Chemin de Compostelle : un retour actuel d’expérience spirituelle

St-jacques_-_Limoges

Nous avions montré ici que le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle est une planche de salut personnel et une œuvre d’intérêt général. Métaphore de la vie humaine, ce pèlerinage, accompli récemment en douze semaines et mille sept cents kilomètres de marche, est une ressource bénéfique pour notre époque déracinée et déspiritualisée. Longtemps délaissé, il connaît un regain de fréquentation.

Regain de fréquentation

Au-delà de la Via Podiensis du Puy-en-Velay à Saint-Jean-Pied-de-Port, le Camino Francés mène plein ouest à Santiago à travers la Navarre, le Rioja, la Castille et la Galice. Puis il rejoint Fisterra (« Fin de la terre »), sur la côte atlantique où l’apôtre Jacques le Majeur est venu évangéliser les adorateurs païens du culte solaire. De la découverte de sa relique au IXe siècle, sous la pression des invasions musulmanes, date la tradition de ce pèlerinage international.

Le Camino Francés est chargé d’une saisissante densité architecturale, alliée à un intense rayonnement énergétique. Le long des flux magnétiques du 42e parallèle, il suit la Voie lactée du soleil levant au soleil couchant, symboliquement de la naissance à la mort, préalable à une renaissance. C’est pourquoi les pèlerins, en signe de rédemption, déposent une pierre au pied de la Cruz de Hierro, grande croix métallique installée au sommet des monts du León, à la jonction de deux courants telluriques. Auteur d’un ouvrage fouillé sur le sujet, Angel, architecte espagnol rencontré à Navarrete, consacre sa vie à la recherche et sa maison familiale à l’accueil des pèlerins, selon la tradition d’hospitalité chrétienne du donativo.

Bien entretenu, le chemin se déroule à l’écart du bruit mécanique et médiatique. La traversée des villes fait d’autant mieux apprécier les mélodies et les harmonies naturelles. Bain de jouvence, il sinue dans des paysages bucoliques variés, habités par des populations fières de leur identité et de leur patrimoine. Chacun est invité à entreprendre cette marche initiatique seul ou accompagné, à son rythme, selon ses capacités et son choix d’organisation, d’hébergement alterné dans des communautés religieuses, des gîtes, des abris de fortune ou sous le champ des étoiles (Campo Stella). « À chacun son chemin », dit le dicton.

Le temps long du « Camino », trait caractéristique rare à notre époque pressée et fascinée par le virtuel en mode différé, invite à une immersion profonde et prolongée dans un environnement indissociable de nature préservée, de culture conservée et de culte perpétué. Au fil de cette longue pérégrination opère un processus lent et imperceptible de maturation qui transforme le marcheur en pèlerin. Les rencontres imprévues y sont riches d’échanges spontanés. Partageant les mêmes efforts et réconforts, munis du carnet qui fait foi du parcours réalisé (credential), on ne triche pas.

Expérience riche de sens (direction, signification, sensation), le chemin atteint sa plénitude dans la tradition chrétienne de méditation, de contemplation et de prière. « Ultreïa, Suseïa ! » (« Allons plus loin, plus haut ! »), s’encouragent les pèlerins pour se dépasser. Comme ailleurs, le christianisme y a fécondé, sans les effacer, des civilisations antiques ibères, celtiques, druidiques, romaines, dont les traces restent visibles et vivantes. Car représenter, c’est rendre présent, continûment.

L’exhortation apostolique Evangelii gaudium (« La Joie de l’Évangile », 2013) décrit « quatre principes reliés à des tensions bipolaires propres à toute réalité sociale » : le temps est supérieur à l’espace ; l’unité prévaut sur le conflit ; la réalité est plus importante que l’idée ; le tout est supérieur à la partie. Ces principes s’appliquent au chemin de Compostelle, qui n’est pas hors du temps mais de tous les temps, en particulier du nôtre, qui ferait bien de s’en inspirer.

Racines chrétiennes

Les dirigeants européens ont renié nos racines chrétiennes contre la volonté des peuples. Ne reconnaissent dans le chemin de Compostelle qu’un patrimoine culturel. Il est, en réalité, un bien commun de l’Humanité, d’une nature avant tout et par-dessus tout spirituelle. Héritiers redevables, il nous revient de le vivre, de le protéger et, si besoin, de le défendre face aux assauts antichrétiens. Car la tradition implique la transmission. « L’arbre ne se lève qu’en enfonçant ses racines dans la terre nourricière », nous dit saint Jean-Paul II.

