Charlie Watts : la pierre angulaire des Rolling Stones s’en est allée

Charlie_Watts_(1981)

Les gentlemen sont rares, dans le monde débraillé du rock. Indubitablement, Charlie Watts, avec 58 ans passés à jouer des tambours pour les Rolling Stones, en était un. Il vient de nous quitter juste après avoir fêté ses quatre-vingts printemps.

Très logiquement, les hommages de ses pairs tombent comme à Gravelotte. Pour Elton John, il s’agissait d’un « homme élégant et d’une brillante compagnie ». En effet, si les accoutrements de ses complices avaient parfois de quoi laisser perplexes, Charlie Watts fut, sa vie durant, toujours tiré à quatre épingles. Il arrivait même à être chic, en costume et tee-shirt, voir même déguisé en hippie ; c’est dire. Grand collectionneur d’armes et d’uniformes, avec une prédilection pour ceux des troupes confédérées, il était esthète. Ce que confirme Keith Richards : « Comment décrire un gars qui achète une Alfa Romeo de 1936, uniquement pour observer le tableau de bord ? Charlie ne sait pas conduire. »

En revanche, il n’était pas manchot devant une batterie réduite à sa plus simple expression : une grosse caisse et une claire, une charleston et deux cymbales. Ça lui suffisait pour faire le job.

Keith Richards se souvient de son arrivée au Marquee, club londonien, alors que les Rolling Stones ne portaient même pas encore ce nom : « Charlie est juste venu me faire ses compliments. Ça tenait en quelques mots du genre "you’re great", mais venant de lui, ça valait tous les éloges. Il y a eu un silence, puis il a ajouté "vous avez quand même besoin d’un putain de bon batteur". C’est tout ce qu’il a dit. » Et Charlie Watts fut embauché, alors qu’il n’aimait guère… le rock.

Interrogé par nos soins, Nicolas Ungemuth, exerçant ses talents à la fois à Rock & Folk et au Figaro Magazine, confirme : « J’appréciais son swing et sa finesse, aux antipodes de tous les autres batteurs de rock. D’ailleurs, il n’aimait pas le rock et adorait le jazz. Ceci explique sans doute cela. » On a déjà lu plus idiot.

Ainsi, dès qu’il avait du temps de libre, le défunt, fort de son Charlie Watts Quintet, humblement destiné à honorer ses pairs, Max Roach, Kenny Clarke et autres Buddy Rich, multipliait les concerts. Le paradoxe était que ce fou de jazz détestait les solos de batterie, au même titre qu’un de ses homologues, autre batteur lui aussi tristement sous-estimé, Ringo Starr, des Beatles ; lequel vient de sobrement tweeter : « Dieu bénisse Charlie Watts ! »

Ceux qui peuvent aussi le bénir, fût-ce de manière rétrospective, ce sont les Rolling Stones, sachant que dans les années 80, au plus bas de leur carrière, ce bon Charlie – sans oublier le brave Ron Wood – parvenait à mettre du liant entre ces deux frères ennemis qu’étaient Mick Jagger et Keith Richards. Ce dernier avouait : « S’il y a un souci entre Mick et moi, c’est à Charlie qu’il faut que je m’adresse. Je lui dis : "Charlie, d’après toi, est-ce que je devrais aller dans la chambre de Mick et le pendre ?" »

Ainsi, les groupes du genre n’ont-ils pas eu la chance d’avoir un Charlie qui, passant au travers de la furie des drogues et des frasques extraconjugales demeura toujours fidèle à sa dame de cœur, la belle Shirley, épousée en 1964. Le bassiste Bill Wyman, le plus dissipé de la bande alla jusqu’à reconnaître : « Je ne lui ai jamais connu d’autre femme que la sienne. »

Pour la petite histoire, une fois, Charlie Watts s’énerva lorsque Mick Jagger, recevant des journalistes en studio, le présenta de la sorte : « Charlie Watts, c’est mon batteur ! » Et ce dernier de se lever, de coller une sévère droite à son altesse Mick, si sèche qu’elle le laissa sur le carreau, avant de préciser : « Cher Mick, je ne suis pas ton batteur, mais celui des Rolling Stones… » Et il alla ensuite se rasseoir sur son tabouret.

Après, une question demeure : les Rolling Stones poursuivront-ils leur tournée mondiale, interrompue pour cause de pandémie ? Nicolas Ungemuth, toujours : « Pour moi, les Stones sans Bill Wyman et Charlie Watts, c'est comme les Who sans Keith Moon et John Entwistle : une absurdité. »

Voilà qui n’est pas faux. Repose en paix, Charlie et, surtout, merci pour tout !

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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