« Chers voisins », entre convivialité plus ou moins forcée et agressivité débridée…
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Grand moment d’émotion, ce mardi, sur RTL. Il est question du directeur de l’école des Amandiers, dans le quartier de Ménilmontant (Paris XXe), qui régale le quartier avec sa sono, tous les soirs, à 20 heures. 20 heures 3 ou 4, plutôt, après les applaudissements rituels « à nos héros du quotidien » (marque, sans doute, déjà déposée à l’INPI…). « C’est un vrai petit rituel qui s’est mis en place pour le directeur François Bonnard et son fils Jules », nous dit-on. Ainsi, tous les soirs, à partir de 19 h 15, ils grimpent la sono sur le toit de l’école et installent de quoi arroser le quartier : enceintes, table de mixage, ampli… « C’est une jouissance totale, dit monsieur le directeur, une communion, un moment de solidarité, un exutoire… »
Autre genre d’exutoire, toujours sur RTL : à Quiberon, depuis trois semaines, une femme de 36 ans vit un enfer. Elle s’est rendue plusieurs fois à l’hôpital pour vérifier qu’elle n’avait pas le Covid-19. Depuis, un corbeau sévit dans l’immeuble : tags, menaces… Ils ont tagué la porte comme la voiture, dit son mari : d’abord « dégage », puis « barre-toi », puis « fous le camp », « danger », « tire-toi », « meutrier (sic) », – c’est dire le niveau, précise-t-il. A suivi le dessin d’un petit pendu et, enfin, ce matin, en grand : « salope ». Le corbeau en question doit arriver à court d’inspiration, dit le mari de la dame.
Ces deux petites histoires illustrent parfaitement l’air du temps. La convivialité plus ou moins forcée et l’agressivité débridée ; les rapports de voisinage spontanés, consentis, imposés, comminatoires parfois et la bêtise qui s’étale grassement, nourrie par la peur mitonnée de bulletins de santé en journaux télévisés.
Le Point est allé explorer ces nouveaux rapports de voisinage en temps de confinement. « Voisins pour le meilleur et pour le pire », titre le magazine, relevant ces nouveaux comportements qui étonnent surtout les citadins. Car les rapports de voisinage, ce n’est pas une nouveauté à la campagne, où l’on s’est toujours échangé des fraises contre des poireaux et une laitue contre deux œufs frais. Et donc, c’est vrai, on se découvre des voisins, pour le meilleur ou pour le pire.
D’abord, le sourire. C’est un fait : dans « les déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre », etc., on croise des gens qui disent bonjour. C’est la tradition des randonneurs qui a infusé dans la population. On se parle de balcon à balcon, on fait les courses pour le voisin ou la voisine. « C'est l'un des petits miracles du confinement : tous, et surtout en ville, avons découvert qu'il y avait une vie derrière chaque fenêtre », écrit Le Point. On communique !
On pète les plombs, aussi, exaspéré par le sans-gêne de la voisine qui fait claquer ses talons sur le plancher, les mômes qui hurlent, font de la trottinette au-dessus de votre tête, ou le zim-boum et les chiens qui gueulent de l’autre côté de la cloison. Le voisin est en chômage partiel quand vous êtes collé à votre ordinateur, ça énerve… À tel point que près de la moitié des appels au 17 concernent, dorénavant, des problèmes de voisinage, et « souvent pour des conflits déjà existants et qui s'aggravent ».
Bons gestes et saloperies (voir plus haut), voilà donc la réalité qui s’expose au grand jour.
Analyse de Jean-Marc Stébé, le sociologue de service : « L'homme moyen et ordinaire a tendance à disparaître en période de crise : on a les héros et les lâches. »
Comme un air de déjà-vu…
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