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Jean-Michel Lavoizard
Ancien officier des forces spéciales. dirige une compagnie d’intelligence stratégique active en Afrique depuis 2006

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Oui le chemin de Compostel je l’ai fait sur une portion du parcours à partir de Nabisnal.
    Pour la Chrétienté restons prudent car le Wokismede Macronie et autre en liens avec U.S. en minorité a mis le turbo pour s’infiltrer en France.
    le jour où ils marieront des hommes entre eux ou des femmes, ou baptiseront des bébés PMA ou GPA, ce ne sera plus la même Religion sans que notre vie soit meilleure, voir pire en Guerre de Religions contre Orthodoxies…Quand un Président de la République (pour ce qu’il en reste) fait discours en Cathédrale, ce qui n’a jamais été depuis toujours de Roi, Reine, Prince, Président, il y a lieu de rester sur la défensive. Ayant fait leur nid dans La Religion ils se voudront les plus puissants…

  2. partis de Gap en 2019, nous y sommes allés en pleine canicule ce qui nous a retardé car ,au début , nous ne pouvions faire que 15 km /jour mais nous l’avons « fait ». En 82 étapes avec une moyenne de 25km/jour.
    Depuis je le conseil a qui veut l’entendre.
    Et ,s’il n’y avait pas eu leur pseudocovid, on repartait aussi sec. c’est fantastique comme expérience.
    On n’a rien lu sur le sujet, on est parti avec notre crédenciale et une liste d’accueillants,et on l’a fait

  3. Je recommence mon récit:
    Bonjour,
    Après avoir lu et relu un ouvrage offert par ma mère:  »Priez pour nous à Compostelle’ de Barret/Gurgand, nous nous sommes décidés mon épouse et moi à «  »pérégriner ». Partis de la région de Nancy nous avions crée notre itinéraire jusqu’à Vézelay: un trait tiré sur la carte et par les petits chemins et les champs, nous avons rejoint la basilique Sainte Marie Magdeleine pour ensuite emprunter la «  »Via Lemovicensis ». A pas lents munis de la «  »Credencial del peregrino », du bâton de pèlerin: le bourdon agrémenté de sa coquille nous dans la nature la plus profonde lors de nos nuitées la générosité de nos  »hôtes » . Au long des jours marcher. Marcher sans savoir quelques fois où nous allions dormir. Supporter le poids du sac, suer sous le soleil, être trempé jusqu’aux os ou gelé dans le Landes: un pied devant l’autre, avancer avec un seul but arriver au «  »camino frances » après avoir franchi le col de Roncevaux. Vivre de grand air à un rythme nouveau débarrassé de la vitesse habituelle. Démarche spirituelle, introspection dans la solitude des jours avec dans le silence de la progression le «  »frappé » du bourdon Une solitude qui nous plonge au fond de notre être et nous envahie. Cela va nous permettre de nous dépasser chaque jour dans cette marche qui devient mystique à la découverte des beautés de la nature, les réalisation de la Foi de nos bâtisseurs de cathédrales majestueuses, mais aussi de modestes églises. Dormir chez l’habitant, au dessus d’une école, dans une ancienne gendarmerie (!) dans un presbytère, chez des moines dans des cloîtres silencieux. Hôtes chaleureux. Bourges, Déols, Éguzon, Limoges, Thiviers, Périgueux, La Réole, Orthez, Ostabat … Puis Roncevaux, sans Roland, le neveu qui serait enterré à Blaye. De l’autre coté de la frontière, Roncesvalles et son dortoir d’une centaine de lits et enfin le  »Camino Frances » : Estella, Belorado,Burgos, Leon, Villa Franca, Tricastella, et enfin Santiago de compostelle et la credencial del peregrino bien remplie de tampons pour recevoir le « capitulum » certificat du pèlerinage. Long chemin qui nous a grandi à chaque pas mais aussi rendu plus humble.
    Nous avons aussi vécu cela. Nous avons prié à Compostelle. ULTREÏA ! ! !

  4. Monsieur, vous décrivez « l’outil » qu’est le CHEMEIN DE COMPOSTELLE alors qu’il n’est qu’un « outil » ! …
    Toutes les « motivations » à faire ce chemin sont très personnelles et ce « chemin initiatique » est tellement puissant qu’il est unique pour chacun ! …
    La MORT, la VIE, l’EXISTANCE sont des « potions » qui se digèrent ou pas même après cette traversée qui ne laisse pas « intacte » ! …

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