Cette rue portera le nom de…
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Pardon de revenir sur le sujet, mais on en sait désormais un peu plus sur l’idée de donner des noms d’artères à des personnes issues de la diversité, lancée par Emmanuel Macron au cours de son interview à Brut. Il n’y avait pas d’improvisation, tout était déjà dans le tube. Là, on a un plan tout réfléchi. En effet, à l’occasion d’une interview du ministre délégué chargé de la Ville, Nadia Hai, ce dimanche 6 décembre, le JDD révèle une partie de ce fameux catalogue évoqué par le président de la République. Un catalogue où il sera donc loisible d’aller piocher des noms.
Mais tout d’abord, qui ira piocher ? Car sauf à faire une loi, le baptême des noms de rues, avenues, allées, boulevards, impasses, places et autres cours est une prérogative des communes. Une décision qui fait l’objet d’une délibération votée en conseil municipal. Sauf à ce qu'Emmanuel Macron ne piétine un peu plus les libertés communales, par exemple, en imposant des quotas dans les noms d’artères, comme on impose des quotas de logements sociaux, on ne voit pas comment le président de la République pourra bien tordre le bras des maires sur ce sujet. Si l’on peut, évidemment, compter sur le clientélisme de certains en certaines communes, le faible enracinement local du parti présidentiel devrait limiter la portée de cette annonce. Maintenant, nous ne sommes à l’abri de rien avec un gouvernement capable de décréter sur tout et rien.
Ensuite, faisons amende honorable en reconnaissant que l’extrait de ce catalogue nous laisse entrevoir des noms, contrairement à ce que nous laissions entendre hier, comme Lino Ventura, Louis de Funès, Henri Salvador. Lesquels ont déjà leur plaque, ici et là. Au hasard : la place Lino-Ventura, dans le IXe arrondissement de Paris, la rue Louis-de-Funès, à Saint-Priest, dans le Rhône, ou la rue Henri-Salvador, à Bouc-Belair, dans les Bouches-du-Rhône. Comme quoi, on n’a pas attendu ce gouvernement.
Trouvera-t-on, dans cette liste, le nom du bachagha Boualem (1906-1982), vice-président de l’Assemblée nationale, grand-officier de la Légion d’honneur, fidèle à la France et contraint de quitter l’Algérie en 1962 avec toute sa famille ? Je l’ignore. En revanche, on y trouve le nom du poète et chanteur kabyle Slimane Azem. Immigré en France en 1937, il fut favorable à l’indépendance de l’Algérie et composa, d’ailleurs, en 1957 une chanson intitulée « Criquets, quittez mon pays », dénonçant les méfaits de la colonisation. Il mourut en 1983, à l’âge de 65 ans… en France. La biographie proposée par le ministère de Mme Hai précise : « Critiquant le nouveau régime en place qui le déçoit [celui du FLN], une rumeur circule sur Slimane Azem. Il aurait collaboré avec l’armée française pendant la guerre. Il est alors contraint de s’exiler et de revenir en France. » Dans un document officiel de la République française, des guillemets à ce verbe « collaborer » eussent été un minimum… C’est ce qu’Emmanuel Macron doit appeler « ces histoires un peu fragmentées, fracturées, mais qui pour moi sont une richesse, parce que ce sont des histoires avec plein d’harmonie »… Dans cette liste, on découvre aussi Toumi Djaïdja, un des leaders de la Marche pour l'égalité et contre le racisme de 1983. Pourquoi pas, mais un détail a dû échapper : il est vivant. En général, on attend qu'une personne soit morte pour lui faire les honneurs d'une rue. Mais c'est, sans doute, un détail de l'Histoire.
Enfin, on n’est pas étonné que la romancière franco-marocaine Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la francophonie, fasse partie du comité scientifique chargé de travailler sur ce dossier prioritaire. Son absence de cette instance eût été une faute de goût. Cela dit, cela aurait permis de lui donner un nom de rue, que dis-je, de boulevard. En revanche, grand étonnement de découvrir qu’un « recueil des noms des quartiers, des immigrations et des diversités territoriales » est en cours de rédaction, comme l’a annoncé le ministre au JDD. Quésaco ? On n'a quand même pas l'idée de recommander aux maires des noms en fonction de l’origine de leurs administrés ? Faut faire autre chose, partir sur d'autres critères : tiens, les résultats au second tour de l’élection présidentielle de 2017 ! Pour être plus clair, avec un exemple : prenez, le VIIe arrondissement de Paris, qui a voté à 88 % pour Emmanuel Macron. Nul doute que serait acceptée avec le même enthousiasme la recommandation que l’avenue de La Bourdonnais devienne l’avenue Slimane-Azem.
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