Cesare Battisti : retour à la case départ
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Cesare Battisti appartient à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… refrain connu. Un temps qui fait passer nos heurts et malheurs du jour pour une aimable plaisanterie.
Ce temps-là, ce sont les années 70 du siècle dernier. Les « années de plomb », grises dans l’âme et couleur de sang. Les groupuscules d’extrême gauche mettent l’Allemagne, la France et l’Italie en transes. Bande à Baader, Action directe, Brigades rouges… C’est la chasse aux patrons qu’on enlève contre rançon, aux attentats… Les révolutionnaires, toujours ou presque enfants des beaux quartiers, sèment la terreur tandis que leurs dieux (les Mao, Pol Pot et compagnie) sont encensés par tous nos intellectuels.
Il est bon de s’en souvenir quand on entend les remontrances acides d’un BHL, comme le soulignait ici même Georges Michel. BHL qui, dans ces années-là, avait pour les dictateurs communistes les yeux de Chimène et dénonce aujourd’hui "l’éternelle génuflexion des dévots pressés de communier, quoi qu’elles disent, avec les foules qui s’autoproclament “le peuple”".
Entre 1977 et 1979, au plus fort de cette hystérie, l’Italie "comptait plus de 300 groupes terroristes pour 2.000 à 2.500 attentats par an", écrit Le Monde, oubliant lui aussi ses vieilles passions rouge vif… C’est alors que Battisti a intégré les PAC, mouvement des Prolétaires armés pour le communisme, l’un des plus violents. C’est, pour lui, le début de la clandestinité.
Impliqué dans quatre meurtres, jugé, condamné, évadé, rejugé, recondamné deux fois à la perpétuité (par contumace), cela fait 37 ans que l’Italie tentait de remettre la main sur ce "héros" à qui la France complaisante a offert l’asile. Comme l’écrivait Marcelle Padovani dans L’Obs, en octobre dernier : "Vu de France [Cesare Battisti] est clairement un persécuté politique, un de ces militants d’extrême gauche qui ont flirté autrefois avec la lutte armée quand ils ne s’y sont pas dédiés, et qui ont obtenu le soutien, la solidarité et l’assistance de bon nombre de personnalités séduites par leur parcours heurté d'“activistes” conséquents : de Bernard-Henri Lévy à Philippe Sollers, en passant par Fred Vargas, ces intellectuels lui ont permis de bénéficier de la dénommée “doctrine Mitterrand”."
Rappelons que la doctrine en question aura cours jusqu’en 2002, le gouvernement Raffarin rompant alors avec cette politique douteuse pour extrader Paolo Persichetti, membre des Brigades rouges condamné lui aussi pour meurtre.
Installé en France en 1990, il devient donc la coqueluche de Saint-Germain-des-Prés, qui en fait un romancier à succès. C’est toujours plus facile de se faire éditer quand on est un terroriste en cavale qu’une caissière de Monoprix. En 2004, quand le gouvernement autorise son extradition vers l’Italie, Battisti commence à se dire innocent. Jusque-là, il disait tout assumer, mais ça, c’était avant.
Il s’enfuit au Brésil, où Lula lui accordera le statut de réfugié politique, déclenchant la fureur des Italiens : "Assassin ? Terroriste ? Écrivain ? Toujours en fuite, Battisti ! Mais aussi toujours protégé par les puissants", titre alors la presse.
"Battisti n’était qu’un banal voleur qui s’est politisé en prison", a dit un jour l’un de ses juges. L’intelligentsia de gauche en a fait une figure christique.
Du Brésil, Battisti est parti vers la Bolivie où il s’est fait arrêter au moment de franchir la frontière, en octobre dernier. Avec un joli pactole dans les poches, paraît-il. Ramené à São Paulo, il a été assigné à résidence. Mais il a la cavale dans le sang, alors il a repassé la frontière et c’est à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie, qu’il a été appréhendé dans la soirée du samedi 12 janvier. Direction l’Italie, où il est arrivé ce lundi matin.
"Cesare Battisti, 63 ans, est donc en train de jouer son dernier rôle : celui du persécuté. Après avoir su admirablement jouer celui de l’ignorant, de l’innocent, et du guérillero", écrivait L’Obs, voilà un an. Il lui reste à endosser le rôle du prisonnier…
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