pour les étudiants comme elle existe pour les salariés, le dévouement à la cause commune valant diplôme… On peut alors imaginer que, s’il se remet un jour de ses horribles blessures, ce malheureux Anas K., qui triplait sa seconde année, se réveillera licencié en sciences politiques… Pour l’heure, toujours plongé dans un coma artificiel pour lui éviter les pires souffrances, il demeure ignorant de son heure de gloire.
Se transformer en torche vivante serait donc le dernier recours pour exister enfin ? On peut le croire, en effet, et craindre à ce sujet une contagion mortelle. Car comment expliquer qu’une jeune fille de 18 ans se soit, lundi, aspergée d’essence et jetée du premier étage dans l’atrium de son lycée, à Villemomble ? Un établissement enviable de Seine-Saint-Denis, et une jeune fille dont, pour l’heure, on ne peut justifier l’acte que par « des problèmes psychologiques ».
À l’évidence, choisir de se transformer en torche vivante, c’est-à-dire s’infliger des souffrances épouvantables avec plus de risques de finir estropié à vie qu’entre quatre planches, ne témoigne pas d’une bonne santé mentale. Pour parler trivialement, il y a plus radical et moins barbare comme façon de se tuer.
« Regardez-moi, je brûle ! » Et le pire est qu’ils regardent. Car si la direction de l’établissement et le rectorat affirment que « les élèves ont été immédiatement confinés, notamment pour éviter les prises de photographies qui auraient ensuite pu fuiter sur les réseaux sociaux », plusieurs lycéens, scandalisés, ont confié au Parisien que, « alors que Madina était au sol et criait de douleur, des élèves filmaient la scène pour la diffuser sur Snapchat ».
Pas de revendication postée sur Facebook, cette fois, mais on nous dit que Madina « avait déjà communiqué sur ses intentions de suicide. Elle était connue pour des troubles psychologiques et suivie par un professionnel. » Ses camarades de classe vont plus loin et évoquent « une précédente tentative de suicide au lycée récemment » et des soupçons de « harcèlement ».
Sur quelle histoire pourrie va-t-on encore tomber : « homophobie », « grossophobie », « tournante », racisme ordinaire, petit ami indélicat qui aura balancé des photos intimes sur les réseaux sociaux ? Qu’importe la raison, les coupables sont ailleurs – forcément, là encore – et les jeunes du lycée se préparent à manifester. Veulent organiser un blocus du lycée (sic), « habillés tous en noir » devant l'établissement pour dénoncer « l'inaction de l'administration après sa première tentative de suicide », nous dit Le Parisien.
Je ne sais pas si « l’Enfer, c’est les autres », selon les mots de Sartre, mais le coupable, assurément. On doute fort, en effet, que cette jeune fille ait été harcelée par l’administration ou victime d’exactions gouvernementales. Pas « précaire » non plus, à ce qu’il semble. Et si l’Enfer c’était les réseaux sociaux, tous ces faux amis qui sont de vrais voyeurs, harceleurs numériques qui vous poussent à mourir pour exister enfin ?
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :