Cette semaine encore, Monsieur le Président, il y avait des symboles…
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Emmanuel Macron, à la différence de ses derniers prédécesseurs, maîtrise parfaitement l’art des symboles, de la mise en scène et des mythes nationaux. Cela plaît aux Français, et c’est peut-être cela qui est dangereux !
Souvenons-nous de ce 8 mai 2016. Alors que François Hollande présidait péniblement, pour la dernière fois de son quinquennat, l’anniversaire de la victoire des Alliés, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, avait choisi de venir commémorer l’événement à Orléans et en profita pour rendre un hommage vibrant à sainte Jeanne d’Arc. Dans un discours d’une quinzaine de minutes, l’impertinent convoqua références historiques et littéraires : Michelet, Gambetta, Bloch, Péguy pour hisser sa prose, comme le fit avant lui de Gaulle, Malraux ou encore Pompidou, à la hauteur de la noblesse du moment. "Jeanne se fraye un chemin jusqu’au roi, c’est une femme, mais elle prend la tête d’un groupe armé et s’oppose aux chefs de guerre […] Elle était un rêve fou, elle s’impose comme une évidence."
Emmanuel Macron sait une chose : les Français, nostalgiques d’un pouvoir monarchique, attendent du chef de l’État qu’il incarne pleinement le pays. Les images, les symboles et les rites sont des usages politiques qui servent la fonction. "L’autorité ne va pas sans le prestige, ni le prestige sans l’éloignement", disait l’homme du 18 juin. À l’opposé de Nicolas Sarkozy, sa parole n’est pas bavarde. Laissant au gouvernement la gestion des affaires courantes, il la prend lorsque le protocole républicain s’y prête. À l’inverse de François Hollande, il ne file pas dans Paris en scooter, la cravate au vent. Emmanuel Macron rejoue, mieux qu’aucun de ses récents prédécesseurs, la théorie des deux corps du roi énoncée par l’historien Ernst Kantorowicz. Le chef de cette monarchie républicaine qu’est la Ve République, depuis le sacre du suffrage universel, possède un corps mortel profane et un corps spirituel et immortel sur lequel repose la continuité de l’État. Le soir de son élection, comme Mitterrand qui remonta la rue Soufflot pour se rendre au Panthéon le jour de son investiture, le tout jeune Président alla au Louvre et, dans une mise en scène soigneusement orchestrée, s’adressa au peuple tout entier.
Lorsqu’il reçut Vladimir Poutine, il n’hésita pas, le temps d’une journée, à élire domicile au château de Versailles et accueillir son hôte sous les fenêtres de la chambre du Roi-Soleil. Cette semaine encore, il y avait des symboles, lundi, pour accueillir plus d’une centaine de dirigeants de grandes entreprises du monde. L’ensemble du gouvernement et le Président se rendirent à nouveau à Versailles afin de "signifier que la France était de retour sur la scène économique mondiale".
Mais au-delà de la forme que nous aimons, où est le fond ? "La politique peut être un art assez fécond ou bien une vaine utopie", disait le Général. Que penser d’un président de la République française qui, lors de ses vœux au pays, s’adresse à ses "concitoyens européens" et, en refusant le pouvoir qui lui a été confié par le peuple, propose dans un discours resté célèbre "une Europe souveraine, unie et démocratique" contre le "souverainisme de repli". Que dire d’un président de la République qui déclara, alors qu’il était candidat, qu’il n’y a pas de culture française ? Plus de souveraineté nationale, plus de culture, donc plus de peuple.
Pourtant, Monsieur le Président, la res publica, comme l'écrivait Montesquieu, est ce régime "où le peuple en corps a la souveraine puissance". Alors ce que nous aimerions avant tout, en plus des quelques symboles réinstaurés, c’est un peuple retrouvé et une souveraineté affirmée.
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