Chemin de Damas et d’ailleurs, de Michel Marmin
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Après La République n’a pas besoin de savants, titre du livre de Michel Marmin, en forme d’autobiographie cinéphilique écrite à quatre mains, et récemment salué en ces colonnes voltairiennes, l’évidence s’impose : nous avons tous un peu besoin de Michel Marmin, tel qu’en témoigne ce recueil, joliment intitulé Chemin de Damas et d’ailleurs.
De quoi s’agit-il ? De poèmes, dont l’auteur affirme souvent contourner la métrique. Et de promenades en prose, à l’occasion desquelles Michel Marmin contemple celui d’accortes passantes. Georges Brassens, dont l’œil s’égarait parfois en direction des jupons des filles et qui prenait lui aussi quelques privautés avec les pieds et les vers (toujours galants), aurait sûrement adoré.
Mais par le commencement débutons : ces quatrains qui, nous parlant de tout et de rien, vont évidemment à l’essentiel. Le tabac, par exemple :
« Trop tard pour les P4.
« Altadis a bradé les stocks de la Seita.
« Trois cigarettes à l’heure et au prix du marché,
« nous n’irons plus au bois fumer des Craven A. »
Qui connaît l’origine et le sens de ces « lauriers coupés » saura donc que l’heure de la pipe a également sonné.
La malice ne saurait exclure une certaine forme de gravité, ce drôle de paroissien n’hésitant pas à fêter la Noël :
« Des chaussons, une orange à chacun des enfants,
« du sel dans leurs sabots : quand vinrent les rois mages
« notre seigneur Jésus n’en a pas reçu tant.
« Au petit-déjeuner, du pain et du fromage
« avec un bol de lait ou un bon verre de vin. »
Tout un art, relevant parfois du septième du nom, avec ces références pour amoureux du cinéma populaire, avant que ce terme ne devienne si galvaudé :
« OSS 117 m’a donné rendez-vous
« au bar du Martinez avec Belinda Lee
« à l’heure du berger : ça tirait de partout
« alors je suis rentré et me suis mis au lit. »
Rien que pour avoir si tendrement évoqué la mémoire de Belinda Lee, actrice à la beauté fulgurante ayant mis le feu aux écrans au siècle dernier, merci. Au fait, de ces femmes, il est beaucoup question en ces pages, d’où ce carnet de bal, dressé au fil de pérégrinations parisiennes, quand Marmin ne danse qu’avec les yeux, même si le désir lui danse un peu dedans. Car aux siens, d’yeux, toutes les femmes sont peu ou prou des princesses, même si certaines ne le savent pas ou font mine de l’ignorer.
Ou comment célébrer les peaux embrassées par le Soleil, plus ou moins noires, laiteuses ou cuivrées. Les croupes également, rebondies ou pas. Le port altier de l’une, la mine dédaigneuse de l’autre. Sherlock Holmes, de par la vêture ou le maintien de son interlocuteur, parvenait à en déterminer le métier, la santé ou le statut social. En détective perpétuellement émerveillé, notre promeneur tente, lui, à partir des courbes du corps, de percer les mystères des cœurs et des âmes.
Et puis, des fois, « rien ». Ou presque, tel qu’en témoigne le récit de ce dimanche 25 août : "Rien. Si, une étrange et longiligne prostituée asiatique d’âge indécis, au visage immobile et au maintien réservé, et pour ces raisons attirante, dans l’ombre, au sortir du cinéma où je vis La Fiancée de Dracula de Jean Rollin, boulevard de Strasbourg, vers 20 heures. »
Toutes des princesses, vous dit-on. Et Michel Marmin un seigneur, à sa façon.
PS : et un autre merci pour avoir évoqué le souvenir de ce cher Jean Rollin, cinéaste parfois incompris, mais aussi l’un de nos plus grands poètes, indubitablement.
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