Charlie Hebdo : dix ans plus tard, c’est pire

@John Robert McPherson/Wikimedia Commons
@John Robert McPherson/Wikimedia Commons

Il y a dix ans, les frères Kouachi entraient dans les locaux de Charlie Hebdo, faisaient irruption au beau milieu d’une conférence de rédaction, demandaient qui était Charb, le tuaient, puis arrosaient indistinctement toute la salle. On les vit, également, tuer un homme à terre, dans la rue. Ils furent retrouvés et neutralisés, mais désormais, tout le monde savait qu’en France, le blasphème contre la religion musulmane pouvait avoir un prix : celui de la vie.

Une décennie a passé. Les politiciens, qui disaient si fort qu’ils « étaient Charlie », se sont dégonflés. Ceux que notre excellent confrère Xavier Eman appelait « les Jean Moulin du kir cacahuètes », sortis en terrasse après les tueries « pour résister », ont fini par se calfeutrer, physiquement et mentalement, histoire de ne pas avoir d’ennuis. Dans les journaux, on se moque toujours des cathos, cible d’autant plus facile que personne ne les défend. Depuis le 7 octobre, on a tendance à éviter les Juifs, ce qui relève d’une décence bien comprise (sauf à l’extrême gauche, naturellement). Et, depuis 2015 donc, on ne dit plus rien des musulmans. Au pays de la liberté d’expression, de Voltaire, des droits de l’homme et toute cette sorte de choses, la charia a pris ses droits sur la presse, l’humour, la politique et toute forme d’expression publique en général.

Charlie a tenté, une fois ou deux, de remettre le sujet sur le tapis. En 2020, d’ailleurs, un Pakistanais nommé Zaheer Mahmood s’est rendu devant les anciens locaux du journal pour en remettre une couche. Il était armé d’une machette. Les provocateurs avaient déménagé et le brave homme fut arrêté en compagnie de cinq complices originaires du même pays. Par une cocasse ironie du sort, son procès s’ouvre, justement, ce 6 janvier, au moment même où tout le monde, sur toutes les télévisions, va rivaliser de « plus jamais ça ». Notons, pour la petite anecdote, que son geste a été « glorifié » dans son pays d’origine, tout comme les Tchétchènes avaient salué la décapitation de Samuel Paty par leur compatriote. À croire que plus on cherche des musulmans modérés, moins on en trouve…

Une décennie d'inactions

Bref, depuis dix ans, que s’est-il passé, en France ? Y a-t-il eu la moindre réaction concrète à ce massacre ? Des condamnations successives « avec la plus grande de toutes les fermetés », des coups de menton successifs des ministres va-t-en-guerre (Valls, Cazeneuve, Darmanin…), qu’est-il resté, après une décennie d’inactions, d’OQTF restées lettre morte, d’humiliations permanentes de la France et des Français par des gens qui les détestent, d’attentats déjoués, d’imams filmés en train d’insulter notre pays ? Rien. Il n’est rien resté et il ne s’est rien passé.

Cette commémoration risque bien d’avoir le parfum amer des choses qui sont arrivées pour rien. Ce déprimant sentiment d’impuissance se doublera, en outre, d’un macabre décompte qui est, lui, bien tangible. Ne soyons pas inutilement pessimistes, mais posons-nous la question très sincèrement : est-on, en France en 2024, plus ou moins libre de dire ce que l’on veut ? Et, plus généralement, les femmes sont-elles plus ou moins libres de s’habiller comme elles le veulent ? Les enfants sont-ils plus ou moins libres de ne pas faire le ramadan dans certaines écoles ? Ne sommes-nous pas en train de connaître une de ces périodes de perte d’énergie vitale qui caractérise l’essoufflement des civilisations ? Il est possible que non, mais ça y ressemble fort tout de même.

Alors, quand nous penserons aux morts de Charlie, pour qui l’auteur de ces lignes n’avait pas beaucoup de respect de leur vivant, et à qui la mort a tragiquement donné une stature de martyrs, demandons-nous plutôt si leur massacre ne nous a pas collectivement fait basculer dans la grande trouille, celle qui congèle la volonté. Et si la charia n’est pas en train de devenir, de facto, notre nouveau Code civil.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Je n’ai jamais aimé Charlie, qui se permet d’odieuses irrévérences avec la religion catholique et a cru pouvoir faire de même avec une minorité moins bonobo et tolérante… 
    Les martyrs de l’islamisme n’ont en commun que ces fous furieux qui voudraient nous imposer la Charia, mais je fais une grande distinction entre elles !
    Pour moi Charlie est mort à cause de sa stupidité provocante…
    Paty est mort au champ d’honneur en faisant son métier selon ses convictions et il mérite notre respect…
    Beltrame est mort en héros dans un ultime sursaut de grandeur, il mérite aussi tout notre respect et notre admiration.

  2. Dans ma Commune, le Maire écolo vient de faire placer 4 plaques commémoratives à la mémoire de Samuel PATY « victime du terrorisme ». Le qualificatif « islamiste » eut sans doute été déplacé puisque occulté … Cela participe des mensonges « par omission ».

  3. Sans oublier la récupération de ce drame par certains politiques, un certain Hollande en tête…mais d’autres aussi. D’ailleurs on va voir comment monsieur Loyal-Macron va se comporter pour en « célébrer » les 10 ans.

  4. Je ne fus jamais Charlie. Les terroristes furent accueillis par les zintellectuels et autres crétins utiles n’ayant aucune culture islamiste. Faire entrer l’ennemi est criminel.
    Aucun pouvoir n’a demandé à ses administrés l’autorisation d’imposer ses volontés. Pour moi, c’est non et télévision éteinte.

  5. Et bien moi je ne suis pas Charlie ! Je ne l’étais pas non plus en 2015 et je refuse de m’enfermer dans cet étau idéologique qui consiste à être un journal qui bafoue mes croyances religieuses, et de surcroît semble être de connivence avec le marxisme et la franc-maçonnerie. Il faut éradiquer l’islamisme, dont Charlie hebdo en a été victime, mais aussi des centaines de français anonymes ont également laissé leur vie. Et je ne me reconnais bien plus en ces français qu’en Charlie. Donc je suis Aurélie Châtelain, je suis le père Hamel, je suis Arnaud Beltrame, mais je ne suis pas Charlie, ni Charb, ni Cabu. Je les soutiens en tant que victime de l’islamisme point.

    • Victimes de l’islamisme, de leur crédulité et de leur incrédulité. Ces gens pensaient qu’on pouvait s’attaquer à mahomet comme on s’attaque au Pape. Grave erreur, les islamistes ne sont pas comme les chrétiens, ils ont payé leur erreur de leur vie.

      • Leur erreur a surtout été de croire qu’un islamiste pense et raisonne comme un chrétien. Les ingénus! Nous n’avons pas les mêmes valeurs, à l’évidence, et surtout les chrétiens ont abandonné la violence depuis au moins 300 ans. Pas les autres, à l’évidence aussi.

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