C’est dit : la Turquie est dans l’Europe !

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L’Histoire est la petite copine d’Emmanuel Macron, même s’il ne se gêne pas pour lui tordre un peu le bras de temps en temps. En revanche, le lettré de l’Élysée semble résolument fâché avec la géographie. On se souvient qu’il avait qualifié la Guyane d’île en 2017. Un lapsus, s’était-on empressé de dire. Et ses fidèles de nous dire qu’il avait voulu parler de l’île de Cayenne. Mettons.

Dans son livre publié en 2016, Révolution, sorte de Petit Livre rouge en vente dans toutes les bonnes librairies et points presse, notre phare de la pensée occidentale avait déjà commis une « légère » bourde géographique : "Lorsqu’on habite Stains, en région parisienne, ou Villeurbanne, en région lilloise, il est plus simple de créer son entreprise et de chercher des clients que d’avoir un entretien d’embauche…" Villeurbanne, ville accolée à Lyon, 150.000 habitants - excusez du peu -, se situe dans le Rhône. Il est vrai qu’on ne peut pas tout savoir.

La nouvelle fâcherie du Président avec la géographie date de mercredi soir, à l’occasion de son interview donnée à TF1 sur le porte-avions Charles-de-Gaulle.

Mais avant d’y venir, un mot, tout de même, sur le lieu choisi. On avait le sentiment d’un Président qui était venu se mettre à l’abri de ce peuple de bouseux qui gronde dans les campagnes. Les gilets jaunes ne sont pas des gilets de sauvetage et ne risquent donc pas de prendre à l'abordage le fier bâtiment. Alors que les Français attendaient surtout qu’Emmanuel Macron leur parle de leur quotidien, ils ont eu droit à un Président stratosphérique, candidat au sauvetage de l’Europe et de la planète, fier du beau joujou que la République lui a confié pour cinq ans. Notons, au passage, que le porte-avions ne vogue pas au gazole. Donc, c'est bon pour la planète. Un joujou, en principe, destiné à servir d’abord, essentiellement, les intérêts de la France. Alors, que penser du drapeau européen qui pavoisait en arrière-plan au côté des couleurs nationales ? Tout simplement cohérent avec les propos tenus par le chef des armées.

"Parce qu’il y a ces nouvelles menaces, parce qu’il faut nous rééquiper. Et donc l’armée, c’est, aujourd’hui, après l’Éducation nationale - ce qui est très cohérent -, le deuxième budget de la nation. Et nous allons continuer." Jusque-là, très bien. Sauf que le Président se garde bien d’évoquer les 800 millions d’euros « piqués » (pour faire court) à la Défense dans le projet de loi budgétaire rectificative. Il est vrai que ce gouvernement est passé maître dans l’art de prendre d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Mais la suite du propos présidentiel va plus loin : "Et cela, je veux aussi le faire au niveau européen. Parce qu'on doit protéger nos partenaires européens [on comprend vite de qui nous devons les protéger…] : la Finlande, la Pologne, la Grèce, la Turquie, ceux qui sont aux confins de l’Europe et qui sont parfois à côté de puissances avec lesquelles nous discutons tous les jours…"

Donc, la Turquie fait partie de l’Europe.

Nous sommes heureux de l’apprendre en direct du Charles-de-Gaulle. Emmanuel Macron fâché avec la géographie ? Non, à la réflexion, avec l’Histoire. Et même avec la géopolitique. Certes, la Turquie fait partie de l’OTAN mais cela n’en fait pas, pour autant, un pays européen. Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron veut substituer à l’OTAN un machin européen ? Il semblerait que oui, à l’écouter : "Il faut pouvoir les [pays cités plus haut] protéger et aujourd’hui, trop souvent, lorsque nous devons les protéger, nous nous tournons vers les États-Unis. Et donc ce n’est pas bon pour notre crédibilité, ce n’est pas bon pour l’unité de l’Europe."

Une armée européenne pour protéger Ankara contre Moscou, peut-être ? Il fallait y penser.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:28.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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